EN matière d’urbanisation, surtout à Kinshasa, tout le monde perd son latin. Mais rarement l’on se pose la question de savoir qui est le gestionnaire de l’environnement. Est-ce les pouvoirs publics ou est-ce la population ? Cela va de soi, selon le bon sens, que cette tâche incombe aux pouvoirs publics. Dès lors, ils sont tenus pour responsables de tout ce qui arrive. Pourquoi construit-on les caniveaux partout à Kinshasa et dans les provinces depuis des décennies au lieu de construire les égouts (ouvrages enterrés) pour évacuer les eaux de pluie comme cela se fait ailleurs dans les pays où l’urbanisme est pratiqué et dont nous envions la construction des villes ? Pourquoi a-t-on rompu avec le réseau d’égouts que les Belges réalisaient jusqu’à la veille de l’indépendance du pays en juin 1960 ?
Pire, les caniveaux qui sont construits, sont souvent laissés ouverts pour devenir un danger permanent pour les usagers de la route, tant pour les piétons que pour les véhicules. Le troisième risque est celui évoqué par le gouvernement : le rejet des immondices dans les caniveaux laissés ouverts. « Ça est un fait tout à fait psychologique qui découle de la négligence des pouvoirs publics. Nous ferions mieux de faire ce que les autres font partout ailleurs, pour nous faire respecter », préconise Jean Marie Kalambayi, constructeur de villes.
La culture de construction
Comment ? « C’est en optant pour la culture de construction ou réalisation du réseau d’égouts complet pour chaque quartier, chaque commune et partant, chaque province ainsi que pour Kinshasa. Nous ne disposons d’aucun réseau d’évacuation d’eaux pluviales dans aucune province ni dans la capitale. D’où, les inondations et les érosions avec comme conséquence les pertes en vies humaines. »
Comme lui, la plupart des experts de la ville en appellent à la conscience, au patriotisme et à la responsabilité des dirigeants du pays. C’est bien d’exhorter la population à plus de civisme dans la gestion de l’environnement, en s’abstenant d’ériger des maisons dans des zones inondables ou sujettes à érosions. Mais qui délivre les titres immobiliers aux gens qui construisent dans les zones à risque ? L’État ne devrait pas se prévaloir de sa propre turpitude. Point n’est besoin de rappeler sa responsabilité de disposer d’un plan d’aménagement urbain pour chaque province et pour la capitale.
Ces plans sont établis et détenus par le ministère de l’Urbanisme. Selon les mêmes experts, c’est bel et bien lors de l’établissement de ces plans que les zones habitables sont répertoriées, les types de maisons et les types de routes sont étudiés. Le service de cadastre descend à son tour sur terrain pour implanter ou matérialiser ces plans d’aménagement urbain. Question : est-ce que ce plan existe-t-il réellement pour chaque province et pour Kinshasa ? Face à la réalité sur le terrain, on a du mal à y croire. Ce n’est donc pas à la population de savoir que telle zone est habitable ou non. C’est à l’État qui dispose de tous les nécessaires : laboratoires, outils, documents et les moyens financiers de mettre en place les fondamentaux avant de loger la population.
Aujourd’hui, il est inapproprié de parler de « zones inondables » et de « zones érosives », au regard des réalités de notre pays, selon les mêmes experts. Car ces zones le sont devenues faute de réseau d’évacuation d’eaux pluviales ou réseau de drainage, comme c’est requis en matière d’urbanisme, et ce, dans chaque province et dans la capitale. L’État s’est contenté, des décennies durant, à construire quelques bretelles de caniveaux par ci et là, alors que nous nous trouvons dans une zone tropicale très pluvieuse.
S’attaquer aux causes
Si le constat est vrai que de nombreuses constructions ont cassé et obstrué les grands collecteurs sensés drainer les eaux jusqu’au fleuve Congo, mais on ne cherche pas assez à en savoir la cause. Est-ce que les auteurs de ces constructions détiennent, oui ou non, les titres immobiliers qui leur ont permis d’aller jusqu’à jouir de l’abusus sur ces ouvrages de l’État ? C’est cela l’occupation anarchique du domaine public de l’État. Cette situation déplorable se présente presque partout, surtout le long de plusieurs routes de province ou de Kinshasa. Les accotements et les zones de recul qui font partie de l’emprise de la route sont occupés ou envahis par les étalages de commerce.
Ceci suppose l’absence de la règlementation sur le respect du domaine public de l’État, et confirme même l’inexistence du plan d’aménagement urbain dans chaque province et dans la capitale. « La réglementation en cette matière doit être accompagnée de la sanction nécessaire et convenable en cas de récidive. C’est ici l’occasion d’insister sur la collaboration efficace entre le ministère de l’Urbanisme et celui des Affaires foncières », recommande Jean Marie Kalambayi. D’après lui, le rôle du ministère de l’Urbanisme ne doit pas se limiter à l’octroi des permis de bâtir, mais il doit aller plus loin que ça.