DANS leur rapport sur la loi de finances 2019, les organisations de la société civile travaillant sous la supervision du Réseau Gouvernance Économique et Démocratie (REGED) et la co-coordination de l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP), ont sollicité du Parlement la révision à la hausse du budget du secteur de l’énergie qui représente 1,8 % du budget général du pouvoir central. Le budget 2019 prévoit, en effet, des dépenses de l’ordre de 181 362 581 120 FC, soit 103 766 210 dollars au taux budgétaire de 1 747.8 FC le dollar, pour le secteur de l’énergie.
« La modicité du budget du secteur de l’énergie traduit une incohérence avec la vision du gouvernement sur l’amélioration de l’accès de la population à l’électricité et à l’eau potable en milieux urbain et rural », lit-on dans le rapport de la société civile. Qui souligne encore : « Le faible accès à l’eau potable et les mauvaises conditions d’assainissement sont parmi les principales causes de morbidité affectant plus particulièrement les enfants et les ménages défavorisés ».
Institutions budgétivores
Pourtant, les besoins exprimés par les institutions politiques, notamment la Présidence de la République, la Primature, etc., ont été satisfaits à plus de 80 % des crédits sollicités, déplorent ces ONG du secteur énergétique. Aussi, la société civile propose-t-elle à l’État de puiser dans les rubriques « Autres prestations des services » les montants de 117 138 310 FC sur les crédits du secrétariat général du gouvernement et de 146 813 949 FC sur les prévisions des services généraux afin d’apporter la quote-part de l’État au titre de la contrepartie du projet de la centrale hydroélectrique de Katende. Ce barrage devrait, en effet, électrifier les provinces issues du démembrement de deux Kasaï. Autre projet, celui de Ruzizi III dans le Sud-Kivu. Le gouvernement n’a pas, non plus, prévu des fonds de contrepartie pour ce projet impliquant la République démocratique du Congo, le Rwanda et le Burundi. La société civile propose, pour y remédier, la création d’une ligne budgétaire en tirant respectivement les montants de 196 101 199 FC et de 52 426 123 FC sur les rubriques « Autres prestations » et « Produits chimiques et organiques » dans le fonctionnement du cabinet du ministre de l’Énergie et des Ressources hydrauliques en vue d’assurer la continuité du projet dont les investissements sur ressources extérieurs sont évalués à 1 048 680 000 FC.
En dessous de la moyenne africaine
La société civile offre également aux décideurs de « prélever 1 034 252 500 FC, soit 591 745 dollars, prévus pour l’acquisition des matériels roulants (investissements sur ressources propres) du secrétariat général à la Primature et 50 000 000 000 FC, soit 28 607 392,15 dollars dans le budget destiné au fonctionnement de l’opposition politique, pour porter le budget du secteur de l’énergie à 51 034 252 500 FC, soit 2,4 % du budget général du pouvoir central ».
Ceci permettrait d’atteindre progressivement le taux d’accès de 60 %, pour l’eau potable, et 30 %, pour l’électricité, selon la moyenne de l’Afrique sub-saharienne. En RDC, le taux d’accès à l’énergie électrique demeure faible, soit 9 % à 16 % selon différentes statistiques. Pourtant, selon la lettre d’orientation budgétaire de Bruno Tshibala Nzeenzhe, le 1ER Ministre, la politique du gouvernement dans le secteur de l’énergie vise à améliorer l’accès de la population à l’électricité et à l’eau potable, tant en milieu urbain que rural. Dans le secteur de l’électricité, l’État compte entreprendre le développement des unités de production de l’énergie électrique, les réseaux de transport et de distribution, de la loi sur l’électricité en vue de favoriser le lancement des projets de construction ou de modernisation des micros et mini-barrages hydro-électriques et le développement des programmes spécifiques aux énergies renouvelables en vue de l’intensification de la desserte en énergie électrique.
