Ailleurs, les musées rapportent au Trésor public des centaines de millions de dollars par an. Par exemple, le musée du Vatican génère en moyenne 235 millions d’euros par an. Chez nous, l’Institut de musée national congolais (IMNC), jadis répertorié comme entreprise publique, a été transformé en établissement public à la faveur de la réforme de 2009. Alors que l’IMNC n’a jamais contribué au budget de l’État, voilà que le ministère de la Culture et des Arts envisage de construire d’autres musées et bibliothèques, notamment dans la nouvelle province du Kwilu issue du démembrement de l’ex-province du Bandundu en 2015 à la suite du découpage territorial. Coût du projet : 231,9 millions de francs. Le nombre d’infrastructures à construire n’est pas précisé dans le document du ministère de la Culture et des Arts dont un vent favorable a fait atterrir une copie à la rédaction de Business et Finances.
Le projet a d’ailleurs été repris in extenso dans le budget de l’État 2017. La rentabilité du ou des musée(s) dans le Kwilu est loin d’être garantie, faute d’accessibilité à cette par un grand nombre de visiteurs. Un musée sans visiteurs n’est pas du tout concevable, soutiennent des experts. Toutefois, l’État a, en effet, prévu de construire 14 musées de proximité dans les provinces et un musée panafricain à Kinshasa. Le musée de Kinshasa, situé sur les hauteurs de Mont Ngaliema et voisin de l’état-major général des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et du ministère de la Défense nationale, ne dépasse pas mille visites l’an. Y a pas photo avec le Louvre, en France, avec en moyenne 9 millions de visites l’an, ou encore le petit musée du quai Branly, avec une moyenne de 1 million de visiteurs l’an.
Tout proche de la RDC, il y a le musée de Kigali qui attire grand-monde, surtout durant le mois d’avril, période où le massacre à grande échelle des Tutsi et des familles Hutus a été perpétré en 1994. Depuis juillet 2016, la coopération sud-coréenne construit, non loin du palais du Peuple, sur le site Tembe na Tembe, le long du boulevard Triomphal, un imposant immeuble pour l’Institut de musée national du Congo. Le coût des travaux n’a jamais été révélé. Aussi les analystes doutent-ils de sa rentabilité. « Depuis toujours, les Congolais n’ont pas vraiment la culture de musée… Le rejet de la tradition ancestrale, de la coutume, par-delà des statues, bracelets et œuvres d’art de l’ancien temps, qualifiés de Bokoko, pratiques fétichistes, prêché dans les églises de réveil, les a davantage éloignés du musée », fait comprendre Adam Djedidja, professeur d’histoire. L’institut de musée national du Congo est en effet dépositaire du patrimoine culturel, matériel et immatériel de la RDC. Il gère des centaines d’objets, la plupart des statuettes, des amulettes et autres instruments musicaux de la diversité ethnolinguistique congolaise. Outre le musée du Mont-Ngaliema à Kinshasa, l’IMNC gère également le musée national d’art contemporain et de multimédia de l’Échangeur de Limete, des musées nationaux de Lubumbashi, Kananga, Butembo, Mbandaka, Boma, Kikwit…
Le souci de l’État de conserver le patrimoine culturel national ne doit pas occulter le fait que le futur bâtiment de la place Tembe na Tembe doit être amorti et apporter son obole au budget de l’État. La principale source des revenus du Vatican est son musée. L’IMNC n’est actuellement d’aucun apport financier.
À moins que l’État se décide d’un partenariat public-privé ou d’une autre formule de management pour sa rentabilité, sinon le futur immeuble, don de la coopération sud-coréenne ne serait qu’un éléphant blanc. Pourtant, le siège actuel de l’IMNC est tout un symbole. Le musée se situe à l’endroit où le grand chef coutumier Teke-Humbu du nom de Ngaliema avait érigé sa résidence. C’est en ce lieu qu’il a reçu le roi Makoko de l’autre bras du Pool Malebo, futur Brazzaville. C’est aussi à ce même endroit qu’on trouvait, à l’époque le bateau d’Henry Morton Stanley et qui est devenu actuellement Mont Ngaliema. Cet endroit a également servi de résidence au premier gouvernement belge et ensuite aux deux premiers présidents, Joseph Kasa-Vubu (de 1960 à 1965) et Joseph Désiré Mobutu (de 1965, à sa prise du pouvoir, jusqu’à la mort de sa première épouse en 1977).