Pour instaurer un partenariat véritablement « gagnant-gagnant » entre le continent et l’Amérique, un nouvel esprit a soufflé lors du forum de Libreville.
Organisés dans la capitale gabonaise sous le thème « AGOA 15 ans : pérennisation du partenariat pour le commerce et l’investissement entre les États-Unis et l’Afrique », les travaux de la 14e édition du forum de l’Africain Growth and Opportunity Act (AGOA) ont pris fin le 27 août. Durant deux jours, les délégués et les experts du commerce international venus d’Afrique et des États-Unis ont planché sur des problématiques en lien avec la dynamisation des échanges commerciaux entre l’Afrique et les États-Unis, dans le cadre des accords de la loi sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique. Ceci pour permettre aux pays africains de se mettre sur le chemin du développement durable et de la diversification économique. Il faut rappeler que la loi AGOA a été votée en 2000 par le Congrès américain, à l’époque de l’ancien président Bill Clinton, pour soutenir le développement du commerce en Afrique et la lutte contre la pauvreté. Cette loi permet actuellement à 39 pays africains d’exporter plus de 6 000 produits aux États-Unis, sans taxes de douane. Mais, depuis que la loi existe, très peu de pays en dehors du Nigeria, du Lesotho, de Maurice et de l’Éthiopie profitent des opportunités du nouveau cadre d’échanges commerciaux entre l’Afrique et les États-Unis. D’où la nécessité d’un forum annuel de l’AGOA pour sensibiliser les États et atteindre les résultats escomptés.
Une nouvelle ère, un nouveau partenariat
Ce 14e forum de l’AGOA, qui s’est tenu dans un contexte macroéconomique difficile du fait de la chute du prix du baril de pétrole, annonce un nouveau départ, une nouvelle ère dans la diplomatie économique entre l’Afrique et les États-Unis, dans une sorte de « partenariat gagnant-gagnant », selon le chef de la diplomatie américaine John Kerry. Comment faire pour que les pays africains tirent pleinement profit de l’AGOA ? C’était la question principale du forum 2015, qui a réuni à Libreville plus de 1 000 délégués venus d’Afrique et des États-Unis.
Le Premier ministre gabonais Daniel Ona Ondo a exprimé clairement cette préoccupation : « L’instrument de coopération économique et commerciale mis à notre disposition par les États-Unis, l’AGOA, doit nous inciter à redoubler d’efforts dans l’appropriation de ses mécanismes de mise en œuvre, afin que le plus grand nombre de pays africains puissent en tirer profit. » Il a préconisé que son pays, le Gabon, comme la plupart des pays d’Afrique centrale dont les économies dépendent de la vente du pétrole, saisisse l’opportunité qu’offre l’AGOA pour « s’ancrer davantage dans l’option de la diversification économique » en augmentant ses exportations vers les États-Unis. Le président en exercice de l’AGOA, Gabriel Tchango, a pour sa part invité les gouvernements africains à développer des stratégies, afin de saisir les opportunités offertes depuis quinze ans par les États-Unis à travers la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA). Selon de nombreux analystes, ce sommet de Libreville avait également pour but de permettre aux États-Unis de trouver « de vraies stratégies économiques pour tisser des partenariats fructueux en Afrique, considérée comme le futur moteur de l’économie mondiale, et réduire la pénétration chinoise dans le continent ».
Renforcer les liens économiques
Les experts et les participants ont préconisé également le renforcement des liens économiques interafricains et le développement des infrastructures pour booster l’intégration et le commerce régional. Une partie des travaux a été consacrée au renforcement des capacités pour la conformité aux normes sanitaires et phytosanitaires internationales, pour l’accroissement de la sécurité alimentaire et des investissements dans le secteur agro-industriel et des exportations sous AGOA.
