JEAN-MARIE Ingele Ifoto, ministre de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, et Jean-Bosco Kayombo, directeur général de la Société nationale d’électricité (SNEL), ont effectué le 24 juillet une mission de travail à Lusaka, capitale de la Zambie, pour relancer les pourparlers avec les dirigeants de ZESCO, la compagnie publique zambienne d’électricité.
En 2016, ZESCO avait unilatéralement suspendu la desserte en énergie électrique aux miniers du Haut-Katanga entraînant ainsi un déficit énergétique de 40 MW. Cette rupture a occasionné le ralentissement, au pire l’arrêt des activités minières même dans la région du Kasaï, selon un rapport du ministère du Portefeuille.
La Minière de Bakwanga (MIBA), la Société Anhuit Congo d’investissements miniers (SACIM), SODIMICO ont fait les frais des défaillances de la SNEL.
Plan stratégique
Depuis la Société nationale d’électricité et les opérateurs miniers du Haut-Katanga ont entrepris des démarches pour l’approvisionnement de la région du copper belt congolais depuis l’Afrique du Sud. À défaut d’énergie électrique, la réalisation du « Plan stratégique de développement minier 2016-2021 » se retrouve compromis. Ce Plan vise à développer un secteur minier compétitif et durable, socle d’un pays émergent et du bien-être de la population congolaise et d’assurer la bonne gouvernance du secteur et le développement des infrastructures d’appui au secteur minier et environnemental.
La Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD) table sur des recettes des 446 329 642 546 FC en 2018, contre 308 milliards de francs (308 154 799 461 FC) sur l’ensemble de l’exercice 2017, y compris les assignations relevant du régime des crédits provisoires.
Cas de force majeure
Mais le déficit énergétique peut servir d’un cas de force majeure pour les entreprises minières et justifier le non-versement de certains droits, taxes et redevances. La redevance minière couvre la grosse part des prévisions des recettes non fiscales, soit 396 011 573 621 FC sur 446 329 642 546 FC, soit 88,7 %. Par ailleurs, certains actes ne portent pas des prévisions mais sont perçus et ce, depuis 2015 telles que la taxe sur l’autorisation d’achat de cassitérite, la taxe d’extraction des matériaux de construction, la taxe sur les produits ex-SAESSCAM (petite mine) ou encore la taxe sur l’autorisation de transformation des produits d’exploitation artisanale.
En 2016, les recettes non fiscales des mines ont été réalisées à 86,3 %, soit des assignations de plus de 138 milliards de francs (138 963 163 406 FC), contre des revenus de 40 milliards de francs (40 228 997 055 FC). Les recettes escomptées des impôts se chiffrent à 754 613 874 021 FC, contre 508 741 269 713 FC en 2017 et 464 891 571 299 FC en 2016. Les prévisions des recettes minières dans les douanes et les accises sont de l’ordre de 107 435 993 960 FC.
À ce jour, les miniers du Katanga ont besoin de quelque 1 500 MW alors que l’offre locale, selon des sources SNEL, se situe à 850 MW dont 350 provenant des centrales hydroélectriques de Nzilo, Nseke et Mwadingusha et les 500 autres MW proviennent de la ligne très haute tension courant continu (THCC) Inga-Kolwezi.
Deal avec les minings
Les opérateurs miniers du grand Katanga ont énormément investi ces derniers mois sur la ligne THCC Inga-Kolwezi. Anvil Mining a notamment installé une centrale à Lubumbashi pour la fourniture d’énergie à Kinsevere. Ivanhoé a financé la réhabilitation des turbines de la centrale de Mwadingusha. Les barrages hydroélectriques de Nzilo et Nseke ont également été remis à l’état par les miniers même si la SNEL SA en reste propriétaire.
Toutefois, l’entreprise d’État doit rembourser tous les frais engagés par des minings. Voilà qui justifierait l’augmentation des tarifs haute tension appliqués aux opérateurs miniers. En Zambie, indique-t-on à la SNEL, le prix du KW revient au double de celui appliqué en RDC, or la SNEL SA importe du courant de ce pays via l’entreprise ZESCO pour assouvir les besoins énergétiques des miniers du Katanga.
Autre point d’achoppement entre la SNEL et les minings, l’importation du courant sud-africain. Voilà une année, déjà, que le dossier ne connaît aucun avancement alors que la compagnie publique sud-africaine d’électricité, Eskom, a mis quelque 200 MW à la disposition de la RDC. Celui qui a négocié pour le compte de la Chambre de mines de la FEC aux côtés des experts de la SNEL avec les Sud-Africains, c’est celui-là même qui a été nommé directeur général de la SNEL.
Ancien de la SNEL, Jean Bosco Kayombo était à l’époque directeur chargé de la gestion d’énergie électrique dans l’entreprise minière MMG et membre de la commission énergie de la Chambre de mines de la RDC, qui travaille en partenariat avec la SNEL. Naturellement, l’homme a fait girouette. Mais peu avant de passer à la SNEL, il avait confié dans une interview à Business et Finances que le déficit actuel est de 600 à 700 MW. Que la SNEL n’est plus en mesure de fournir l’électricité en quantité suffisante, les sociétés minières sont obligées de se chercher des sources alternatives.
Certains miniers se sont donc tournés vers les groupes diesel, d’autres ont choisi carrément d’importer de l’énergie des pays voisins. Jean Bosco Kayombo pense que la solution d’importer de l’énergie électrique peut être une « bonne chose », à condition que le prix fixé par le vendeur soit « acceptable ». En effet, les miniers ne sont pas maîtres de leur destin en matière de prix du cuivre et du cobalt sur les marchés internationaux des matières premières.
Les cours des métaux obéissent donc à la loi de l’offre et de la demande. « Dans ce cas, explique Kayombo, si l’électricité coûte cher, les miniers ne pourront pas vendre de manière concurrentielle sur ces marchés face aux produits provenant d’autres pays. » D’après le directeur général de la SNEL, Eskom a présenté un surplus de 1 000 MW. Malheureusement, les contraintes de transfert, notamment le transit par le Zimbabwe et la Zambie, ne permettent pas que tout cet excédent arrive au Katanga. Seulement 200 MW peuvent, pour le moment, traverser ces deux pays et arriver au Katanga.
Ces 200 MW, permettront cependant aux miniers d’avoir un peu plus d’électricité que d’habitude, c’est-à-dire en plus de ce que certaines sociétés produisent elles-mêmes ou de ce que d’autres importent de la Zambie ou d’autres pays de l’Afrique australe, en collaboration avec la SNEL.