La Fondation Bill & Melinda Gates intéressée par la recherche agricole

Cette institution a annoncé qu’elle allouera, entre 2018 et 2020, une enveloppe de 300 millions de dollars au profit de la recherche agricole dans les pays d’Afrique et d’Asie de l’Est, fragilisés par les effets du changement climatique. 

L’annonce a été faite en marge du « One Planet Summit » qui s’est tenu à Paris à l’initiative du président français Emmanuel Macron. Concrètement, la Fondation Bill & Melinda Gates va soutenir « l’adoption d’outils et de technologies permettant aux agriculteurs les plus pauvres d’adapter leurs activités à la hausse des températures, aux phénomènes climatiques extrêmes (sécheresse et inondation), et à la baisse de la fertilité des sols ». Dans le cadre de cette stratégie, le montant sera consacré au développement d’actions allant dans le sens de l’amélioration, de la protection et de la gestion des cultures.

« Ce sont les pays riches qui ont émis ces gaz à effet de serre au cours du dernier siècle. Les agriculteurs défavorisés n’y sont pour rien et en subissent les conséquences. Il faut leur donner de meilleures graines, des graines plus productives qui peuvent résister à la chaleur à la sécheresse.», a confié Bill Gates à la station de radio française RTL. Parallèlement à cet appui financier, la Fondation Bill & Melinda Gates, a également indiqué le lancement de la « One Planet Fellowship », en partenariat avec l’Agropolis Fondation et la Fondation BNP Paribas.

D’une durée de 5 ans, ce programme de bourse doté d’un budget de 15 millions d’euros, permettra de soutenir 600 jeunes chercheurs africains et européens actifs dans la recherche de solutions d’adaptation des agriculteurs africains au changement climatique. D’après les estimations de la Banque africaine de développement (BAD), les principaux produits africains notamment le café, le cacao, pourraient connaître, d’ici 2050, une baisse de l’ordre de 8 à 22 % de leurs rendements du fait des conséquences du changement climatique. L’agriculture contribue globalement pour environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre.

La BAD veut engager 1,1 milliard de dollars

La situation est préoccupante dans des pays comme le Soudan du Sud, la Somalie, le (nord du) Nigeria, le Kenya, l’Ethiopie et l’Ouganda. Face à la famine qui pointe à l’horizon, la Banque africaine de développement (BAD) a jugé bon d’anticiper. Elle envisage de délier les cordons de la bourse pour injecter 1,1 milliard de dollars dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition sévère. Actuellement, plus de 20 millions de personnes en Afrique sont touchées, du fait de la sécheresse. Pour la BAD, il faut « une action rapide ». Elle prend des mesures pour faire face à la crise, et veille à ce que la sécheresse n’entraîne pas la famine, a déclaré le 26 avril, le président de cette institution, Akinwumi Adesina, s’adressant aux membres de la commission de la coopération et du développement du parlement allemand, cité par l’Agence Écofin.

Ce financement vient s’ajouter à son engagement plus constant, d’investir 24 milliards de dollars, pour l’amélioration de la production agricole et le développement de l’agro-industrie en Afrique, au cours des 10 prochaines années. Le 11 avril, l’ONU a sonné encore l’alerte sur le risque de décès massifs en raison de la famine dans plusieurs pays d’Afrique et au Yemen. L’ONU n’est parvenue qu’à récolter 980 millions de dollars, soit seulement 1,1 % du montant nécessaire pour répondre à la crise. Cependant, la BAD devra préciser la manière dont l’argent va être dépensé. La crise alimentaire actuelle est la résultante des conflits armés, qui déplacent les populations loin de leurs terres. Mais il y a aussi des victimes de la sécheresse et des changements climatiques.

Le rôle des petits exploitants

Les milieux paysans peuvent assurer le développement durable de l’agriculture pour des millions de personnes. On reproche souvent à l’agriculture africaine de ne pas prendre suffisamment en compte l’essor de la demande intérieure, nationale ou sous-régionale, amplifiée par l’urbanisation. Les micros et les petites entreprises agro-industrielles (MPEA) ne sont pas également prises en compte. Et pourtant, elles jouent un rôle crucial dans les stratégies de sécurité alimentaire contre la pauvreté et les inégalités en Afrique subsaharienne, soulignent les experts de la BAD. Tout un pan de l’activité économique de transformation agro-alimentaire, jusque-là menée par des petites unités existantes, le plus souvent dirigées par des femmes, est même négligé par les statistiques et les analyses économiques, constatent-ils. D’après eux, ce secteur doit être considéré comme un problème à résoudre, mais surtout comme une ressource à valoriser.

