BUKAVU, Cinq personnes ont été blessées jeudi dans l’Est de la République démocratique du Congo, à Bukavu, où la police a tiré à balles réelles pour disperser plusieurs milliers de manifestants venus accueillir sur ses terres Vital Kamerhe, un des principaux dirigeants de l’opposition. Arrivant de l’aéroport de Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, M. Kamerhe et son cortège de plusieurs milliers de personnes ont été bloqués par une centaine de policiers à la hauteur de la place de l’Indépendance, à l’entrée de la ville, vers 17h00 (15h00 GMT), selon un correspondant de l’AFP. Après avoir utilisé des gaz lacrymogènes, les policiers ont tiré sur la manifestation. Le journaliste de l’AFP qui a assisté à la scène a ensuite vu cinq blessés à l’hôpital Celpa de Bukavu. Outre des blessures par balles, certains portaient des traces de blessures à l’arme blanche, a indiqué un médecin. Une fois la manifestation dispersée, des habitants en colère ont brûlé des pneus sur plusieurs artères de la ville, tandis que d’autres montaient des barricades. M. Kamerhe est le chef de l’Union pour la Nation congolaise (UNC), un des principaux partis de l’opposition au président Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001 et qui a été reconduit pour un nouveau mandat de cinq ans à l’issue des élections contestées de 2011. Il avait entamé mardi à Goma, capitale du Nord-Kivu, une tournée dans l’Est de la RDC, intitulée “caravane de la paix”, après avoir été empêché à deux reprises par les autorités de quitter Kinshasa.
– “Nous accusons le président” –
Interrogé par l’AFP, il a déploré “la légèreté des autorités provinciales” qui ont selon lui interdit très tardivement le passage de la manifestation sur la place de l’Indépendance. Contacté par l’AFP, le gouvernorat de la province n’avait pas donné sa version des faits à 17h30 GMT. “Nous accusons le président Kabila”, a ajouté l’opposant, estimant que celui-ci était “responsable de ce qui se passe” dans le pays. A la question de savoir s’il pensait avoir été personnellement visé par ce qui s’était passé, il a répondu : “Absolument, il y a eu des actes précurseurs”. Il faisait là référence à ses deux tentatives avortées pour se rendre à Goma au début du mois et au fait qu’il ait dû libérer, du jour au lendemain, sur l’injonction du gouvernement, la maison appartenant à l’Etat qu’il occupait à Kinshasa depuis plusieurs années. Ex-meilleur allié de M. Kabila, M. Kamerhe a été président de l’Assemblée nationale de 2006 jusqu’à sa disgrâce en 2009. Arrivé troisième à l’élection présidentielle de 2011, il est aujourd’hui un des opposants les plus actifs au chef de l’Etat. Originaire du Sud-Kivu, M. Kamerhe a jugé qu’il n’était “pas anodin” que la police ait tiré sur sa “caravane de la paix” à Bukavu après d’autres rassemblements qui s’étaient déroulés sans encombres au Nord-Kivu. La “caravane de la paix” doit l’amener à sillonner pendant une quinzaine de jours les provinces du Nord et du Sud-Kivu, meurtries par près de vingt années de conflits. M. Kamerhe a indiqué qu’il devait consulter son bureau politique avant de décider de la suite à donner à cette tournée. Le but affiché de cette opération, présentée comme apolitique, est d’exhorter les habitants de la région à vivre dans l’harmonie et les quelques dizaines de groupes armés en activité dans les Kivus à rendre les armes. Il s’agit aussi, selon l’UNC, d’appeler les Congolais à changer de mentalité et à se prendre en charge pour bâtir un “Congo nouveau”, sans compter sur la communauté internationale pour régler les problèmes du pays.