Une fois de plus, la désillusion est au rendez-vous après la présentation de l’avant-projet de loi de finances 2015. Le budget alloué à l’Etat reste loin des attentes, dans un pays aux potentialités énormes et qui caresse l’ambition de l’émergence.
Même le président Joseph Kabila ne cache pas sa déception. Le 20 septembre, au cours du conseil des ministres, le chef de l’Etat s’est dit « peu satisfait » de l’accroissement des recettes publiques et a demandé à l’exécutif de fournir davantage d’efforts afin de doter le pays « de moyens de relever les multiples défis qui l’assaillent. » Pour 2015, l’avant-projet de loi de finances présente des prévisions budgétaires de 8,406 milliards de francs. Equilibré en dépenses et en recettes, ce budget ne s’éloigne pas beaucoup de celui de 2014(8, 273 milliards de francs). Joseph Kabila ne doute pas un instant que les potentialités de la RDC permettent de mobiliser beaucoup plus de recettes. Qu’est-ce qui empêche alors une mobilisation optimale des recettes, dans un pays qui aspire à l’émergence à l’horizon 2030 ? Les participants à l’Atelier international sur l’investissement et la fiscalité en RDC, organisé en juin dernier, à Kinshasa, avaient répondu à cette question. Membres du gouvernement, de la société civile, acteurs économiques, spécialistes et partenaires au développement avaient trouvé des failles dans le système fiscal congolais et proposé des pistes de solution.
Un système fiscal encombrant
De toutes les sources génératrices de recettes d’un Etat, la fiscalité est présentée comme la plus efficace, d’autant plus qu’elle lui permet d’être financièrement indépendant. Elle procure près de 80% de toutes les recettes, dans les pays développés, et près de 70 %, dans les pays en développement, selon l’OCDE. Les Nations unies considèrent que 20 % du PIB collecté en taxes est un minimum pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. Pourtant, le système fiscal congolais est rongé par plusieurs maux qui l’empêchent d’atteindre ces chiffres. Selon la Banque centrale du Congo (BCC), les recettes fiscales de la RDC représentent à peine 14 % du PIB, alors que son potentiel est de 29 %. Toutes ces insuffisances sont liées, avant tout, à la mauvaise organisation de son administration fiscale. L’efficacité d’un système fiscal se joue sur une subtilité : mobiliser beaucoup de ressources sans décourager les activités économiques. « Un système fiscal est efficace s’il maximise les ressources pour l’Etat et minimise les coûts pour les contribuables, c’est-à-dire, qu’il y a un arbitrage entre les ressources qu’il procure à l’Etat et les coûts qu’il entraine pour les contribuables », de l’avis d’un analyste. Ce que ne propose malheureusement pas l’administration fiscale congolaise avec sa multiplicité de services qui, parfois, confondent leurs rôles respectifs. Aux côtés de la Direction générale des impôts (DGI), de la Direction générale des douanes et accises (DGDA) et de la Direction générale des recettes administratives et domaniales (DGRAD), plusieurs autres services récoltent des taxes et impôts au niveau des provinces et des entités territoriales décentralisées. Cette multiplicité d’interlocuteurs, reconnaît un expert du ministère des Finances, ne favorise pas « la cohérence de la politique fiscale, entraîne un accroissement des coûts de gestion de l’impôt et induit naturellement un sentiment de tracasserie chez les opérateurs économiques ». Le classement Doing Business 2013 de la Banque mondiale, dans lequel la RDC avait perdu une place (181ème), faisait état « d’un milieu fiscal difficile et des procédures compliquées entraînant des coûts administratifs très élevés pour les contribuables. »
Le malaise reste profond
Cet environnement n’attire pas les investissements et, de surcroît, nuit à la mobilisation optimale des recettes. Les résultats négatifs qu’enregistrent les régies financières actuellement ne sont que les conséquences de ce profond malaise. En 2013, le taux de mobilisation de recettes de la DGI n’a pas dépassé 65, 8 % et moins de 89 % pour la DGRAD. Cette année encore, ces régies financières risquent de reproduire les mêmes contreperformances. Déjà, elles n’ont pas respecté leurs assignations au premier semestre. La DGI n’a atteint que 80 % de recettes provenant de la TVA. La DGRAD a réalisé un gap de plus de 30 milliards de francs. Le taux de mobilisation de la DGDA s’est situé à 79,26 %. Pour les participants à l’Atelier international sur l’investissement et la fiscalité en RDC, l’augmentation des recettes fiscales passe, notamment, par le renforcement des capacités administratives, l’accroissement du nombre des contribuables par la taxation du secteur informel, la simplification et la classification des institutions de collecte, un arsenal juridique et procédural national simple, juste et transparent et la suppression des avantages fiscaux opaques, peu efficients et non incitatifs. Ils ont également insisté sur le fait que la RDC devra accorder une attention particulière aux secteurs des mines, de l’agriculture et des hydrocarbures.