La FIBANK sortie de l’échiquier

Après la BK, l’UZB, la BZCE, la BCA, la Barclays Bank, la Grindlays Bank, la Banque de placements, la SOZABANQUE, la Bancor, la BCI, la BC, c’est maintenant le tour la FIB d’être dissoute par la Banque centrale. Ce qui accroît les inquiétudes sur le sort de la BIAC.

 

Le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, a annoncé le 9 juin à Kinshasa la dissolution de la First International Bank (FIBANK/RDC). Cette banque commerciale est désormais reprise par Afriland First Bank/RDC, à dater de lundi 12 juin. S’agit-il d’une absorption ou d’un rachat ? En tout cas, les modalités de cette « reprise » n’ont pas été dévoilées à la presse. Pour rappel, en décembre 2015, la BCC avait nommé un comité provisoire à la tête de la FIBANK, dirigé alors par Alphonse Guy Ramazani. Sa mission a été d’assurer la gestion courante et surtout d’élaborer un plan de redressement  de cet établissement bancaire. À l’époque, le directeur des opérations bancaires en charge de la politique monétaire de la BCC, Jean-Louis Kayembe wa Kayembe, avait expliqué que la banque n’avait plus suffisamment de fonds propres à même de lui permettre d’être à l’abri « en cas de choc ».

La FIBANK/RDC était une filiale du groupe financier FIB Group Ltd, opérant dans le secteur de la banque et de l’assurance, avec siège à Banjul en Gambie. Implantée en 2008 en République démocratique du Congo, elle a ouverte officiellement ses guichets en février 2009. En RDC, FIBANK affichait la vision d’être la « banque partenaire » du développement de la RDC à travers les institutions, les sociétés, les PME et les particuliers. La dissolution de la FIBANK relance le débat sur la sécurité bancaire en RDC. Jamais la BCC n’a réussi à redresser une banque commerciale en difficulté. Du coup, on s’interroge sur le sort de la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC) actuellement placée sous gestion administrative de la Banque centrale. Les déboires des clients de la BIAC ont refroidi l’ardeur des Congolais qui commençaient à reprendre confiance en la banque. Où placer désormais son argent en toute sécurité ? Voilà une question que se posent bien des Congolais. Depuis une dizaine d’années, le secteur bancaire national est en pleine expansion. Les banques s’installent, soi-disant pour contribuer au financement de l’économie nationale. Mais, depuis une trentaine d’années, on observe que certaines d’entre elles disparaissent après avoir consommé les reliquats d’épargne.

Quel destin pour la BIAC ?

Un ancien directeur de la BCC joint par Business & Finances, a expliqué la situation sur fond d’humour. D’après lui, il n’y a rien d’étonnant à cela, il faut se méfier de banques d’origine ouest-africaine. Nuance toute de même : certaines banques à capitaux ouest-africains implantées en RDC sont sérieuses et appréciées par leur clientèle. Toutefois, la faillite d’une banque laisse les épargnants, désemparés, dans l’incertitude et entame la confiance. Tenez : après la Banque de Kinshasa (BK) transformée en Nouvelle banque de Kinshasa (NBK), l’Union zaïroise des banques (UZB), la Banque zaïroise pour le commerce extérieure (BZCE), la Banque de crédits agricoles (BCA), la Barclays Bank, la Grindlays Bank, la Banque de placements, la Société zaïroise de banque (SOZABANQUE), la Bancor, la Banque de commerce et d’industrie, la Banque Congolaise (BC), c’est maintenant la FIBANK qui est rayée de la liste. Et ce n’est plus que question de temps, la BIAC va bientôt connaître le même sort.

Créée en 1970, la BIAC fait partie des banques historiques de la RDC. Avec un réseau de 150 agences dans 16 villes, elle détient le maillage territorial le plus dense du pays. Classée quatrième banque de détail en termes de dépôts et troisième en termes de crédits et de total bilan, en 2014, la BIAC gérait 366 000 comptes à la fin de la même année avec un total de bilan de 504 494 millions de francs congolais (556 millions de dollars) et comptait dépasser les 400 000 comptes fin 2015. Par ailleurs, la BIAC contrôlait 67 % des parts du marché des flux entrants Western Union, dont elle est le 5è plus important partenaire africain. En 2013, la BIAC a engagé une stratégie de consolidation et de croissance axée sur les particuliers et les entreprises. Avec une telle performance, rien ne présageait la quasi-faillite de cet établissement bancaire.

