Selon le magazine Challenges, « la France a un profil automobile de… pays pauvre ». Elle est en effet le « paradis des petites voitures d’entrée de gamme ». Fiscalité lourde, bonus-malus, taxes croissantes sur le carburant font que les citadines et modèles à bas prix représentent 55 % du marché auto tricolore sur les six premiers mois de 2018, selon le CCFA (Comité des constructeurs français). Contre 53 % un an plus tôt… et 42 % seulement en moyenne sur l’Europe. Un gros écart. Les meilleures ventes de voitures dans l’Hexagone sont générées par la Renault Clio (5,9 % du marché total) et la Peugeot 208 (4,7 %). Les compactes ne pèsent plus que 27 % du marché (28 % il y a un an). Là où la France affiche le plus fort déficit vis-à-vis de ses voisins, c’est dans les « moyennes supérieures » (13 % de pénétration, contre 19 % en Europe) et dans les véhicules gros et de luxe (5 % dans l’Hexagone, 13 % sur le Vieux continent).
L’étude annuelle de L’Argus a révélé début juin que la voiture neuve moyenne des Français en 2017 développait 117 chevaux, contre 154 en Allemagne, d’après Automobilwoche. Le prix de vente moyen dans l’Hexagone est de 26 717 euros, contre 30 350 euros outre-Rhin selon la Deutsche Automobil Treuhand. Cette structure de marché ne peut qu’être défavorable, structurellement, aux résultats financiers des constructeurs tricolores, qui se retrouvent de facto concentrés sur les créneaux hyper-concurrentiels des petites voitures à très, très faibles marges (sauf les Dacia). Ce primat des petites est fortement accentué depuis 2008 par la fiscalité dite « écologique du bonus-malus », qui a lourdement taxé les « grosses » voitures, puis les moyennes et risque de peser désormais sur les compactes ! Problème: les petites, dont les constructeurs français se retrouvent de facto spécialistes, sont le plus souvent produits hors de France, pour des raisons de coûts. La Renault Twingo vient de Slovénie (alors que la première était produite à Flins), la Dacia Sandero du Maroc, le Captur d’Espagne. Quant aux Clio et 208, elles ne sont que partiellement produites en France, le reste (une part croissante) étant assemblé respectivement en Turquie et en Slovaquie. La Citroën C3 est aussi produite exclusivement en Slovaquie, le dérivé C3 Aircross en Espagne. La future remplaçante de la 208, qui arrivera dans un peu plus d’un an, devrait être également assemblée hors de France, très probablement en Slovaquie. Les Citroën C1 et Peugeot 108 proviennent depuis longtemps, elles, de République tchèque. Cette concentration croissante sur les petits modèles a largement contribué à la désindustrialisation de la France ! PSA a fabriqué un peu plus d’un million d’unités dans l’Hexagone l’an dernier, contre 1,93 million en 2004. Les volumes ont atteint 860 000 pour Renault (1,3 million en 2004). Les sites Renault de Sandouville ou Douai et PSA de Rennes (PSA), centrés traditionnellement sur les voitures de gamme moyenne supérieure et haut de gamme, ont été notamment frappés de plein fouet par la « paupérisation » du marché tricolore. D’ailleurs, Sandouville a dû être reconverti dans les utilitaires… Cette prépondérance des petits véhicules, qui consomment moins et rejettent donc forcément moins de CO2, permet au moins à la France de bien se placer au niveau des émissions de gaz à effets de serre – la diésélisation du parc auto tricolore jouant aussi son rôle dans ces bons résultats. Les émissions moyennes des voitures particulières neuves en France atteignaient les 112 grammes de CO2 au kilomètre (en juin 2018), ce qui place favorablement la France, en-dessous de la moyenne des pays d’Europe. Mais, la chute des immatriculations de diesels, vilipendés par les pouvoirs publics et victimes de la hausse des taxes sur le gazole, a fait remonter ce taux moyen… Celui-ci atteignait 109,8 grammes seulement sur le premier semestre 2016 !