La mobilisation des fonds croît mais ne profite guère aux populations vulnérables

Selon un rapport de Climate Policy Initiative, plus de 500 milliards de dollars ont été récoltés en 2017 et 2018, soit un accroissement de 25 % par rapport à 2015 et 2016. Cependant, moins de 10 % des fonds arrivent aux bénéficiaires. À Écofin, Cooper Wetherbee, un des auteurs du rapport fait le point de la situation.

EN 2015, à Paris, lors de la COP 21, les parties prenantes s’étaient engagées à mobiliser 100 milliards de dollars l’horizon 2020 pour aider les pays en voie de développement à faire face au réchauffement climatique. À l’horizon 2025, cette ambition financière devra être relevée. Et la grande partie du financement est gérée par le Fonds vert pour le climat. Une étude intitulée « Global Landscape of Climate Finance » du Climate Policy Initiative retrace la mobilisation des fonds en faveur de l’action climatique dans le monde. Une autre étude, réalisée par l’Institut international pour l’environnement et le développement (IIED), souligne que moins de 10 % de la finance climatique est consacrée au soutien des communautés les plus vulnérables pour leur adaptation au changement climatique et l’adoption des énergies propres. 

Pourtant, ces populations sont celles qui ont le plus besoin de financement pour faire face aux impacts des phénomènes tels que les vagues de chaleur, les cyclones ou les sécheresses. Les principales causes du sous-financement des populations vulnérables sont l’absence d’une priorisation de ce type d’action et la capacité des communautés locales à mobiliser le financement.

Selon le rapport de l’IIED, cité par l’Agence Écofin, un meilleur accompagnement des couches les plus vulnérables au changement climatique passe par l’octroi de ces financements à un niveau local. Un résultat qui nécessitera l’implication des communautés locales, aussi bien les populations que les autorités pour exploiter au mieux les opportunités d’action en faveur de l’atténuation et de l’adaptation. La mise en place d’une base de données permettant le référencement climatique au niveau local aiderait également. Il est aussi important d’accroître la transparence dans la gestion des fonds ainsi que la flexibilité des mécanismes de cofinancement.

L’Agence Écofin a approché Cooper Wetherbee, l’un des auteurs du rapport publié par la Climate Policy Initiative. D’après lui, la finance climatique profite surtout aux pays où les marchés financiers sont bien établis. Le financement climatique en 2017 et 2018 a augmenté de 25 % par rapport à celui de 2015 et 2016. Qu’est-ce qui a occasionné la hausse ? « La principale cause est la croissance rapide des capacités installées d’énergies renouvelables en Chine et en Inde. L’engagement croissant pour une meilleure utilisation des terres et pour l’efficacité énergétique dans plusieurs régions du monde y a aussi contribué », répond Cooper Wetherbee.

Selon ce dernier, les financements climatiques proviennent de sources publiques et privées : 56 % du flux retracé en 2017 et 2018 proviennent des entités privées et les 44 % autres du secteur public. Pour le secteur privé, les principaux pourvoyeurs sont les entreprises. Elles investissent dans l’énergie renouvelable pour leurs propres besoins et dans les moyens de transport durables pour leur chaîne d’approvisionnement. Quant aux entités publiques, les premiers investisseurs sont les gouvernements nationaux et les banques de développement. D’après Cooper Wetherbee, la mobilisation en matière de finance climat a été forte grâce au secteur privé en Amérique et dans les pays émergents, tels qu’Israël ou la Corée du Sud. Tandis qu’elle a été plus en Europe de l’Est, dans le Pacifique et l’Asie du Sud par le fait des institutions publiques. La croissance la plus rapide du financement climatique a été observée en Océanie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le financement climatique reçu par l’Océanie en 2017 et 2018, équivaut à 165 % des montants reçus en 2015 et 2016. Il représente une croissance de 78 % en Afrique du Nord.

Lorsqu’on lui demande si le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris a une incidence sur la mobilisation de la finance climat, cet expert répond : « Le retrait par l’administration fédérale américaine actuelle de l’action climatique du rang de ses priorités, n’a pas entamé l’engagement des États et des villes d’Amérique en faveur de la finance verte. Nous n’avons simplement pas pu suivre l’ensemble de tous ces flux. Mais nous savons que les États-Unis sont l’un des marchés mondiaux les plus dynamiques en matière d’énergies renouvelables. Cela nécessite du financement qui est principalement pourvu par le secteur privé. »

Où vont les fonds ?

L’étude à laquelle il a participé montre un engagement croissant des gouvernements et des banques de développement, surtout en Asie de l’Est et en Europe de l’Ouest. Et dans les régions comme l’Amérique où l’engagement politique n’est pas fort, une part importante de la finance climatique est mobilisée par les acteurs privés. Quelles ont été les destinations de ces fonds mobilisés ? « La tendance principale est que 76 % des fonds climatiques sont levés et consommés dans le même pays. 

Cette réalité montre l’importance d’une régulation nationale forte qui facilite l’investissement climatique domestique. Nous avons aussi constaté que 61 % de la finance verte atterrit dans les pays hors OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques). Les transferts entre les pays en voie de développement ont aussi augmenté, passant de 11 milliards de dollars en 2015 et 2016 à 90 milliards en 2017 et 2018. Cette croissance indique un renforcement de la coopération Sud-Sud, dans le cadre de l’action climatique. »

Par région, l’Asie de l’Est et le Pacifique demeure la première destination de la finance climatique. Cette région a reçu 238 milliards de dollars par an, soit 41 % de la finance climat retracée. Une tendance principalement due à la Chine qui est le plus grand pourvoyeur et la première destination de la finance climat, depuis plusieurs années. 

Dans quels secteurs ces fonds ont-ils été injectés ? En ce qui concerne l’action climatique, explique Cooper Wetherbee, il y a trois grandes catégories : la mitigation, l’adaptation et les projets à double bénéfice. La mitigation a pour objectif de stabiliser l’élévation de la température globale. Elle a attiré 93 % des fonds mobilisés pour le climat en 2017 et 2018. L’adaptation a pour but de réduire l’ampleur des dommages causés au mode de vie des sociétés par le changement climatique et de faire face à ses conséquences à court terme. Elle a attiré 5 % de la finance climat au cours des dernières années. L’action à double bénéfice produit simultanément les effets d’adaptation et de mitigation. Elle a attiré 2 % des financements.

D’après lui, la majorité des initiatives financées est constituée par des projets d’énergies renouvelables. Ils ont reçu 336 milliards de dollars de financement. Le deuxième secteur en matière d’investissements climatiques est le transport durable qui a attiré 141 milliards. Il est suivi de l’efficacité énergétique, 34 milliards, et de l’utilisation écologique des terres, de l’agriculture et de la foresterie durables, 20 milliards.