Selon des sources crédibles, la BIAC serait déjà rachetée par des Américains.

Une banque kényane était aussi candidate à la reprise, a affirme Bloomberg. Il s’agit de Commercial Bank of Africa (CBA), contrôlée par la famille Kenyatta,  et l’une des plus importantes banques du Kenya. Selon l’agence de presse Bloomberg, le directeur général de CBA exprimait son intérêt à s’installer en RDC en investissant dans la recapitalisation de la BIAC. Septième banque kenyane par le total de bilan (environ 2,1 milliards de dollars, fin 2015), CBA a déjà débuté son déploiement hors du Kenya, avec une présence en Ouganda et en Tanzanie. Comme pour suivre l’exemple Equity Bank qui a acquis en mai 2015 ProCredit Bank/RDC. Des sources proches du dossier ont estimé à 100 millions de dollars la reprise de la BIAC, propriété à 100 % de la famille Blattner.

L’affaire BIAC a fini par prendre une tournure politique. C’est dans ce contexte que les actionnaires de la banque ont cru bien faire en décidant la dissolution de la BIAC, de leur propre gré, le 4 novembre 2016, afin de procéder ainsi à la liquidation et rembourser les épargnants. Le Gouv’ de la BCC a rejeté cette dissolution sous prétexte que les actionnaires de la BIAC n’avaient plus le droit de procéder à cette manœuvre. Devant la commission économique et financière de l’Assemblée nationale, Deogratias Mutombo avait promis une reprise « incessante » par des opérateurs chinois. Il s’agit de la China Taihe Bank, dont le capital serait évalué à plus de 24 milliards de dollars, à travers une filiale congolaise China Taihe Bank of Congo.

Le moral des épargnants

La crise de la BIAC est un coup dur assené au moral des épargnants. Pour le citoyen lambda, la situation de la BIAC fait craindre l’effet de domino dans un secteur qui, depuis 2002, montre des signes d’une réelle reprise bien que lente après des années calamiteuses de 1990 à 2001. À ce jour, 17 banques commerciales – contrôlées quasiment toutes par des capitaux étrangers – opèrent en RDC, un territoire de 2 345 000 km². Selon les estimations de la BCC, seulement moins de 6 % des Congolais utilisent actuellement une banque ou d’autres services financiers formels. Parmi les causes à l’origine des faibles taux d’inclusion financière et de bancarisation, environ 22% pour une population de plus ou moins 70 millions d’habitants, figure en bonne place le manque de confiance de la population dans les banques. En effet, la crise monétaire, bancaire et financière dans les années 1980 a été telle que la majorité des Congolais excédés par le spectacle des banques incapables d’assurer la sécurité des avoirs de la clientèle préférait garder ses épargnes dans les bas-de-laine. Conséquence : les banques qui, à grand renfort de publicité, se présentaient comme étant les plus sûres et sollicitaient la bienveillance des Congolais pour devenir leur clientèle, disparaissaient les unes après les autres.

Des banques publiques révolutionnaires qui faisaient la fierté du régime de Mobutu, seulement trois, à savoir : la Banque commerciale du Congo (BCDC), la BIAC et la CITI, ont résisté à la tempête. Et comme par hasard, elles sont toutes des filiales des multinationales. Le plus étonnant est sans doute la longévité de la BCDC, qui commémorait, en 2009, son centenaire. Elle aura tout vécu durant son siècle d’existence : la colonisation qui l’a portée sur les fonts baptismaux pour remplir la double tâche pionnière de bancariser et de monétiser la colonie du Congo-Belge, l’indépendance et les soubresauts des sécessions et des rébellions , le mobutisme et ses caprices de zaïrianisation de triste mémoire, ainsi que la transition et ses incroyables pillages (1991 et 1993). L’ex-BCZ, dont l’animal totem est l’éléphant – une grosse bête robuste dotée des facultés de courir rapidement, d’écraser tout sur son passage, d’essuyer tous les coups et de résister, mais, aussi, de l’instinct foncier de la mémoire – sait éviter la répétition de mauvaises analyses et décisions. N’eut été l’interférence intempestive des dignitaires du Mouvement populaire de la Révolution (MPR), le Parti-État, dans les années 1970-1980, les banques gérées par la crème des banquiers autochtones : la BK de Dokolo, la BZCE d’Isungu et l’UZB de Tshilombo, qui menaçaient le leadership de la BCZ, auraient certainement fait parler d’elles aujourd’hui.