Dans son rapport de suivi de la situation économique et financière 2015 de la République démocratique du Congo, la Banque mondiale insiste sur la résilience de long terme du pays à renforcer, le rôle handicapant de la dollarisation, ainsi que l’importance de la prospection minière artisanale et de la diversification économique.
La troisième édition du rapport de Banque mondiale, rendu public le 1er octobre, couvre l’année 2014 et le premier semestre 2015. Ce regard sur la situation économique et financière du pays met en exergue une évidence : une forte croissance de l’économie qui était de 7,7 % de 2010 à 2013, avant d’atteindre 9 % en 2014. Cette croissance soutenue a fait de la République démocratique du congo l’un des pays du continent à avoir une économie parmi les plus dynamiques, bien qu’elle reste portée par le secteur minier qui est en plein essor depuis quelques années. Mieux, cette croissance est de 3% de la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne.
La production minière et les investissements connexes sont les principaux moteurs de la croissance, bien que l’activité économique se renforce dans d’autres secteurs comme l’agriculture, dont le rendement reste encore marginal. Entre 2010 et 2014, la production de cuivre a doublé pour atteindre un million de tonnes. Le cuivre et le cobalt représentent plus de 80% des exportations de biens. Cela dit, tout n’est pas rose : les finances publiques affichent à la fois une faible exécution des dépenses budgétisées et une hausse des dépenses exceptionnelles. Plus inquiétant, la mobilisation des recettes, notamment celles qui proviennent du secteur minier, reste plus que faible. Le pays occupe, par conséquent, la 180e place mondiale sur ce plan.
Le rapport de la Banque mondiale indique que la faiblesse de la mobilisation des recettes publiques reste le principal défi à relever.
Le rôle prépondérant du dollar
Les auteurs du rapport reviennent aussi sur le rôle joué par la monnaie américaine dans l’économie congolaise. La dollarisation est tellement forte qu’elle représente 86 % des dépôts bancaires et 90 % des crédits accordés par les banques. Cette situation est la conséquence du ma nque d’efficacité de la politique monétaire du gouvernement. D’où la nécessité d’une dédollarisation qui pourrait renforcer la résilience de l’économie en résistant aux aléas de la conjoncture internationale. Sur la question, il y a deux approches : soit l’approche « ping-pong », qui consiste à dédollariser d’autorité et que la Banque mondiale ne conseille pas, soit une dédollarisation progressive et incitative, pour éviter d’inquiéter les entrepreneurs. La dédollarisation, selon le rapport, peut permettre au pays de renouer avec une politique monétaire efficace. Actuellement, cette situation laisse peu de marge de manœuvre au gouvernement pour la mise en place d’une politique monétaire efficace. En outre, cette dollarisation à outrance de l’économie accroît la dépendance du pays vis-à-vis des réserves de change pour atténuer les risques de conversion massive ou de sortie des dépôts en devises étrangères. Apparue dans les années 1990, la dollarisation a été une réponse spontanée à des politiques budgétaires jugées « erratiques » et à l’hyperinflation. Ces deux facteurs s’étant estompés, souligne la Banque mondiale, les conséquences négatives de la dollarisation se font désormais plus fortement sentir.
D’après le rapport, une dédollarisation progressive de l’économie nationale donnerait plus de latitude au gouvernement pour diminuer la dépendance à l’égard des réserves de change, augmenter les revenus de seigneuriage (droit de battre la monnaie ou revenus qui découlent de l’émission d’une monnaie), et de restaurer le rôle de la politique monétaire dans la gestion économique. Aujourd’hui, les réserves de la Banque centrale du Congo couvrent jusqu’à 57% de la valeur des dépôts en devises étrangères. Pour la Banque mondiale, toutes choses restant égales par ailleurs, une moindre dollarisation aiderait à augmenter ce taux de couverture, ou permettrait de maintenir le taux actuel, avec un plus faible montant de réserves. En outre, une diminution de la dollarisation stimulerait les revenus de seigneuriage du gouvernement, qui pourraient atteindre jusqu’à 2% du PIB. Enfin, avec des niveaux inférieurs de dollarisation, la politique monétaire et de taux d’intérêt domestiques serait en mesure de jouer un rôle plus important dans la gestion macroéconomique et des chocs. Cela réduirait en partie les contraintes pesant sur les politiques budgétaires.
La Banque mondiale conseille de s’inspirer de l’expérience des autres pays en matière de dollarisation. Parmi les mesures à appliquer, il y a l’accroissement des réserves obligatoires en monnaie locale qui doivent être libellées totalement ou partiellement en monnaie locale. Il faut créer un marché captif de monnaie nationale en rémunérant les réserves obligatoires à un taux plus élevé que les réserves en devises ; imposer les réserves obligatoires plus importantes sur les dépôts en devises. Et, enfin, imposer l’utilisation de la monnaie locale pour les transactions intérieures et pour la fixation des prix des biens et services.
