La crise des cours des matières premières qui n’a pas épargné l’économie nationale en 2017 semble être désormais derrière nous. Longtemps cité comme l’un des pays pauvres n’ayant pas su tirer le meilleur part de ses ressources minières, la République démocratique du Congo est désormais sur une dynamique. C’est dans cette perspective que le code minier de 2002 a été révisé cette année.
Pour le moment, le ministère des Mines évalue la production minière à : 1 255 513,72 tonnes de cuivre, 117 415,24 tonnes de cobalt, 32 536,28 kg d’or, 22 938 008,40 carats de diamant, 30 187,06 tonnes de cassitérite et 411,68 tonnes de wolframite.
Pour 2019, le ministère des Mines anticipe l’accroissement de la production minière, en tablant sur 1 393 620,23 tonnes de cuivre, 153 813,97 tonnes de cobalt, 33 512,37 kg d’or, 27 984 370,25 carats de diamant, 48 299,30 tonnes de cassitérite et 675,16 tonnes de wolframite. Les effets attendus sont aussi projetés à 2020 : 1 546 918,46 tonnes de cuivre, 201 496,30 tonnes de cobalt, 34.517,75 kg d’or, 34 140 931,71 carats de diamant, 77 278,88 tonnes de cassitérite et 1 107,27 tonnes de wolframite.
Dans le Document de performances pour l’exercice 2019 du ministère des Mines, il est souligné que le gouvernement mise sur l’amélioration de la gouvernance dans le secteur minier, la mise en valeur des potentialités à travers les études géologiques, et l’attractivité pour venir de nouveaux capitaux dans le secteur, diversifier la production et élargir la chaîne de création de valeurs.
Il s’agit d’accroître la richesse nationale, le nombre d’emplois décents et les recettes fiscales. Pour y parvenir, il faudra en l’occurrence résorber le déficit infrastructurel et énergétique mais aussi favoriser l’accès aux innovations. Pour rappel, le gouvernement a déclaré, le 24 novembre, le cuivre, le coltan et le germanium « substances minérales stratégiques » et sont désormais taxées à 10 % à l’exportation.
Par ailleurs, le ministère des Mines s’est fixé trois principaux objectifs de performance pour l’exercice 2019 : améliorer la connaissance du sol et du sous-sol, accroître la production minière et améliorer la gestion de l’environnement minier. Cela fait plusieurs décennies que le pays vit principalement des richesses de son sous-sol et paye les conséquences des soubresauts des cours des matières premières sur le marché mondial.
Saisir l’opportunité
Aujourd’hui, avec la demande grandissante des minerais dits stratégiques, comme le cobalt, le cuivre, etc., avec pour principal client la Chine, la République démocratique du Congo veut tirer profit de la reprise des cours du cuivre, du cobalt et d’autres minerais sur le marché mondial.
Par exemple, la production du cobalt cette année, 117 415,24 tonnes, est la plus importante de ces 20 dernières années. La RDC, premier exportateur mondial de cobalt, avec plus de 60 % de la production mondiale, détient 40 % des réserves prouvées de cobalt dans le monde, devant l’Australie (20 %) et Cuba (14 %).
Le cobalt va-t-il changer la face de la RDC ? L’enjeu économique du « minerai plutôt discret » étant très déterminant sur les marchés internationaux, il va falloir relever des défis. Et tous ces défis sont liés, l’un ne va pas sans l’autre.
Martin Kabwelulu, le ministre des Mines, a fait savoir que tous les ministères concernés par les recommandations (à charge du gouvernement et/ou à charge des provinces) de la 3è édition de la Conférence minière de la République démocratique du Congo organisée en septembre à Kolwezi, chef-lieu de la province du Lualaba, devraient être convoqués à une réunion. Et le cobalt déclaré « substance stratégique ».
Pour rappel, les matières premières dites « stratégiques » sont des ressources naturelles rares, inéquitablement partagées, coûteuses, difficilement accessibles, mais indispensables à l’activité industrielle. Elles sont souvent disponibles en quantité faible et constituent, de ce fait, des enjeux d’ordres scientifique et économique, et sont sujettes à des études prospectives.
Une politique des minerais stratégiques
D’après Martin Kabwelulu, le minerai de cobalt remplit aujourd’hui toutes les conditions prévues par le code minier pour être déclaré « minerai stratégique ». D’ailleurs, il n’y a pas que le cobalt, le lithium et le germanium le sont aussi. Ce qu’il faut encore savoir, une politique nationale sur le cobalt est en préparation, envisagée à long terme (échéance de 20 ans).
