Ils se sont battus pour réussir. Contre vents et marées, ils y sont parvenus en devenant, pour les autres, des modèles à suivre. Cette race d’hommes d’affaires avisés semble aujourd’hui un lointain souvenir. Portraits croisés.
De l’avis de beaucoup de Congolais, Augustin Dokolo Sanu reste un parfait représentant de la race des self made men du pays. Traits caractéristiques : le flair et un grand sens des affaires. Personnage à la discrétion légendaire, chasseur d’opportunités, il était quasiment présent dans tous les secteurs de l’activité économique. Avant l’indépendance, il possédait déjà une compagnie de taxis et un dancing réputé. Passionné d’arts, ce fut un visionnaire. Dokolo avait monté une chaîne de magasins ayant des ouvertures à l’étranger. Deux ans après son mariage avec une Norvégienne, en 1967, il entreprit sa plus ambitieuse oeuvre : la création de la Banque de Kinshasa (BK). C’était une banque à capitaux nationaux, soit 300 000 zaïres, l’équivalent de 600 000 dollars à la création.En 1974, la Banque de Kinshasa fut victime des mesures de « radicalisation ». Mais l’État zaïrois fit vite de la restituer, deux ans plus tard, à son propriétaire. Parallèlement à la Banque de Kinshasa, Dokolo créa de nombreuses sociétés dans des domaines variés : agriculture, élevage, pêche, café (export), immobilier, distribution, fret, imprimerie, assurances, mines… Au total 17 sociétés formaient son empire industriel, dont les plus importantes furent la Compagnie financière de Kinshasa (COFIKI), la Fiduciaire de gestion (FIGES) avec des participations dans des entreprises, la Société zaïroise d’exportation (SOZADEX), la Ferme de la Lukaya, OMNIZA (commerce général), la Société kinoise d’équipement technique (SOKIDET) spécialisée dans le froid et concurrente de Chanimétal. Ou encore Lagedim, Districar, concessionnaire de Mazda au Zaïre, Fishing Trading Company (FITRACO) spécialisée dans la pêche dans le lac Tanganyika… Au moment de la spoliation de cette société par l’État, un test prometteur de conservation et de mise en boîte de poissons venait d’être réalisé au Maroc.
Dokolo n’avait jamais accepté une fonction politique, préférant se consacrer à ses activités de chef d’entreprise. En 1985, sa banque devint une cible à cause d’un accroissement important de ses dettes vis-à-vis de la Banque du Zaïre. La BK fut alors placée, en février 1986, sous gestion administrative. Les immeubles cédés en vue de la couverture des dettes furent détournés. La BK ne fut pas restituée à ses actionnaires à la fin de la période légale de mise sous gestion administrative. Au contraire, elle fut nationalisée et l’intégralité de son patrimoine transférée à la Nouvelle Banque de Kinshasa. De même, toutes les sociétés de Dokolo Sanu furent cédées à l’Union nationale des travailleurs du Zaïre (UNTZA) suite à une mesure politique. Dokolo Sanu ne se remit jamais de cette spoliation organisée. Il tomba malade peu de temps après et décéda à Paris en avril 2001.