Les développements économiques récents montrent que la gestion macroéconomique demeure prudente et que les réformes structurelles continuent d’avoir des effets positifs sur les performances économiques du Congo. Concrètement, la croissance du produit intérieur brut (PIB) demeure confortée par un secteur minier dynamique et par d’autres secteurs qui se relèvent. Le taux de croissance du PIB a atteint un record en 2014 ( 9%), après s’être établi en moyenne à 7,7% de 2010 à 2014. Les mines représentent près de la moitié du PIB avec une contribution de 25 %. Le dynamisme du secteur minier repose sur l’augmentation substantielle de la production de plusieurs minerais tels que le coltan (+210% en 2014) et l’or (+125% en 2014). L’agriculture a réalisé une bonne performance (3,9%) et a ainsi permis d’améliorer l’offre de produits alimentaires abordables pour les populations. Les données disponibles sur la production agricole pour 2014 montrent une augmentation de la production de café, d’huile de palme et de farine de blé de respectivement 25,7%, 3,7% et 0,8%. Le secteur agricole continue d’être le premier employeur du pays, selon l’enquête de l’Institut national de la statistique (INS), avec 71,7% de la population active travaillant dans l’agriculture, dont la majorité (59,7%) dans les activités informelles. L’agriculture de subsistance et la consommation à la ferme continuent de prévaloir. L’utilisation de méthodes de production traditionnelles, ainsi que l’enclavement persistant de grandes zones du pays constituent des obstacles à la circulation et au commerce intérieur des produits agricoles.
Les secteurs de la manufacture et des services ont également connu une évolution. La croissance dans le secteur manufacturier a atteint une moyenne de 4,6%. En 2014, cette croissance a été estimée à 9,9%. La contribution de la manufacture à la croissance totale représentait 6,9% entre 2010 et 2014. L’agro-industrie reste la composante la plus dynamique. Le secteur tertiaire comprenant le commerce, les services, le transport, les télécommunications a crû en moyenne de 3,3% entre 2010 et 2014, tandis que sa croissance en 2014 était de 5,7%. Le secteur tertiaire a contribué à 35% de la croissance totale au cours de la période 2010-2014. Dans le secteur des ressources naturelles, les recettes fiscales ne semblent pas croître au même rythme que l’activité minière qui se développe rapidement. Ce qui ne permet pas d’engranger d’importantes réserves de devises. Cela a pour conséquence la stagnation du ratio des recettes fiscales totales par rapport au PIB. La production minière s’est accélérée à partir de 2007 avec des exportations qui ont plus que doublé entre 2009 et 2014. Les exportations minières et pétrolières représentent environ 95% des exportations du pays et 34% de son PIB en 2014, contre 12,9% en 2013 et 14% en 2012. Ce tassement des recettes est en partie dû à la faible mobilisation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui reste en dessous de son potentiel. Depuis son introduction en 2012, en remplacement de la taxe sur le chiffre d’affaires, la TVA est devenue une composante importante de la structure des recettes du pays. En 2013 et 2014, la TVA a représenté 25% des recettes intérieures contre 31% en 2012, ce qui correspond respectivement à 3,3% et 4,5% du PIB. Le manque de performance de la TVA est principalement due à la persistance de procédures longues et fastidieuses et à un mauvais contrôle des dossiers des contribuables. Selon le dernier rapport de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), les revenus tirés de ce secteur ont atteint (5,5%) du PIB en 2012, dont 74% sont allés au budget, ce qui représente 38% du total des recettes domestiques. La Banque mondiale révèle que, en 2014, les recettes fiscales intérieures ont représenté 13,3% du PIB. Le taux de prélèvement effectif n’a cependant pas dépassé 17,8% de la valeur des exportations minières et pétrolières. L’institution de Bretton Woods juge ce montant « relativement faible » pour un secteur dans lequel les entreprises bénéficient d’une situation de rente. De même, les réserves ont diminué de 100 millions de dollars, tandis que les exportations de pétrole et de minéraux ont atteint 11,7 millions de dollars en 2014. En parallèle, le revenu net des facteurs a atteint -3 milliards de dollars, ou 9,3% du PIB, en raison d’importants transferts de revenus au titre de la rémunération des investissements directs étrangers (IDE). Les IDE et les financements externes ne suffisent plus pour augmenter ni même pour stabiliser les réserves en devises. Les IDE et les dons en capital, ainsi que les prêts, ont permis au Congo de couvrir le déficit du compte courant. Mais les réserves en devises de la Banque centrale se sont tassées à 0,3% du PIB, soit 100 millions de dollars. Le taux de couverture des importations par les réserves en devises a atteint 6,7 semaines en 2014, soit une baisse par rapport à la couverture de 7,1 semaines en 2013. Ces réserves assurent une bonne couverture de la masse monétaire en monnaie nationale (129 %), permettant ainsi au secteur bancaire de faire face aux risques de conversion en devises étrangères. Cependant, la couverture des dépôts en devises étrangères n’est que de 57 %, en recul par rapport au niveau de 65 % en 2013. Cela souligne un certain affaiblissement de la protection contre un risque de sortie de dépôts en devises étrangères. La Banque mondiale estime que cette évolution rappelle les potentiels risques systémiques liés à la forte dollarisation, après que la stabilité macroéconomique a été assurée. Le taux de change est resté stable, variant entre 925,5 francs et 922,38 francs pour un dollar au cours de l’année 2014, pour terminer à 924,5 francs pour un dollar en décembre.
