La RDC, un concentré de minerais

C’est une lapalissade que les ressources naturelles de la RDC attirent la convoitise des autres pays du monde, surtout des pays autour d’elle. Son potentiel géologique est énorme, environ 1 100 minerais et métaux précieux répertoriés, pour une valeur estimée entre 24 et 38 mille milliards de dollars. 

 

Le potentiel minier de la République démocratique du Congo fait d’elle une vaste mosaïque de produits minéraux : l’améthyste, la bauxite, le bismuth, le cadmium, la cassitérite (minerai d’étain), le charbon, le cobalt, le coltan, le cuivre, les diamants, le germanium, l’or, le fer, le manganèse, le pyrochlore, l’argent, la tourmaline, l’uranium, le wolframite (minerai de tungstène), le zinc, et diverses pierres précieuses. Seulement voilà : quelques minerais sont réellement mis en valeur. Il s’agit principalement des diamants, du cuivre, du cobalt, de l’or, du manganèse, du zinc, de la cassitérite, du coltan, du wolframite, du niobium, du germanium…

Ces matières premières sont exportées à l’état brut, laissant le chômage en RDC et fournissant des emplois à l’étranger. L’exploitation de ces substances minérales est en grande partie assurée soit par des sociétés minières publiques (telles la Gécamines, l’Okimo…), privées (telle Glencore) ou mixtes (telle la MIBA) en production industrielle, semi-industrielle et par des exploitants miniers artisanaux dans le cadre de l’exploitation artisanale. Pour des connaisseurs, il faut renverser la tendance, en transformant ces matières premières en produits semi-finis et finis dans l’intérêt de la RDC, à travers une politique d’industrialisation accélérée.

En attendant, l’exploitation minière en RDC demeure encore le poumon de l’économie nationale en raison de sa participation à la formation du produit intérieur brut (PIB). Les exportations des produits miniers représentent une grande part de la valeur totale des exportations de la RDC. Par ailleurs, ce potentiel énorme n’a contribué que marginalement à la croissance, soit moins de 1/10, de la croissance totale en 2006 alors que le potentiel est d’au moins 1/4.

C’est dire que le développement du secteur minier national est encore loin de ses potentialités. Bien qu’intensif en capital plutôt qu’en main-d’œuvre, ce développement aurait de nombreux effets d’entraînement, soulignent les mêmes connaisseurs. Dans le secteur des mines industrielles, font-ils savoir, pour un emploi direct on compte jusqu’à quatre emplois indirects, chacun d’entre eux subvenant aux besoins de dix dépendants. On estime ainsi à plus de 200 000 le nombre de personnes dépendant, directement ou indirectement, du secteur des mines industrielles. Dans le secteur des mines artisanales, qui emploie, selon les estimations, entre 1 et 3 millions de creuseurs, chacun d’entre eux subvient aux besoins de quatre à cinq dépendants. Ainsi, potentiellement, plus de dix millions de Congolais dépendraient du seul secteur minier artisanal. Dans l’Est du pays, plus d’un million de personnes dépendent pour leur revenu des chaînes de transport liées aux exportations minières.

Le développement du secteur minier, estiment-ils, aurait également des retombées fiscales importantes, évaluées entre 200 et 500 millions de dollars par an, soit entre 20 et 40 % des recettes fiscales totales. Enfin, le secteur minier pourrait avoir, si le tissu économique local avait la capacité de répondre aux incitations, des effets d’entraînement industriel en amont et en aval. En amont, sur les transports, la sécurité, les services de restauration et de nettoyage, la maintenance et la réparation de véhicules, l’équipement de santé et de sécurité, le terrassement, l’équipement électrique, et le caoutchouc. Le secteur agricole pourrait, lui aussi, bénéficier de la demande induite par les salaires distribués par le secteur minier, car plusieurs mines katangaises continuent d’importer leur alimentation d’Afrique du Sud ou d’ailleurs.

Le cadre légal et règlementaire 

En aval, les perspectives de transformation locale des matières premières sont réelles étant donné que les coûts de transport pour l’exportation sont considérables. Mais l’installation par le secteur privé d’unités de traitement, du reste coûteuses, dépendra en grande partie du climat des affaires qui doit être amélioré davantage.