À en croire les experts de la BAD, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale ont besoin de nouvelles technologies pour promouvoir la production locale. Au Cameroun, par exemple, l’interdiction d’importer du poulet congelé, en vigueur depuis 2007, fait le bonheur des aviculteurs locaux. Au marché de Douala, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les vendeurs écoulent jusqu’à plus de 6 000 poulets par jour contre environ 1 000 avant la campagne contre les importations menée en 2004 par l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (ACDIC). L’aviculture camerounaise qui, d’après l’ACDIC, avait perdu près de 110 000 emplois, entre 1994 et 2003, est en pleine renaissance.

Intensément cultivés, les sols sont devenus fragiles. Des programmes ont récemment été lancés pour tenter de restaurer les sols. C’est le cas de Terrafrica, un partenariat entre les principales agences des Nations unies, l’Union européenne, de nombreuses organisations régionales et internationales et l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA). L’AGRA veut régénérer dix millions d’hectares agricoles. Des initiatives sur la fertilité des sols, selon la BAD, peuvent se concevoir aussi localement. Au Mali, atteste la FAO, une fabrique d’engrais d’une capacité de 200 000 tonnes par an, supérieure aux besoins estimés à 150 000 tonnes, a déjà vu le jour…

La recherche et l’innovation doivent jouer un rôle déterminant en permettant une amélioration décisive de la production alimentaire. Les producteurs doivent posséder les connaissances nécessaires sur les produits pour éviter des maladies dues à une mauvaise nourriture et contribuer à l’adéquation nutritive de l’alimentation. Selon les derniers rapports de la BAD, la situation ne s’améliore pas dans ce domaine, surtout dans bon nombre de pays subsahariens. Elle invite les chercheurs à soutenir les exploitants agricoles. Tel est le cas de l’université Makerere de Kampala, en Ouganda, qui a ouvert des salles d’exposition à travers le pays et principalement à l’Institut des recherches de Kabanyoro pour une combinaison de tous les programmes de recherche agricole des instituts du pays, cultures, élevages et pêche compris.  Les liens entre l’agriculture et les autres secteurs sont nombreux et sa croissance a des effets multiplicateurs sur l’ensemble de l’économie. Un agriculteur bien géré peut contribuer de manière significative à l’atténuation des problèmes environnementaux, tels que la déforestation, la dégradation des sols, la rareté de l’eau et le changement climatique. La protection de la biodiversité et les services écosystémiques qui lui sont associés revêtent également, aux yeux des experts de la BAD, une importance majeure pour garantir le développement d’une agriculture durable. En ce qui concerne la mécanisation, elle prône le principe de coopératives d’utilisation des matériels agricoles en commun (CUMA). Il s’agit de regrouper des agriculteurs pour partager les coûts d’achat et d’entretien de leurs tracteurs, de leurs remorques ou de leurs batteuses. Hormis l’Afrique du Sud, le prix de ces engins et la petite taille des surfaces à cultiver permettent rarement à une seule exploitation d’amortir l’investissement. De plus en plus d’agriculteurs voient dans ce système coopératif le moyen de profiter à moindre coût d’un matériel, parfois à crédit, qui puisse rendre certains travaux agricoles moins pénibles et plus efficaces, notamment le labour. En République démocratique du Congo, la BAD a ciblé jusqu’ici des domaines de renforcement des capacités et le secteur des infrastructures en vue d’assurer la relance de l’économie et les services sociaux minima aux populations. Les nouvelles interventions de la BAD portent sur les secteurs prioritaires des transports et de l’eau. En 2012, elle avait annoncé, pour la RDC, un don de 75 millions de dollars pour la réhabilitation des routes de desserte agricole. Des experts du gouvernement et ceux de cette institution financière travaillent à l’élaboration des projets.