La lutte contre cette maladie infectieuse et contagieuse bute contre plusieurs obstacles. C’est ainsi que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment réuni à Addis-Abeba des représentants de la société civile pour débattre des nouvelles stratégies.
Les faiblesses constatées dans plusieurs pays dans la lutte contre la tuberculose ont poussé l’OMS à mettre sur pied quelques stratégies de lutte contre l’infection lors de la rencontre d’Addis-Abeba. Thérèse Omari, la directrice nationale de l’ONG Femme Plus qui encadre des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), a pris part à cette rencontre. Elle explique que les participants ont recommandé l’implication des organisations de la société civile dans les activités de planification en collaboration avec les services publics. Ils ont préconisé la création de groupes d’assistance aux patients, mais aussi l’utilisation d’anciens tuberculeux dans la sensibilisation au dépistage des malades et au traitement.
Les autres recommandations portent sur la collaboration dans le cadre de la lutte, l’élaboration des pétitions spécifiques pour des questions spécifiques touchant à la lutte, l’utilisation des réseaux sociaux en vue de véhiculer les informations dans le cadre de la lutte et des personnalités célèbres en vue de faire passer des messages. Enfin, les participants ont préconisé des facilités financières en faveur de familles pauvres et la collaboration entre les organisations de la société civile et les ONG dans la rédaction des projets destinés aux bailleurs des fonds. D’après la directrice de Femme Plus, les travaux d’Addis-Abeba ont porté sur les soins centrés sur le patient, la couverture universelle pour les soins et le renforcement des capacités des organisations de la société civile.
L’OMS met les bouchées doubles en vue de renforcer la lutte contre la tuberculose dans le monde. Avec ses 100 000 cas recensés chaque année, le Congo figure parmi les 22 pays au monde les plus touchés par l’infection, selon le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria. Le nombre de personnes affectées s’élevait, en 2013, à 117 214 cas. Une année auparavant, l’OMS l’estimait à 380 000 dont 36 000 décès, soit un taux de mortalité de 54 décès pour 100 000 habitants. Selon la note du Fonds mondial, Kinshasa avait enregistré 99 cas pour 100 000 habitants, le Katanga 120, la Province Orientale 88, le Maniema 117 et le Kasaï-Oriental 161, le Sud-Kivu 70, le Nord-Kivu 54, l’Équateur 78, Kasaï-Occidental 161, le Bandundu 91 et le Bas-Congo 69 cas.
Le Fonds mondial déplore que le plan stratégique national de lutte contre la tuberculose (2014-2017) ne répertorie pas, à proprement parler, des populations clés pour la tuberculose. Toutefois, il existe des populations dites vulnérables et à haut risque. Ce sont les personnes vivant avec le virus VIH (PVVIH), les enfants de moins de 15 ans, les prisonniers, les déplacés internes, les mineurs et les personnes en contact avec les tuberculeux. Les experts du Fonds mondial estiment qu’il est important que les prisonniers, les déplacés internes et les mineurs soient l’objet d’interventions et d’approches innovantes comme stratégies de dépistage actif de la tuberculose. Ces personnes clés souffrent généralement aussi de l’infection au VIH. La directrice de Femme Plus souligne que la tuberculose est la cause du décès des PVVIH.
Accès aux services spécialisés
Les personnes touchées par la tuberculose et le VIH/sida ne bénéficient pas d’un accès facile aux services de prévention et de prise en charge. Au Congo, le taux d’utilisation de ces services reste faible, soit 34 %. Différents facteurs en limitent l’accès. Il s’agit de la pauvreté (plus de 87 % de la population vit avec moins de 1 dollar par jour), la faible couverture géographique en structures de soins offrant, par exemple, les antirétroviraux. Il y a aussi l’âge (les directives nationales en matière de lutte contre la tuberculose limitant la prise en charge des enfants de moins de 15 ans seulement aux médecins), la destruction du système de santé et la réduction de l’accès aux soins de santé à la suite de conflits armés récurrents dans l’Est du pays et l’appartenance à une catégorie professionnelle. S’agissant de l’appartenance, le Fonds mondial souligne le risque d’éclosion de la tuberculose à laquelle sont exposés les mineurs travaillant dans la promiscuité et exposés à la silice.