Les ressources du sol et du sous-sol sont, par la loi, la propriété de l’État congolais. L’activité du secteur minier est ainsi réglementée par le code minier adopté en 2002 (en attendant la promulgation du nouveau code voté au Parlement le 27 janvier) ainsi que par le code de conduite de l’exploitant artisanal adopté en 2003. Le code minier a pour vocation de « promouvoir un climat des affaires favorable aux investissements privés, considérés comme le moteur principal du développement futur de ce secteur ».

Il prévoit aussi les zones d’exploitation artisanale (six zones au total, au Katanga), accessibles aux seuls creuseurs disposant d’une carte d’exploitation donnant des droits valables pour une année. Le reste de l’exploitation artisanale se fait dans un vide juridique, mais selon des règles coutumières existantes, mal connues des observateurs occidentaux. Ainsi, les sites sont souvent désignés et attribués par des propriétaires terriens locaux, des chefs de village ou des assemblées de chefs.

Le code minier précise également la clé de répartition des revenus fiscaux générés par le secteur minier entre le pouvoir central et les provinces : 40 % des royalties et des revenus des entreprises minières d’État, ainsi que 10 % des loyers de surface, rétrocédés aux provinces. Un quart de cette rétrocession doit être utilisé pour l’administration du bassin minier lui-même. En pratique, ces rétrocessions sont, au mieux, irrégulières et selon l’humeur du gouvernement (pouvoir central). Le Cadastre minier (CAMI) a été créé en 2003 avec pour mission d’attribuer les permis d’exploration et d’exploitation ainsi que de tenir un fichier national sous l’autorité du ministère des Mines et de celui des Finances.

Secteur industriel, secteur informel

La structure de l’industrie minière nationale est de type bimodal. D’une part, dans le secteur industriel, il y a des multinationales (FMN) comme Glencore International, Invanhoe Mines, CMOC International… qui sont actives dans le bassin du Katanga, en parallèle des opérateurs de taille moyenne ou des entreprises de taille plus modeste. Les analystes prévoient une consolidation du secteur des mines industrielles en RDC, les plus grands acteurs rachetant les autres.

Dans le secteur des mines industrielles, la Générale des carrières et des mines (GECAMINES ou GCM), l’entreprise d’État, est en « faillite virtuelle ». Fondée en 1967, elle a constitué une des principales sources de devises de la RDC jusqu’en 1974. Suite à la politique de zaïrianisation (nationalisation), comme beaucoup de grandes entreprises nationales, elle a souffert d’un manque de compétences managériales et s’est simultanément transformée en véhicule pour la sortie de capitaux. Aujourd’hui, encore, la GCM est utilisée comme source de rentrées fiscales, par exemple en partageant avec le pouvoir central les bonus de signatures obtenus dans le cadre de partenariats commerciaux, en dépit de sa situation financière. En effet, elle est aujourd’hui écrasée par le fardeau de sa dette (autour de 1.6 milliard de dollars) et perd 15 à 20 millions de dollars par mois. Sa main-d’œuvre, de plus de 10 000 employés, est sans rapport avec son activité industrielle réelle, et sans rapport non plus avec sa capacité financière, puisqu’elle doit des dizaines de mois de salaires impayés à ses employés. Une autre entreprise d’État, l’Office des mines d’or de Kilo-Moto (OKIMO) a cessé les opérations industrielles.

D’autre part, un vaste secteur artisanal opère dans les diamants (pratiquement entièrement informel), dans l’or (également largement informel), ainsi que, dans une moindre mesure, dans d’autres minéraux. Les deux secteurs (industriel et artisanal) ont des modes de fonctionnement fondamentalement différents. La production et les exportations du secteur minier artisanal sont, par définition, difficiles à mesurer. Ainsi, un tiers des exportations d’étain, de tantalite et de tungstène du Nord-Kivu serait informelle. La production nationale de diamants est exclusivement informelle.

En ce qui concerne l’or, environ 95 % des exportations de la RDC sont informelles et non enregistrées. L’or extrait dans les bassins du Haut-Uélé et d’Ituri aboutit aux comptoirs de Butembo, Bunia et Ariwara, d’où il est exporté, essentiellement par voie aérienne, en contrebande, vers Kampala (Ouganda), Kigali (Rwanda), Bujumbura (Burundi), Kigoma et Mwanza (Tanzanie). L’or en provenance du Sud-Kivu aboutit à Bukavu, puis est exporté de façon semblable. Il change alors de main, passant aux réseaux asiatiques pour exportation vers les marchés de Dubaï, d’Inde et du Royaume-Uni.