La Gécamines contre-attaque les contrevérités des ONG internationales

« La vérité sur les mensonges des ONG en République démocratique du Congo – Ou comment sous couvert de morale, on voudrait priver le pays de sa souveraineté sur ses matières premières » : c’est le titre du « rapport circonstancié » que la Gécamines a publié mercredi 28 novembre, en réponse aux « allégations outrancières et systématiques » de certaines associations.

POUR une opération de communication, le management de la Générale des carrières et des mines (Gécamines) a réussi son coup. « La colère de Yuma » : c’est le titre que la rédaction de « Business et Finances » a failli consacrer à son reportage sur la publication de ce rapport, présenté en conférence de presse à Pullman Hotel de Kinshasa par Albert Yuma Mulimbi, le président du conseil d’administration de Gécamines, devant un parterre de membres du gouvernement, parlementaires, dirigeants d’entreprises… En dernier ressort, on lui a préféré « La Gécamines contre-attaque ».

Des agendas cachés

Pourquoi, pourrait-on ainsi se demander, le management de la société minière publique a mis du temps pour répondre à ce qu’il qualifie d’« allégations outrancières et systématiques » des ONG comme Global Witness, Carter Center et Enough Project sur la gestion financière de Gécamines. « On répond les imbéciles par le silence », a tranché dans le vif Albert Yuma. Mais puisqu’il sait seulement que derrière cette campagne de « Gécamines bashing » menée par des « grands intérêts mondiaux » à travers des ONG internationales, c’est-à-dire des multinationales, voire des États, qui en veulent non seulement aux dirigeants de la société mais aussi aux autorités du pays.

Quoi qu’il en soit, ce tir groupé de ces ONG a suscité – et suscite encore – un ensemble des questions. Dans le salon Congo de Pullman Hotel plein à craquer, Albert Yuma a voulu « répondre, une fois pour toutes, de manière précise et documentée » aux différentes publications de plusieurs ONG, et plus particulièrement aux « allégations outrancières et systématiquement à charge à l’endroit de Gécamines et de la RDC ».

« Il n’est pas question de faire dans le sensationnel, comme le font ces ONG, confie un collaborateur du PCA, en même temps président du plus grand patronat du pays, la Fédération des entreprises du Congo (FEC). Mais de les contre-attaquer sur ce terrain de l’opinion publique, car c’est l’image de Gécamines et du pays qui est en cause. » Quelle image ?

Le cliché d’un éternel assisté

L’image de la République démocratique du Congo dans la presse et les milieux des ONG occidentales est « celle d’un enfant famélique, au ventre ballonné, tendant la main au bord des routes desséchées et caillouteuses ». C’est « l’image d’un éternel assisté », et cela vaut pour tous les Africains (afro-pessimisme). Voilà 6 ans déjà, depuis qu’il est le PCA de la société Gécamines SA, Albert Yuma Mulimbi tente de placer l’entreprise minière publique en RDC à un tournant décisif, aidé en cela par Jacques Kamenga Tshimuanga, le directeur général. Mais que d’accusations !

Le cliché d’« opacité » dans les finances de Gécamines n’est que l’arbre qui cache une réalité plus dure qu’on ne l’imagine : les désastres économiques causés par les minings internationales partenaires de Gécamines. Albert Yuma stigmatise la méthode de ces partenaires qu’il n’hésite pas de traiter de « voyous ». Révolté ? Albert Yuma est bien dans le rôle de don quichotte. « C’est le Lumumba des temps modernes, je ne vois pas comment ils vont s’en tirer face à ce nationalisme montant à propos des ressources naturelles dans le pays », confie une consœur fascinée par le discours du PCA. Et un confrère venu de Lubumbashi pour cette conférence de presse d’embrayer en rappelant le combat des ONG au Katanga pour une répartition équitable des revenus générés par l’exploitation minière entre les entreprises et l’État.

Depuis qu’il est à la tête du conseil d’administration de Gécamines, non seulement il a apporté les méthodes de gestion du secteur privé dans le secteur public, Albert Yuma livre également un combat au couteau avec les groupes miniers internationaux, afin de remettre Gécamines et l’État dans leur bon droit en ce qui concerne l’exploitation des minerais de la RDC. Le nationalisme de Yuma sur les ressources naturelles saute aux yeux : il faut renégocier tous les accords de partenariats sur la base de la souveraineté de la RDC.

