La gestion de la ligne de crédit de 100 millions de dollars

Le dispositif a été mis en place dans le but de payer les créances cumulées des sociétés pétrolières. Au 31 mars 2018, le montant était évalué à 207 604 075 dollars, suivant la commission d’amortissement du stock de sécurité, conformément à la lettre CAB/PM/CMEH/GBB/2018/2476 du 12 juillet 2018 du 1ER Ministre.

C’EST le ministre d’État, ministre de l’Économie nationale, en l’occurrence Joseph Kapika Ndji Kanku wa Mukumadi, qui a initié l’opération. À travers sa lettre n°722/CAB/MINET/ECONAT/JKN/GYN/gyn/2018, datée du 19 avril 2018, il propose à Bruno Tshibala Nzenzhe, le 1ER Ministre, d’aider les sociétés pétrolières à faire face à leurs difficultés de trésorerie. Il évoque, d’une part, l’accumulation des factures non payées de fourniture de carburant, essentiellement aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et à la Police nationale congolaise (PNC). Et, d’autre part, les pertes et le manque à gagner dus au gel des prix des produits pétroliers par le gouvernement.

Dans cette lettre, Joseph Kapika informe Bruno Tshibala qu’il a été saisi par le conseil d’administration de SEP Congo, à travers un courrier daté du 5 avril 2018 (référencé 0235/2018/DFN/CFI/BAK/SEPCONGO) pour « attirer l’attention du gouvernement sur la situation de cessation de paiement qui résulterait du non-paiement de ses créances sur l’État ». Joseph Kapika souligne, par ailleurs, que « cette situation préoccupante est vécue de manière générale par toutes les sociétés pétrolières, qui éprouvent des réelles difficultés de trésorerie, malgré le paiement de 60 millions de dollars par compensation des taxes fiscales ». À cet effet, il sollicite du 1ER Ministre la mise en place d’une ligne de crédit de 100 millions de dollars « auprès des banques commerciales locales pour le paiement au comptant de cette créance, dont le remboursement se fera à travers les lignes de la structure des prix des produits pétroliers ».

La non-objection de la présidence

Le chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, à l’époque des faits, est tenu informé de l’initiative. En effet, le 8 juin 2018, Néhémie Mwilanya Wilondja, alors directeur de cabinet du chef de l’État, « accuse bonne réception, au nom de Son Excellence Monsieur le Président de la République, de la copie » de la lettre  (n°722/CAB/MINET/ECONAT/JKN/GYN/gyn/2018) de Kapika à Tshibala. Ce dernier, en sa qualité de 1ER Ministre, va donc autoriser par sa lettre (CAB/PM/CMEH/GBB/2018/2476), du 12 juillet 2018, la mise en place de cette ligne de crédit.

Pour rappel, en juillet 2017, le ministre d’État, ministre de l’Économie et le ministre des Finances rencontrent les chefs d’entreprises pétrolières, membres du Groupement professionnel de distributeurs de produits pétroliers (GPDPP). À l’issue de cette rencontre, ils décident de mettre en place une commission (experts des Finances, de l’Économie nationale et délégués des sociétés pétrolières). 

Pendant trois jours (4-6 juillet 2017), les membres de cette commission examinent les propositions de paiement des créances des entreprises pétrolières sur l’État, en vue de soulager leurs trésoreries et éviter une rupture des approvisionnements du pays en produits pétroliers ainsi que des livraisons aux institutions et services publics.

Concernant l’actualisation de la structure des prix des produits pétroliers, ils lèvent également des options de manière à reconstituer le stock de sécurité (un fonds traditionnellement utilisé pour payer les créances des sociétés pétrolières), et à réduire ou supprimer les pertes et manques à gagner pour les sociétés distributrices, provoqués par des écarts trop importants entre les prix des produits pétroliers à la pompe et l’évolution des paramètres de la structure de ces prix.