Sur la liste des facteurs limitant l’accès aux soins, s’ajoutent également les barrières culturelles et l’absence de stratégies spécifiques pour les prisonniers, les populations mobiles, les homosexuels et les professionnels du sexe. L’absence d’accès aux soins de santé est une atteinte aux droits de l’homme. Les malades de la tuberculose et du VIH sont victimes d’autres atteintes aux droits humains au Congo. Les experts du Fonds mondial font état du nombre réduit de tuberculeux qui ont eu accès au diagnostic et au traitement recommandés (53 % des tuberculeux attendus en 2012). Ils évoquent également le fait que 75 % des PVVIH et les malades tuberculeux éligibles au traitement antirétroviral ne reçoivent pas les ARV.
En ce qui concerne les atteintes aux droits humains, il y a la protection limitée de la confidentialité autour du statut sérologique, les obstacles sociologiques, notamment la répugnance envers les homosexuels au sein de la communauté, le harcèlement, les insultes et même les agressions sexuelles dont 82 % des PVVIH estiment être victimes à cause de leur statut sérologique, la non observance de la charte des patients et des mesures de contrôle de l’infection aussi bien dans les formations sanitaires qu’en milieu carcéral.
Système communautaire
La lutte contre la tuberculose souffre d’autres maux parmi lesquels les contraintes liées au système communautaire. Ces contraintes se manifestent à travers la faible capacité de mobilisation des ressources financières et matérielles en faveur des activités communautaires, l’absence de traçabilité, de coordination, d’intégration et de transparence des données collectées par les acteurs au niveau communautaire et la faible collaboration entre les organisations de la société civile et le ministère de la Santé publique à différents niveaux. Les maux touchent aussi la pérennisation du volontariat des membres de la communauté dans les activités communautaires de santé, l’intégration de la participation communautaire uniquement au niveau périphérique de la pyramide sanitaire, l’absence d’évidence sur la contribution des activités communautaires à la lutte contre la tuberculose, la faible implication des organisations de la société civile dans les instances décisionnelles et dans le processus de planification, de la gestion, de la mise en œuvre, du suivi et de l’évaluation des programmes liés à la tuberculose, le sida et la malaria.
Le Fonds mondial déplore, par ailleurs, la non identification de la moitié des cas de tuberculose attendus. Plusieurs causes expliquent cette situation: manque d’accès aux soins contre la tuberculose des 26 % de la population vivant au-delà de 10 km d’un centre de santé, aux tests appropriés des 88 % des patients tuberculeux. Plus de 90 % des PVVIH n’ont pas fait l’objet d’une recherche active documentée de la tuberculose, 69 % des malades tuberculeux notifiés en 2012 n’ont pas accès aux services VIH par manque d’intrants dans les structures des soins et les zones de santé non appuyées par le Programme national multisectoriel de lutte contre le sida (PNMLS).
Recommandations d’Addis-Abeba
Les recommandations d’Addis-Abeba, estime Ghislaine Mabeluanga, directrice de la Ligue nationale antituberculeuse et anti-lépreuse du Congo (LNAC), rejoignent, en plusieurs points, les actions déjà menées au Congo, par les organisations communautaires dans le cadre de la lutte contre la tuberculose. Elle cite notamment des actions de production et distribution des supports éducatifs, le plaidoyer mené par les organisations de la société civile pour obtenir l’augmentation du budget alloué par l’État à la santé, la mobilisation des structures de participation communautaire dans les études des connaissances et attitudes et la sensibilisation des communautés sur la tuberculose et la co-infection tuberculose-VIH. D’autres actions, ajoute Ghislaine Mabeluanga, ont été menées autour de la lutte contre la tuberculose grâce à la mobilisation des écoles, églises, comités de développement, associations socio-professionnelles et relais communautaires.