Le nœud du problème

L’agitation qu’il constate et dont il trace l’origine n’a qu’un seul objectif, dit-il. « C’est faire taire Gécamines et les dirigeants du pays ». Convaincu que, comme l’actualité nous le montre, on veut à tout prix mettre la RDC hors du jeu de la transition énergétique dans le monde. Or celle-ci ne peut pas se faire sans la RDC. Yuma affirme n’est pas être surpris par le flot d’accusations dans le cadre de « Gécamines bashing », car il a fait une analyse des rapports des ONG internationales. 

Quel crédit donner finalement à tous ces propos afro-pessimistes sur l’avenir de la société minière publique ? « Nous ne cachons pas nos sources, nos états financiers sont fiables et transparents. Ils sont non seulement contrôlés sur une base annuelle par des auditeurs externes internationaux mais également communiqués à l’ITIE… Les rapports sont publiquement consultables », martèle le PCA de Gécamines. 

Quelles que soient les circonstances dans lesquelles ont été menées les « investigations » de ces ONG, on ne peut pas s’empêcher de tracer un parallèle entre ces rapports et la politique des multinationales dans le secteur minier. Yuma reconnaît que l’État congolais peut avoir des faiblesses qui sont malheureusement prises pour des qualités. Mais il ne démord pas de l’idée que Gécamines doit redevenir un des fleurons de l’industrie minière en Afrique. 

Des apparences de développement 

Tant vanté par les multinationales, le code minier de juillet 2002, voté au sortir de la guerre, a été un pis-aller. Il apparaît ainsi, au bout de seize ans, comme n’ayant engendré que des apparences de développement. Pour l’essentiel, il a enrichi les groupes miniers et ne laissant au pays que des miettes. La plupart des entreprises minières installées en RDC se sont organisées à la faveur de ce code minier pour ne pas payer les impôts.

Par exemple, le code minier de 2002 permettait à toutes ces sociétés de récupérer 60 % de leur fonds d’investissement dès la première année, et de réinvestir automatiquement à la fin de leur remboursement. Elles sont restées dans cette situation de quasi réinvestissement permanant sans payer les impôts sur les bénéfices et profits (IBP). La disposition d’amortissement spécial était une disposition « très dangereuse » et « mauvaise », avoue Martin Kabwelulu, le ministre des Mines, car elle ne pouvait permettre ni à Gécamines, ni à aucune société  minière de l’État, ni à l’Etat lui-même de toucher quoi que ce soit.

Il était donc sain de le remettre en cause. C’est ce que fait Albert Yuma, mais aussi bien d’autres Congolais, en criant très fort pour se faire entendre. Albert Yuma décoche ses flèches (empoisonnées) aussi bien aux « néocolonialistes » qui « roulent en 4X4 », s’attardent dans les hôtels de luxe qu’aux compatriotes qui sont le relais de ces néocolonialistes et qui n’ont pas encore compris que le moment est venu de changer le paradigme.

Une décision courageuse

Le code minier révisé de mars 2018 ne permet plus aux entreprises minières de décider unilatéralement du sort des minerais de la RDC, explique Martin Kabwelulu, le ministre des Mines. Il exige au préalable, désormais, une concertation entre les entreprises minières partenaires et l’État. Ce qui se passe actuellement avec Kamoto Copper Company (KCC), une filiale du groupe Glencore, est « inacceptable ». 

Pour rappel, cette société a décidé, début novembre, la « suspension temporaire » des exportations et de la vente du cobalt au motif qu’il y aurait un niveau élevé d’uranium dans l’hydroxyde de cobalt. Et unilatéralement, KCC a décidé de réinvestir 25 millions de dollars sans aviser la Gécamines son partenaire. En 2015, au bout de son remboursement, KCC a prétendu réinvestir en équipant la société de nouvelles machines. 

Ça n’est donc fini de la disposition sur l’amortissement spécial. Le code minier révisé fait place au système d’amortissement linéaire. Toute entreprise qui s’installe en RDC doit désormais payer dès la première année l’impôt sur les bénéfices et profits.