Augmenter les recettes publiques.
Dans le cas de figure où les recettes publiques sont insuffisantes, le niveau des réserves en devises faible et la dollarisation forte, l’économie ne peut que se trouver fragilisée. En choisissant de consolider le budget pour contenir les dépenses publiques, le gouvernement prend le risque de compromettre les objectifs de développement de long terme. Il maintient la politique de stabilisation lancée en 2011 avec un contrôle des déficits budgétaires et la réduction de l’inflation, qui sont désormais à des niveaux historiquement bas. Toutefois, la stabilisation budgétaire par le contrôle des dépenses a atteint ses limites et aboutit maintenant à des retards inquiétants dans l’exécution des dépenses en faveur des pauvres et du développement. Pour la Banque mondiale, il y a nécessité d’augmenter les recettes publiques pour maintenir la consolidation budgétaire et un niveau adéquat de dépenses publiques. Elle recommande vivement une meilleure mobilisation des recettes fiscales pour, à la fois, maintenir la stabilité macroéconomique et répondre aux besoins de développement. Elle insiste également pour que le gouvernement redonne à la politique monétaire son beau rôle dans la gestion macroéconomique et dans l’atténuation des chocs pour renforcer la résilience de l’économie nationale. Or, pour renouer avec une politique monétaire efficace, le gouvernement doit réduire la dollarisation. Ce processus qui a déjà commencé, devra être poussé plus loin, selon la Banque mondiale, qui avertit que le haut niveau de dollarisation de l’économie (86% des dépôts et 91% des crédits) laisse peu de marges pour mettre en œuvre une politique monétaire efficace. Au contraire, la dollarisation de l’économie accroît la dépendance du pays vis-à-vis des réserves de change, pour atténuer les risques de conversion massive ou de sortie des dépôts en devises étrangères. La dollarisation a été une réponse spontanée à des politiques budgétaires jugées « erratiques » et à l’hyperinflation.
Ces deux facteurs s’étant estompés, souligne la Banque mondiale, les conséquences négatives de la dollarisation se font désormais plus fortement sentir.Rien à faire, de l’avis de la Banque mondiale, une dédollarisation progressive de l’économie nationale donnerait plus de latitude pour diminuer la dépendance à l’égard des réserves de change, augmenter les revenus de seigneuriage (droit de battre la monnaie ou revenu qui découle pour l’émetteur de l’émission d’une monnaie), et de restaurer le rôle de la politique monétaire dans la gestion économique. En effet, les réserves de la Banque centrale du Congo couvrent actuellement jusqu’à 57% de la valeur des dépôts en devises étrangères. Selon la Banque mondiale, toutes choses restant égales par ailleurs, une moindre dollarisation aiderait à augmenter ce taux de couverture, ou permettrait de maintenir le taux actuel, avec un plus faible montant de réserves. En outre, une diminution de la dollarisation stimulerait les revenus de seigneuriage du gouvernement, qui pourraient atteindre jusqu’à 2% du PIB. Enfin, avec des niveaux inférieurs de dollarisation, la politique monétaire et de taux d’intérêt domestiques serait en mesure de jouer un rôle plus important dans la gestion macroéconomique et des chocs. Cela réduirait en partie les contraintes pesant sur les politiques budgétaires. La Banque mondiale conseille de s’inspirer de l’expérience des autres pays en matière de dollarisation. Parmi les mesures à appliquer, accroître les réserves obligatoires en monnaie locale. À ce niveau, il faut que les réserves obligatoires soient libellées totalement ou partiellement en monnaie locale ; il faut créer un marché captif de monnaie nationale en rémunérant les réserves obligatoires à un taux plus élevé que les réserves en devises ; il faut imposer les réserves obligatoires plus importantes sur les dépôts en devises ; enfin il faut imposer l’utilisation de la monnaie locale pour les transactions intérieures et pour la fixation des prix des biens et services. L’économie congolaise ne pourra pas résister à tous les chocs à plus long terme. C’est pourquoi le gouvernement doit déjà songer à sa diversification et à celle des exportations. Le niveau élevé des exportations (35%) et leur concentration géographique (41% vers la Chine) et par produit (95 % de pétrole et de produits miniers) exposent le pays aux variations des prix des matières premières et aux fluctuations économiques de ses partenaires commerciaux. Par exemple, un ralentissement de 3% du PIB de la Chine coûterait 1% de croissance au Congo et 320 millions de dollars en réserves de change. La forte concentration des exportations du pays est une source de vulnérabilité, comme l’a montré l’épuisement rapide des réserves de devises étrangères en 2008-2009 avec l’effondrement des prix des matières premières. Les industries minières à forte intensité capitalistique sont contrôlées par des multinationales et génèrent peu d’emplois. Elles conduisent à des transferts importants de revenus au titre de la rémunération des IDE et ne contribuent pas assez aux recettes fiscales domestiques nationales et locales. Par conséquent, la réduction de ces vulnérabilités exige de diversifier la destination géographique et la nature des produits exportés. Cette diversification nécessite, cependant, un environnement favorable qui n’a pas encore été mis en place, déplore la Banque mondiale.
