UCe sentiment était déjà en l’air, en juin 2018, sur le même lieu. Les habitués de l’événement savent que les déclarations intéressantes sous forme de confidence sont à rechercher dans les conversations de couloir, du côté jardin de l’hôtel, où les participants échangent en aparté ou en petits groupes autour d’une tasse de café ou d’un verre de jus pendant les trois jours du meeting. Ces échanges portent souvent sur les préoccupations des uns et des autres, des questionnements.
La nouvelle donne
En venant à Lubumbashi, tout le monde savait de quoi on allait parler : « Repenser le modèle traditionnel minier dans la nouvelle ère des métaux ». Et tout le monde était conscient que le Code minier révisé et le Règlement minier de 2018 allaient être au centre des débats. Le Code minier révisé, on s’en souvient, a été la cible des attaques du G7 minier. Pour ce patron d’une compagnie minière exploitant l’or dans le pays, par exemple, « le vin est tiré, il faut le boire, il faudra travailler désormais sur des scénarii ».
Pour le G7 minier, le Code minier révisé a été taillé sur mesure, c’est-à-dire imaginé en fonction de la demande mondiale et de l’envolée des cours du cobalt. Pourtant, la tendance, partout, est à la réforme, notamment en Amérique latine, avec l’arrivée des businessmen au pouvoir. Partout, on réfléchit à « la manière de faire avancer les choses ». Il faut envisager la suite ou l’avenir. Sinon le bras de fer entre le gouvernement et les investisseurs miniers va profiter aux autres pays qui font déjà la contre-campagne (Congo Bashing), en disant aux investisseurs potentiels : « N’allez pas dans ce pays, venez plutôt chez nous ».
À Lubumbashi, tous ont été à peu près d’accord que gouvernement et investisseurs miniers ont intérêt à travailler ensemble. C’est ensemble que les solutions doivent être trouvées dans une perspective gagnant-gagnant. En tout cas, les miniers n’étaient venus à la Semaine minière de Lubumbashi, avec « l’intention d’humilier le gouvernement », mais avec l’intention de faire profil bas. Le bras de fer de 2018 est désormais derrière nous. Cette année, le ton était plutôt à l’apaisement, voire conciliant, à Lubumbashi. Est-ce à dire que les jalons d’un dialogue post-promulgation du Code minier révisé ont été jetés ?
Mettre de l’eau dans le vin
En 2018, Albert Yuma Mulimbi, le président du conseil administration de la Générale des carrières et des mines (GECAMINES) et président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), a été le porte-voix du gouvernement à la Semaine minière de la RDC/DRC Mining Week. Partout, la virulence de ses discours a laissé un arrière-goût de colère chez les miniers. Cette année, Yuma, le « Don Quichotte » a fait dans la modération, mais n’a pas changé d’un iota le fond de son combat pour un nouvel ordre dans l’exploitation des minerais de RDC. À l’ouverture des assises, pendant 42 minutes de prise de parole, sa moyenne habituelle, Albert Yuma, toujours magistral, a déroulé, disséqué et donné une réalité concrète à ce qu’il considère comme juste pour la RDC, son pays.
Protéger l’État et ses entreprises
Selon Albert Yuma, le modèle dominant de la joint-venture ou de l’amodiation traditionnelle qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui, par lesquelles l’État ou les entreprises dont il est le propriétaire concèdent la gestion de la ressource nationale à des investisseurs, a « clairement montré son inefficacité à générer de la richesse pour le pays ». Yuma balaie d’un trait le cliché d’un courant de pensée au plan international, largement relayé actuellement par certaines ONG, qui impute le faible développement de notre pays à « ses propres travers et notamment la corruption de ses entreprises dites publiques et de son administration ».
D’après lui, ce courant laisse totalement de côté les déséquilibres entre les investisseurs et le pays hôte, « déséquilibres qui représentent des enjeux financiers largement plus importants que les estimations les plus larges de malversations dont nos entreprises ont pu être accusées ». D’ailleurs, dit-il, les arguments de la Gécamines, contenus dans un rapport disponible en français et en anglais sur son site internet, n’ont jamais été remis en cause depuis.
Le président national de la FEC rappelle que le constat de ces déséquilibres entre pays hôte et investisseurs avait déjà été fait en 2007 la Banque mondiale, qui a conclu à la nécessité de revisiter les contrats miniers pour de nombreuses raisons, mais dont une des plus importantes était la pratique connue sous le nom de « capitalisation restreinte » que les experts de la Banque mondiale avaient eux-mêmes qualifié de « structure financière très imaginative et peu orthodoxe ». C’était encore le même constat fait par la Banque mondiale en 2016, concluant à la réforme du Code minier de 2002, considéré comme « pas assez protecteur des intérêts de la RDC ».
Il y a un problème, souligne le PCA de Gécamines : « La situation globale dans les partenariats n’a pas vraiment changé depuis la revisitation. Les principaux travers dans la gestion des partenariats sont restés les mêmes et personne n’a vraiment recapitalisé les entreprises à des niveaux compatibles avec une activité économique telle que l’industrie minière. » Et d’insister : « D’ailleurs, dans les périodes difficiles que nous avons connues, la sous-capitalisation des entreprises et certaines autres pratiques, ont plombé de manière durable les comptes de toutes les JV, affectant durablement leur capacité à délivrer des ressources fiscales pour l’État, notamment à travers la génération d’impôt sur le bénéfice. »
Aller jusqu’au bout
C’est principalement pour cette raison, a-t-il déclaré, qu’au sein de la Gécamines, le management s’est lancé dans la renégociation des partenariats existants, et essayer de finir ce qui n’avait abouti en 2007. « Rien ne nous arrêtera et nous irons au bout du processus avec tous les partenaires, a martelé Albert Yuma. Mais surtout, nous avons décidé pour l’avenir de développer de nouveaux modes partenariaux qui nous permettraient d’éviter les écueils de la gestion passée. »
Pour rappel, le 8 juin 2016, sur la même tribune, il posait : « Pourquoi ne pas prendre exemple sur le modèle pétrolier où existe un réel partage de la production, pourquoi ne pas inventer de nouveaux modes de partenariat, plus équilibrés ? » Le 14 juin 2018, il annonçait que les principaux termes commerciaux d’un accord avec un partenaire étaient trouvés. Et en décembre dernier, un partenariat a été signé avec la filiale d’une société chinoise – Shanghai Putalaï – un producteur de batteries, comme premier projet de partage de production du secteur minier en RDC. Après la phase de certification déjà en cours, la réalisation des études de faisabilité et la construction des installations, ce projet garantira à Gécamines « une part réservée de la production quelle que soit la rentabilité du projet pour l’investisseur et c’est ça le plus important ».
Albert Yuma pense que la RDC a intérêt que ce type de modèle de partage de production soit appliqué dans tous les partenariats des entreprises minières, voire même dans d’autres entreprises de production du Portefeuille de l’État, qui lui garantira des « ressources pérennes, rapides et non conditionnées par la réussite ou l’échec du partenaire dans ses prévisions ».