Des milliers de casseurs de pierres artisanaux viennent à peine de gagner leurs lieux de travail dans les carrières privées situées non loin de la carrière appartenant à l’entreprise de construction SAFRICAS en bordure du fleuve Congo. On est à un jet de pierre de la ville voisine de Brazzaville. De l’autre côté du fleuve, on aperçoit le même alignement des carrières. Le bruit des exploitants artisanaux, les va-et- vient des camions à benne basculante. Le tout dans un étonnant brouillard de poussière rouge qui couvre le ciel de Brazzaville la Verte. A Kinshasa, des hommes et des femmes de tous les âges s’interrogent, sans cesse, sur les recettes à tirer de leur activité journalière avant de rejoindre, chacun pour ce qui le concerne, le lieu habituel de son activité. Les plus zélés de ces exploitants artisanaux s’arrêtent un instant après leur descente de véhicules de transport qui desservent les quartiers Pompage à ceux avoisinant la bordure du fleuve Congo. Ici, il est question d’attarder son regard sur les éventuels acheteurs de pierres. Un moment très attentif pour les revendeurs de moellons, caillasses ou autres. Au cri de Mopao mabanga yangoyo (traduisez: patron! Nous avons de moellons, caillasses à vous proposer à bon prix). Tout le monde est intéressant ici parce que les revendeurs de pierres savent qu’après une dizaine d’interpellations, deux peut-être, finiront par mordre à l’hameçon. Ce vendredi 22 novembre 2013 est un jour pas comme les autres. Les cœurs de beaucoup de casseurs de pierres battent vite car la fin de la journée est loin d’être meilleure en termes de recettes journalières. Ils ne savent pas non plus ce que samedi leur réservera. La précipitation gagne aussi le terrain. Dans cette ambiance, on voit surgir deux jeunes gens soucieux de nous proposer leur offre. Dieudonné Nsungu, 26 ans et Gaylord Mafuta Mambu, 20 ans. Nsungu déclare avoir passé 14 ans dans cette carrière. « Enfant de la carrière parce que connaissant tous les rouages de son métier », dit-il. Mafuta, le moins âgé, n’a que quelques 8 ans passés dans la carrière. Ils ont pour objectifs de nous soudoyer pour que l’on finisse par acheter quelques tonnes en cette fin de journée. Voulant nous montrer les tonnes de pierres entreposées dans des lieux sûrs, ils se transforment en guides pour la circonstance. Avec eux, on fait le tour de toutes les carrières sans jamais se fatiguer. Ils savent à l’avance que l’un de nous deux cédera quelques billets de banque à leur profit. De quoi commander un plat de malewa. Ils nous pressent de faire vite. Ils ne veulent jamais parler de la carrière de SAFRICAS. Ils évoquent ses prix avec dédain alors que les mêmes prix suivent le tonnage de pierres. La SAFRICAS propose une tonne de moellons à 30 USD contre 18 USD chez les artisanaux. Pour les caillasses, SAFRICAS est autour de 38 USD tandis que les artisanaux avoisinent 30 USD. A ce propos, les acheteurs les plus avisés préfèrent toujours la SAFRICAS que les autres parce que les tonnages sont bien respectés. Sans trop attendre, les deux compagnons passent tout de même aux aveux : nous sommes propriétaires terriens de quelques concessions à mettre en valeur. « L’acquisition de quelques 50 mètres carrés sont cédés entre 100 et 150 dollars US. Après quoi, le dur labeur commence avec interdiction de ne jamais recourir aux explosifs. Cela, depuis quelques mois », expliquent-ils avec une joie teintée d’amertume. Mais, lorsqu’on jette un regard attentif sur leurs mains, on découvre des stigmates de plaies en voie de se cicatriser. Une autre explication est vite donnée : « les risques du métier », répètent-ils en chœur, reconnaissant toutefois que personne ne peut sortir indemne, sans blessures. « C’est le lot de tous les jours », ajoutent-ils. Mais, comment accéder dans ce périmètre sans être identifié par une litanie de services de sécurité et de renseignements postés dans cette zone considérée comme stratégique en fonction de sa proximité avec Brazzaville. DEMIAP, la Garde Républicaine, les éléments des FARDC et de la Police nationale. Tous travaillent sous une paillotte située à l’entrée des carrières. Passage obligé des camions assurant le transport de pierres vers le reste de la ville. 2.000 Francs congolais sont libérés à chaque passage à ces services. Ici, la moyenne fréquence est établie autour d’une centaine de camions. En cette période pluvieuse, Mafuta et Nsungu sont inquiets de la montée des eaux du fleuve. Celles-ci, en gagnant une bonne partie de carrières, ne leur permettent pas d’exploiter à fond la roche mère totalement recouverte d’eau. Ils n’ont que leurs beaux yeux pour constater ce qui ressemble aux dégâts naturels. Malgré cela, les casseurs de pierres ne baissent pas les bras. Ils sont appelés à doubler d’ardeur pour livrer les pierres en un temps record. A ce jeu, les mamans et jeunes filles en âge scolaires s’adonnent également. Plus d’une centaine parmi les deux milliers d’hommes qui se jettent dans les carrières qui s’étendent de la carrière SAFRICAS jusqu’aux abords de « Chez le conseiller » ; célèbre coin de plaisirs et surtout de tourisme en bordure du fleuve Congo. Il est plus fréquenté les week-end.