Climat des affaires défavorable
Par ailleurs, elle observe que cette diversification peine à être réalisée dans le secteur minier faute d’un climat des affaires favorable. La Banque mondiale reste persuadée que le développement des liens en amont et en aval dans le secteur minier aurait pu être une option pour augmenter la valeur ajoutée générée dans l’économie nationale, afin d’exporter non pas des matières premières mais des produits semi-finis. Mais le développement de ces liens est entravé par le manque de compétences techniques au niveau domestique. Plus particulièrement, le mauvais état des infrastructures électriques et de transport constitue un sérieux obstacle pour l’établissement de liens en aval. D’où l’idée de ne pas négliger l’artisanat minier. Formaliser l’exploitation minière artisanale et à petite échelle permettrait au Congo de créer des emplois, de générer des revenus pour les ménages et des recettes fiscales au niveau national et local. L’activité minière se substitue à l’agriculture dans de nombreux milieux ruraux. À l’exception du cuivre et du cobalt, la majorité des minerais produits et exportés proviennent de mines artisanales. Le Congo pourrait donc promouvoir différentes échelles de production minière. Contrairement à l’aspect industriel qui requiert d’importants investissements en capital physique, la petite exploitation et artisanale est intensive en main-d’œuvre. On estime que jusqu’à 870 000 personnes (soit 4% des personnes âgées de 15-64 ans) sont employées dans le secteur. En outre, les revenus générés par l’exploitation minière petite et artisanale ne sont pas transférés à l’étranger pour rémunérer les IDE. Selon la Banque mondiale, si une plus grande partie des revenus de l’exploitation minière était gardée en RDC, davantage de devises étrangères resteraient dans le pays. Ce qui aurait l’avantage de stimuler la demande et la consommation des ménages et, potentiellement, les recettes fiscales nationales et locales.
Formaliser l’exploitation artisanale
La formalisation de l’exploitation minière petite et artisanale, dont dépendent de nombreuses communautés, serait déterminante pour réduire les externalités négatives générées par cette activité tout en maximisant ses effets positifs. La diversité de l’exploitation minière petite et artisanale rend difficile l’estimation des rémunérations perçues par les populations, une situation aggravée par les relations de travail informelles qui régissent la vie du mineur. De plus, les femmes perçoivent de plus faibles rémunérations que les hommes et continuent à être victimes de discrimination. En outre, la main-d’œuvre de ce secteur est pour l’essentiel constituée de jeunes. Et en dépit d’un potentiel fiscal élevé, ce secteur largement informel contribue très peu aux budgets nationaux et locaux.En 2014, le gouvernement a élaboré sa première stratégie de formalisation de l’exploitation minière petite et artisanale. Au-delà de la variété des techniques d’exploitation minière, de l’utilisation de la technologie et de la division du travail selon les minerais, des similitudes socio-économiques peuvent être trouvées dans les environnements miniers à travers le pays. Le permis d’exploitation minière à petite échelle, qui est potentiellement avantageux, reste sous-utilisé au Congo. Son absence perpétue l’informalité. La stratégie nouvellement proposée donne l’occasion d’organiser une transition des pratiques artisanales du travail informel vers une activité de petites mines formelles. Pour que cette stratégie réussisse, il convient d’assurer la sécurité d’occupation, de mettre en place un régime d’imposition efficace pour l’exploitation minière petite et artisanale, de fournir une assistance technique aux mineurs, y compris pour les travaux de géologie, et d’offrir une meilleure organisation sociale aux mineurs.