La société civile n’était pas en reste
Experts américains, délégués africains, ainsi que les ministres du Commerce du continent ont planché sur des thèmes tels que « La nouvelle législation AGOA et ses implications sur le futur partenariat commercial USA-Afrique » et « L’impact des négociations commerciales multilatérales et accords régionaux de libre-échange sur les préférences de l’AGOA ». Les leaders de la société civile africaine, qui prennent part activement à la lutte contre la pauvreté, étaient également présents à ce forum. Lors d’une conférence de presse donnée le 26 août dans l’enceinte du stade de l’Amitié d’Angondjé, où se tenaient les travaux de l’AGOA 2015, ils ont présenté des recommandations destinées au Congrès américain et aux États africains, « afin que la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique arrivent à booster l’économie du contient au cours des dix prochaines années ». Parmi ces recommandations, il y a entre autres l’augmentation du taux des échanges commerciaux entre les USA et l’Afrique, l’aide aux PME locales, le développement de la production énergétique en Afrique, le transfert technologique, le mentorat des femmes et des jeunes en business et l’octroi des bourses de formation aux jeunes entrepreneurs africains et un accès facilité au financement des projets. À cela, il faut ajouter, selon le président gabonais Ali Bongo Ondimba, le développement de la qualité des produits africains, afin qu’ils soient compétitifs sur le marché américain.
Le savoir-faire africain mis en avant
La tenue de ce quatorzième forum AGOA à Libreville était couplée avec l’organisation d’une foire artisanale, laquelle a donné l’occasion aux artistes, artisans, agriculteurs et autres entreprises privées de présenter leurs produits prêts à l’exportation aux visiteurs. Près de 300 stands, majoritairement tenus par des Gabonais, ont été mis en place à l’occasion. « Nous fabriquons des objets domestiques avec des matériaux de récupération. Nous sommes là pour vendre et chercher des partenaires pour écouler nos produits vers les États-Unis. Cette foire est une aubaine pour nous et les PME gabonaises », a dit Edna Babongui, jeune commerçante. Pour l’artiste-peintre Chima Ogbonnaya, l’AGOA 2015 « est le point de rencontre entre deux civilisations et le lieu d’exposition du savoir-faire africain. Nous présentons notre fierté et la source de nos traditions communes aux Américains. L’Afrique est le berceau de l’humanité. La forêt et les éléphants que je dessine représentent le symbole de notre richesse. » Une partie des travaux du forum était réservée à l’entrepreneuriat féminin en Afrique. Il s’agissait dans ce chapitre de « trouver des stratégies devant permettre de rendre la femme africaine plus autonome », a souligné Rachel Abaneth du Gabon.
Le point d’orgue du message d’Obama
« Depuis le vote de la loi AGOA en 2000, les exportations non pétrolières de l’Afrique vers les États-Unis ont triplé. Faisant office de moteur de la croissance économique, l’AGOA renforce la classe moyenne africaine et demeure un symbole du partenariat florissant entre les États-Unis et l’Afrique, et c’est la raison pour laquelle j’ai été fier de signer une prolongation sur 10 ans de l’AGOA au début de cet été », écrit Barack Obama dans une lettre adressée au gouvernement gabonais à l’occasion de l’AGOA 2015. Dans ce courrier, le président américain dit avoir espoir sur la relation américaino-africaine dans le domaine du commerce et de l’investissement. « Nous sommes vos partenaires dans le cadre de vos efforts pour satisfaire et ratifier les accords normatifs de l’Organisation mondiale du commerce en matière d’échanges à l’échelle globale », affirme Obama.
Pour rappel, à ce jour, les pays africains ont exporté pour près de 480 milliards de dollars de biens aux États-Unis depuis la mise en place de l’AGOA en 2000. Cette loi a permis la création de plus de 300 000 emplois en Afrique subsaharienne, selon le département d’État américain. À en croire le responsable de la société civile AGOA du Gabon, Chantal Pareso, les hommes d’affaires camerounais, par exemple ont engrangé, en quatre ans, plus de 500 millions de francs CFA de bénéfices grâce l’AGOA.