À l’issue de leurs discussions, les membres de la commission paritaire proposent ce qui suit. Un : le paiement cash par le Trésor public des créances certifiées au 31 janvier 2017, dont la hauteur est à déterminer par le ministre des Finances. Ce paiement doit se faire par tranches, en fonction des disponibilités de ressources publiques, de juillet à fin décembre 2017. 

Deux : l’allocation, selon les disponibilités de devises, par le gouvernement à la profession pétrolière d’un montant mensuel en devises d’au moins 20 millions de dollars, au taux indicatif de la Banque centrale du Congo (BCC), pour l’importation des produits pétroliers, à l’instar des importations des biens de première nécessité.

Trois : la compensation, au 31 décembre 2017, d’une partie des créances de sociétés pétrolières avec leurs obligations financières vis-à-vis de l’État, au titre des dividendes à verser et d’impôts et taxes (impôt sur le bénéfice et le profit, acomptes provisionnels, droits d’entrée sur les produits pétroliers, TVA à l’importation de ces produits et à leur vente à l’intérieur du pays).

Quatre : l’application d’une décote de 20 %, dont 15 % sur la partie des créances représentant les manques à gagner pour les sociétés pétrolières, à verser au compte « Parafiscalité n° CC 001707 » ouvert à la Banque centrale du Congo et 5 % sur l’ensemble des créances payées (cash et en compensation), à verser au compte du Comité de suivi des prix des produits pétroliers.

Cinq : la nécessité de convenir avec le ministère des Infrastructures, des Travaux publics et de la Reconstruction, de compenser, contre l’engagement ferme des sociétés pétrolières d’acquitter à l’échéance les montants mensuels dus, tous les arriérés au titre du Fonds national d’entretien routier (FONER) par ces sociétés avec une partie de leurs créances. Ces arriérés étaient devenus pratiquement irrécupérables du fait des difficultés de trésorerie de ces sociétés pétrolières. Six : l’engagement de la profession pétrolière à poursuivre l’approvisionnement régulier du pays, en général, en produits pétroliers et les livraisons aux institutions et services publics, en particulier. Sept : la nécessité pour l’État de trouver un financement spécifique en vue de désintéresser totalement les sociétés pétrolières, de façon à réduire la hauteur de leurs créances, qui vont encore augmenter par la prise en compte des factures impayées et des pertes et manques à gagner, de février à juin 2017 et au-delà. Pour la commission, les solutions proposées ne couvrent qu’une partie des créances certifiées au 31 janvier 2017 et ne constituent en définitive qu’une « solution palliative, temporaire et exceptionnelle ».

Huit : la prise en compte, lors du prochain croisement des créances entre l’État et les sociétés commerciales pétrolières (SOCOMS) de la partie des créances de la SOCIR, jadis certifiées et dont le paiement a été arrêté sur instruction du 1ER Ministre, ainsi que la partie de rétribution accordée à SEP Congo par le ministère des Finances et non récupérée sur le stock de sécurité. 

Actualiser la structure des prix

En ce qui concerne l’actualisation de la structure des prix des produits pétroliers, la commission souligne ce qui suit. Un : la nécessité et l’urgence d’actualiser régulièrement cette structure, en tenant compte de l’évolution des paramètres généralement pris en compte : le taux de change, le volume mis en consommation et le prix moyen frontière.

Deux : l’adoption, dans les dix jours qui suivent, d’une nouvelle structure qui, d’une part, réduit l’écart entre le taux de change réel et le taux structure, de façon à éviter l’aggravation des manques à gagner, et, d’autre part, améliore le niveau de la fiscalité et du stock de sécurité.

Trois : la reconstitution de la fiscalité en revenant progressivement à des droits d’accises positifs ou nuls, mais plus jamais négatifs, et en élaguant de la structure les taxes ou prises en charge autres que le stock de sécurité et le stock stratégique. Et quatre : le renforcement de la lutte contre la contrebande des produits pétroliers en étendant le marquage moléculaire et en réprimant les contrebandiers.