LE TRANSFERT d’argent des migrants est désormais reconnu comme un service essentiel aux familles de ces derniers. Pour Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies, les migrants constituent l’un des « moteurs de l’économie mondiale », en apportant une « contribution essentielle au bien-être des sociétés ». Lors de la célébration de la Journée dédiée au transfert de fonds aux familles, le mardi 6 juin, le secrétaire général de l’ONU a adressé un message à la communauté internationale. « Alors que la pandémie de Covid-19 continue de faire rage, a-t-il déclaré, nous saluons la détermination des 200 millions de migrants qui envoient régulièrement de l’argent dans leurs pays d’origine et rendons hommage aux 800 millions de membres de familles qui, dans le monde en développement, dépendent de ces ressources. » En 2019, selon les chiffres de l’ONU, les envois de fonds vers les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire ont atteint le montant record de 554 milliards de dollars, soit plus de trois fois le montant de l’aide publique au développement (ADP). Et ce montant est supérieur à celui des investissements directs étrangers (IDE). Cette année, par contre, les secteurs économiques qui emploient des travailleurs migrants, tels que le tourisme, l’hôtellerie et l’agriculture sont les plus durement touchés par les restrictions dues à la pandémie de Covid-19. Par conséquent, le nombre de migrants en situation de sous-emploi ou sans emploi est en hausse. Selon les estimations des nations Unies, les envois de fonds devraient chuter de 20 % en 2020, soit 110 milliards de dollars, soit la baisse la plus importante jamais enregistrée. « Des millions de familles connaîtront la faim, n’enverront pas leurs enfants à l’école et ne pourront pas se soigner, les femmes et les filles étant les plus durement touchées », regrette Antonio Guterres.
« Services essentiels »
Plusieurs pays et organisations ont lancé un appel à l’action afin d’assurer la poursuite des envois de fonds, exhortant les responsables politiques à « qualifier les services de transfert de fonds de services essentiels et à favoriser le développement des outils numériques d’envoi de fonds ». Le Fonds international de développement agricole (FIDA) estime que la fermeture des prestataires d’envoi de fonds pendant le confinement a encore plus altéré la capacité des migrants d’envoyer de l’argent à leurs familles.
D’après une étude du FIDA réalisée au mois de mai dernier auprès de la diaspora sénégalaise en France, environ 30 % de ceux qui ont cessé d’envoyer de l’argent chez eux ou qui ont réduit les montants envoyés, y ont été contraints parce que leur opérateur de transferts de fonds était fermé ou que les réseaux informels ne fonctionnaient plus. « Le fait de maintenir les services d’envoi de fonds en activité pendant la crise permettra certainement d’atténuer une partie des effets de la baisse des revenus des migrants », explique Pedro de Vasconcelos, le responsable du Mécanisme de financement pour l’envoi de fonds du FIDA.
Dans ce contexte, l’ONU appelle les acteurs concernés à prendre des mesures pour réduire le coût des envois de fonds ; fournir des services financiers aux migrants et à leur famille, en particulier dans les zones rurales ; favoriser l’inclusion financière et améliorer l’accès aux services d’envoi de fonds. Le FIDA insiste : le développement de solutions technologiques innovantes pour les envois de fonds permettrait notamment de réduire les frais, d’accélérer les transactions, de renforcer la sécurité et de lier les envois de fonds à une gamme complète de services financiers, afin d’inciter les migrants et les membres de leurs familles à économiser et à investir.
Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières offre à un cadre d’action concret sur lequel les acteurs peuvent s’appuyer. L’ONU invite donc à participer activement aux activités de sensibilisation de différentes manières, y compris à travers la diffusion de messages sur les réseaux sociaux. « Faisons de notre mieux pour aider des millions de familles à réaliser leurs aspirations. Nous contribuerons ainsi à la mise en œuvre progressive des objectifs de développement durable, une famille à la fois », a souligné Antonio Guterres.