J’ai lu que dans les start-up la tendance était au Bring your own device. Soit, en version sous-titrée : « Viens travailler avec ton propre matériel. » En clair, le service informatique, dans sa grande bonté, vous autorise à utiliser votre PC portable perso et votre smartphone au travail, et à mélanger allègrement logiciels pros et applis de jeux, présentations PowerPoint et photos de vacances. Quoi de plus normal ? Quand on est à la tête de sa (petite) entreprise, ce n’est pas seulement son matériel qu’on apporte avec soi au bureau, c’est pratiquement toute sa vie.
Je ne compte plus le nombre de fois où vie privée et vie pro se sont ainsi retrouvées dans le même bateau, pour le meilleur comme pour le pire…
Ce sont, par exemple, ces grèves surprises à l’école, où, à midi, le bureau se transforme en cantine pour CM2 et où tu dois faire comme si tout était normal quand déboule ton rendez-vous de 13 heures. Ou ces journées marathon, quand tu es obligée de faire tes courses entre deux rendez-vous : parfois, c’est limite si tu n’as pas une botte de poireaux qui dépasse quand tu sors un dossier de ton sac. Ou encore ces soirs où tu te retrouves à communiquer par Skype avec l’étranger, alors qu’on joue à Star Wars dans ton dos – la porte n’était pas bien fermée… (C’est beaucoup plus drôle quand cela arrive à ton interlocuteur !)
Évidemment, tout cela est encore plus vrai quand on est une femme. Toutes les mamans qui travaillent le savent très bien : nous avons cent vies en une seule journée. Alors, si vous ajoutez à cette course perpétuelle le fait de gérer son entreprise, c’est le pompon ! Pourtant, en France, en 2017, rares sont les hommes qui reconnaissent qu’une femme devra toujours déployer le double d’énergie si elle veut espérer arriver à la même situation qu’eux. Et bon nombre d’entre eux ignorent complètement à quel point faire entrer toutes les tâches d’une maman chef d’entreprise dans le même agenda relève du pur délire !
Dissimulé sous des apparences policées couve dans notre joli pays et dans de nombreux secteurs un réel machisme teinté de misogynie. Certes, une mauvaise blague bien lourde fera toujours moins de bruit qu’une insulte en pleine rue (désormais verbalisée), mais c’est pénible. Parfois, les regards pleins de sous-entendus ou les petits commentaires incongrus et spontanés sont écœurants de sexisme. Le jugement que l’on porte sur vous repose sur des clichés à l’emporte-pièce et des idées préconçues.
Mais figurez-vous que, à la tête de nos TPE et de nos familles, nous produisons du résultat. Notre mérite est plus grand que celui de n’importe quel grand patron, qui n’a guère à se soucier de savoir qui lave ses chaussettes ou si le cadet a tennis ou poney.
Nous n’avons pas non plus de conseils à recevoir de ces businesswomen stars qui veulent nous « apprendre à lâcher prise » et à gérer ce qu’elles appellent « la charge mentale ». Soyons sérieux : nous n’avons pas, nous, petites entrepreneuses, la possibilité de repartir illico en week-end spa cinq étoiles pour nous remettre de la rentrée scolaire.
Donc, Messieurs, admettez parfois que nous assurons grave… sans y ajouter une œillade ridicule.