L’approche gouvernementale satisfait certains milieux au Katanga, qui tiennent à ce que le Grand Katanga retire des bénéfices de l’exploitation des minerais stratégiques. Le débat actuel porte sur comment éviter que le cobalt ne devienne source de malheur pour la RDC, comme le sont déjà le diamant, le coltan et la cassitérite.
Le Congolais lambda a du mal à appréhender toute la publicité qui est faite actuellement autour du cobalt. Pour rappel, il existe huit principaux usages du cobalt : batteries rechargeables (30 %), superalliages (19 %), carbures cémentés et outils diamantés (10 %), catalyseurs (9 %), céramiques et émaux ou pigments (8 %), aimants permanents (6 %), agent séchant et pneumatiques (3 %), et autres (7 %).
Depuis 2016, le cobalt connaît une évolution des cours fulgurante sur le marché des métaux. La tonne se négociait déjà à plus de 79 000 dollars à London Metal Exchange (LME), contre 21 000 auparavant. Les voitures de demain dépendront largement de l’approvisionnement en cobalt en provenance de la RDC. « Le cobalt, c’est le futur de l’automobile.
Mesures de sauvegarde
Les gouvernements du monde s’attaquent de plus en plus aux émissions polluantes des moteurs à carburant traditionnel. La plupart des grands constructeurs automobiles se sont engagés dans la construction des véhicules électriques. Ce qui entraîne, par conséquent, une augmentation de l’utilisation des batteries lithium-ion ainsi que des matériaux nécessaires à leur fabrication dont fait partie le cobalt.
Sur le plan géostratégique, la RDC est un « eldorado souterrain et/ou minier ». Il faudra désormais savoir gérer la ruée des entreprises qui vont se bousculer à la porte. D’où, il faudra se doter d’une politique des minerais stratégiques, dont le cobalt. C’est sûr, le cobalt va conditionner le développement futur de l’industrie civile et l’industrie de la défense, assurer la stabilité économique (fabrication de nombreux produits) et constituer l’élément clé de compétition industrielle technologique autour des produits innovants. Dans ce contexte, il faudra se préparer à une guerre économique, voire militaire. D’où, il faudra déjà réfléchir sur les stratégies de positionnements possibles et de défense. En effet, la RDC a déjà contribué à deux révolutions industrielles sans en tirer l’avantage économique conséquent. Il s’agit de la révolution de l’industrie automobile avec le caoutchouc pour la fabrication des pneus et de la création du Comité international des pays producteurs et exportateurs de cuivre (CIPEC).
En créant ce cartel (50 % de la production mondiale), le Chili, la Zambie, le Pérou et la RDC ont tenté en vain pendant deux décennies de maîtriser le marché mondial du cuivre. Au Katanga, l’avis largement partagé est qu’il ne faudra pas à la RDC de rater l’opportunité qu’offre le cobalt, avant qu’il ne soit trop tard.
En effet, la géostratégie du cobalt est significative : alors que la RDC abrite presque la moitié des réserves de ce minerai stratégique et en exporte 60 % de la production mondiale, elle n’a ni usine de raffinage, ni valeur ajoutée. Le minerai voyage sous d’autres cieux avec un contenu approximatif de 47 % du métal et le pays encaisse moins de 50 % des fantastiques cours LME du cobalt à près de 100 000 dollars la tonne. La plus-value se fait essentiellement en Chine, le leader mondial du cobalt raffiné.
Le constat devient plus amer : la RDC n’apparaît pas dans le paysage industriel de la fabrication des batteries au cobalt (lithium-ion). Les giga factoreries qui produisent les super alliages, les alliages résistants à l’usure, le placage électrolytique, les alliages magnétiques se trouvent en dehors du pays.
Il est temps de prendre des « mesures de sauvegarde » pour accompagner le code minier révisé. Par exemple, conditionner l’installation des entreprises minières d’exportation du cobalt à la création d’usine de raffinage. Pendant des années, la Générale des carrières et des mines (GECAMINES) a produit du cobalt métallique, première étape de transformation au lieu de se contenter l’exportation des sels de cobalt.
Pour bien des experts congolais, tant qu’on ne transformera pas les minerais sur place, la RDC sera toujours une sorte de « poubelle de l’industrie mondiale ». Il faudra réfléchir à la transformation du cobalt sur place et avoir des projets de fabrication des batteries pour les voitures électriques, etc.