La presse de l’Afrique est moins libre qu’auparavant, selon RSF

La Namibie est le pays africain qui offre le plus de liberté aux journalistes sur le continent. C’est ce Reporters Sans Frontières souligne dans son classement 2019 de la liberté de la presse. Le meilleur élève du continent occupe cette année la 23è place au plan mondial.

EN 2018, le pays africain le plus haut (Ghana) dans le classement de Reporters Sans Frontières(RSF) occupait la 22è place. Les résultats de cette année laissent penser que la presse du continent est moins libre qu’auparavant. La République démocratique du Congo ne se trouve pas dans le top ten africain : la Namibie a gagné 3 places, Cap-Vert (25è) a gagné 4 places, le Ghana (27è) a perdu 4 places. L’Afrique du Sud (31è) a quant à elle perdu 3 places. Le Burkina Faso (36è) a gagné 5 places. Le Botswana (44è) a gagné 4 places. Le Sénégal (49è) a gagné une place. Pour Madagascar (54è), c’est le statu quo, tandis que Comores (56è) a perdu 7 places et Maurice (58è) a perdu 2 places.

Chape de plomb

D’après RSF, la liberté de l’information revêt plusieurs visages en Afrique, où coexistent à la fois la presse foisonnante du Sénégal et le silence assourdissant des médias privés en Érythrée ou à Djibouti. Malgré une vague de libéralisation dans les années 1990, on assiste encore trop souvent à des pratiques arbitraires de censure, notamment sur internet avec des coupures ponctuelles du réseau dans certains pays, des arrestations de journalistes au prétexte de la « lutte contre le terrorisme » et des atteintes violentes, très souvent dans la plus grande impunité. La faiblesse économique des médias les expose également à des influences politiques ou économiques préjudiciables à leur indépendance. Dans l’ensemble, les médias appartenant à l’État sont encore loin d’avoir achevé leur mue et apparaissent encore trop souvent comme de simples relais de la communication ou de la propagande gouvernementale, au lieu d’offrir une véritable information de service public, libre, indépendante et représentative de la pluralité des opinions.

L’Afrique subsaharienne n’échappe pas à la nouvelle dégradation mondiale de la liberté de la presse. La haine des journalistes, les attaques contre les reporters d’investigation, la censure, notamment sur internet et les réseaux sociaux, les pressions économiques et judiciaires contribuent à affaiblir la production d’une information libre, indépendante et de qualité sur un continent où la liberté de la presse a connu d’importantes évolutions en 2018.

Pays cités en exemple

Comme en 2017, 22 pays sur 48 sont classés en rouge (situation difficile) ou en noir (situation très grave) en Afrique subsaharienne. L’Ethiopie (110è), abonnée aux abîmes du classement, effectue un bond spectaculaire de 40 places à la faveur d’un changement de régime. Libération de journalistes et de blogueurs, fin de l’interdiction de plusieurs centaines de sites et de médias, réformes en cours du cadre légal particulièrement répressif contre les journalistes… Pour la première fois depuis plus de 10 ans, aucun journaliste ne se trouvait en prison dans le pays à la fin de l’année 2018. 

La Gambie (92è) gagne 30 places et confirme l’excellente dynamique engagée depuis le départ du dictateur Yahya Jammeh. De nouveaux médias ont été créés, des journalistes sont revenus d’exil et la diffamation a été reconnue anticonstitutionnelle. L’Angola (109è), qui a elle aussi connu un changement de régime en 2017, affiche une progression plus mesurée. Le droit d’informer a été reconnu par la justice lors de l’acquittement des deux journalistes poursuivis par un ancien procureur général, mais le coût prohibitif des licences d’exploitation et l’absence de volonté politique d’ouvrir le secteur de l’audiovisuel à de nouveaux opérateurs nuit au pluralisme médiatique et empêche le pays de progresser plus rapidement au classement. 

Malheureusement, souligne RSF, les changements de régime ne sont pas toujours synonymes de progrès. Tenez : au Zimbabwe (127è, -1), où Emmerson Mnangagwa, le successeur de Robert Mugabe, a été élu président, l’appareil sécuritaire conserve de mauvaises habitudes, et plusieurs agressions parfois très violentes contre des journalistes ont été enregistrées par RSF. 

En Tanzanie (118è, -25), le changement de président en 2015 s’est accompagné d’attaques sans précédent contre la presse, et le pays a poursuivi son inquiétante dégringolade en 2018. John Magufuli, surnommé « le Bulldozer », est en train de rejoindre le camp des prédateurs de la liberté de la presse. Les journalistes y sont attaqués en toute impunité, et aucune enquête sérieuse n’est menée par les autorités pour retrouver Azory Gwanda, un journaliste disparu depuis novembre 2017. Un an plus tard, deux défenseurs de la liberté de la presse qui enquêtaient sur sa disparition ont été arrêtés et contraints de quitter le pays…