La date du 31 décembre sera décisive pour les nouveaux dirigeants de l’ex-ONATRA. Le conseil d’administration devrait à cette échéance dresser l’inventaire des valeurs mobilières et immobilières, ainsi que de toutes les créances et dettes de l’entreprise.
Le bilan doit mentionner séparément l’actif immobilisé, l’actif réalisable et, au passif, les dettes de la société, les obligations… Apparemment, ce sera le point central de l’Assemblée générale ordinaire qui se tiendra avant le 31 mars 2016. Le ministère du Portefeuille a lancé un appel d’offres pour la reprise de la gestion par des privés du chemin de fer Matadi-Kinshasa, ainsi que des ports de Matadi et de Boma. Par ailleurs, un flou règne sur les biens immobiliers de l’ex-ONATRA.
Interprétation des textes
Le rapport d’audit réalisé en 2011 par les firmes FINEX COMPSULT et DLA PIPER LLP, a émis des réserves sur leur réelle appartenance à l’ex-Office national des transports. D’après l’intersyndicale de l’entreprise, la Société commerciale des ports et des transports, est bel et bien propriétaire de tous ses biens immeubles. Si les cabinets de consulting en cherchent la preuve, les mouvements syndicaux de la SCPT la tiennent de et par la volonté du président Mobutu Sese Seko. Pendant la IIe République, la volonté du Président-Fondateur du MPR avait force de loi, affirme le syndicaliste Dieudonné Kande. La mouvance syndicale de la SCPT remet au goût du jour l’ordonnance-loi du 29 mars 1968 sur l’exploitation des transports au Congo. Elle stipule que l’État cède à l’Office, aux conditions fixées par le président de la République, la propriété des bâtiments, des installations, du matériel et des approvisionnements relevant des services dont il assumera l’exploitation… L’Office ne pourra, sans l’autorisation du ministre chargé des Transports, aliéner tout ou partie de ces biens, sauf les actes de gestion journalière. « Il sied de constater qu’en légistique, s’agissant de la hiérarchie des textes, le décret ou l’ordonnance -loi, selon le cas, du président de la République est au-dessus d’un acte administratif, à savoir le certificat d’enregistrement », souligne le mémo que l’intersyndicale de l’ex-ONATRA envisageait d’adresser au gouvernement.
Ce document fait observer que la création d’une autorité portuaire entraînant la cession des opérations de manutention à des opérateurs privés viole les dispositions de l’article 3 de l’ordonnance-loi du 29 mars 1968. Les syndicalistes mettent en doute l’expertise du consultant. « Il y a lieu de s’interroger si, dans le pays accréditant du consultant, il existe un arsenal juridique… Nous notons avec regret l’amateurisme du prétendu consultant », s’offusque Dieudonné Kande.
Faire des immeubles une entreprise en soi
Pour les milieux syndicaux, la situation trouble dans laquelle se trouve actuellement la SCPT est la conséquence logique du comportement du gouvernement. Un cadre rapporte que, lors des réunions organisées par le ministère du Portefeuille en vue d’élaborer les nouveaux statuts de l’entreprise transformée en société commerciale, celle-ci devait plutôt s’appeler SOCOTRA. Curieusement, ce sont les statuts d’une autre entreprise, SCTP, qui furent publiés au Journal officiel.
Aussi, ces statuts soulèvent de sérieuses inquiétudes sur l’évaluation du patrimoine de l’ex-ONATRA ainsi que sa sécurisation. Nul doute que l’épineuse question de la primauté sur le certificat d’enregistrement d’un acte juridique, soit-il posé par le chef de l’État ou le Premier ministre, devrait rebondir dans la plupart des entreprises transformées et mêmes celles qui sont dissoutes et liquidées comme l’Office des biens mal acquis (OBMA).
Pour les experts FINEX COMPSULT et DLA PIPER LLP, la SCTP est devenue une société trop lourde et très difficile à gérer. « La survie de l’ancien Office congolais des transports passe inévitablement par la scission partielle de cette société transformée en SARL par apport des immeubles d’exploitation et des fonds de commerce des activités d’exploitation dans une nouvelle entité d’exploitation », indique le rapport des consultants.
Projet d’un holding
En 2008, la ministre du Portefeuille de l’époque, Jeannine Mabunda, avait mûri un projet consistant à transformer l’ancien Office national des transports en un holding à travers lequel les biens immeubles de l’entreprise constitueraient une entreprise en soi. Les cabinets de consulting proposent plutôt à l’État, qui demeure à ce jour actionnaire unique de la SCTP, de se débarrasser d’une partie du patrimoine immobilier de la société. «Pour ce qui est des immeubles hors exploitation, ceux-ci doivent être mis en vente », recommandent ces experts. Ces ventes, notent-ils, doivent être liées au règlement du passif social de l’entreprise. Le capital social de la Société congolaise des ports et des transports a été fixé à 554 730 milliards de francs, soit près de 600 millions de dollars.