Dans le secteur de l’eau, le gouvernement veut améliorer l’accès des populations urbaines et rurales à l’eau potable. Dans ce cadre, il est prévu la libéralisation du secteur pour le rendre accessible aux opérateurs privés ainsi que le développement des infrastructures et centres de production, des installations de transport et de distribution de l’eau potable dans toutes les agglomérations urbaines.
Mais, lors de l’analyse du projet de loi de Finances 2019, les organisations de la société civile sous la coordination du REGED, les prévisions budgétaires 2019 en dépenses pour le secteur de l’énergie sont de 181 362 581 120 FC, contre 426 721 094 554 FC du budget voté en 2018, soit un taux de régression de 42,5 %. Cela dénote une incohérence avec la vision du gouvernement qui vise pourtant à améliorer l’accès de la population à l’électricité et à l’eau potable, tant en milieu urbain qu’en milieu rural. En outre, la grande partie des prévisions budgétaires du secteur proviendrait des investissements sur ressources extérieures de l’ordre de 116 390 847 645 FC, soit un taux de 64,1 % du budget du secteur qui s’élève à 181 362 581 120 FC. Ce qui dénote une dépendance inquiétante du secteur de l’appui extérieur. Par contre, les prévisions budgétaires s’élèvent à 4 569 591 906 FC, soit un écart de 361 227 587 FC par rapport à 2018, soit un taux d’accroissement de 8,5 %.
En dépit de cette augmentation, la société civile/REGED note que ces prévisions demeurent tout de même faibles, alors que le secteur aurait pu engranger plus des recettes par l’activation de certains actes générateurs. Ou encore le payement des arriérés des factures de consommation d’eau et d’électricité par les instances officielles, les ayants droits et d’autres usagers en faveur de la REGIDESO et de la Société nationale d’électricité (SNEL).
Electrification rurale
Aussi, la société civile propose-t-elle « l’accélération de la nomination des animateurs de l’Agence nationale de service d’électrification rurale (ANSER) qui est une structure censée suppléer la SNEL dans l’arrière-pays et de l’Autorité de régulation de l’électricité (ARE), par ordonnance présidentielle en vue de sécuriser les crédits prévus pour leur mise en place et leur fonctionnement, soit 100 000 000 FC et 505 757 839 FC, pour la mise en place et le fonctionnement de l’ANSER et 2 000 000 000 FC et 195 136 554 FC pour la mise en place et le fonctionnement d’ARE.
Les deux établissements publics placés sous la tutelle du ministère de l’Énergie, l’ARE créée en 2016 et l’ANSER en 2014 ont été dotés, par arrêté ministériel, d’une commission interdisciplinaire d’appui à leur mise en place opérationnelle à travers le Comité préparatoire de l’Autorité de régulation du secteur de l’électricité (CPARE) et le Comité préparatoire de l’Agence nationale de l’électrification et des Services énergétiques en milieu rural et périurbain (CPANSER).
« Ces deux comités provisoires étaient supposés apprêter l’ensemble des instruments de gestion nécessaires au fonctionnement harmonieux des deux établissements publics pendant une durée de 12 mois, prolongée d’une période additionnelle de 7 mois, au bout de laquelle leurs organes de gestion seraient désignés et installés à titre définitif », a précisé Albert Yuma.
Près de deux ans après, rien n’est venu. Mais, lueur d’espoir tout de même. Le prochain gouvernement devrait élaborer un collectif budgétaire dès le premier trimestre 2019. Naturellement, la société civile reste optimiste sur la prise en compte de ses propositions qui ont le mérite de remettre la RDC sur la voie d’atteinte de l’objectif « Énergie pour tous d’ici 2030 ».
Il sied de préciser que le travail réalisé par des organisations de la société civile sous la conduite du REGED a été appuyé par le Projet de renforcement de la redevabilité et de la gestion des finances publiques (PROFIT-Congo), financé par la Banque mondiale, la Coopération britannique (DFID) et le Royaume de Belgique à travers un accord de don signé le 20 février 2014 avec le gouvernement de la RDC et coordonné par le Comité d’orientation de la réforme des finances publiques (COREF).