Dans les allées du bâtiment administratif de la Fonction publique, la décision du gouvernement de renoncer à la prise en charge des frais de tenue de compte (3 348 francs [3,60 dollars]) pour tout fonctionnaire de l’Etat qui touche un salaire d’au moins 92 000 francs, n’est pas la bienvenue chez les concernés.
C’est bien dommage qu’un gouvernement qui ne sait pas ajouter un rond sur notre maigre salaire, soit le premier à le retrancher…
Un fonctionnaire
Ces frais, supportés par l’Etat depuis le lancement de la bancarisation en 2012, devront être désormais retranchés sur leur salaire. « C’est bien dommage qu’un gouvernement qui ne sait pas ajouter un rond sur notre maigre salaire, soit le premier à le retrancher, alors que depuis cette opération de bancarisation, on nous parle de fonds récupérés sur des noms fictifs et autres doublons. Plus de trois mille francs, c’est exorbitant », se désole un fonctionnaire au secrétariat général au Commerce extérieur. « Nous nous organisons déjà au niveau des différents syndicats pour que cette décision soit revue », ajoute-t-il.
Déficit de communication
« Nous n’avons même pas été avisés. C’est à la grande surprise que nous avons constaté des retenus de plus de trois mille francs sur nos salaires de ce mois », indique Emérence de la direction d’action d’appui technique, médical et social. Comme un effet de surprise, ces fonctionnaires n’ont pas vu arriver cette mesure. La faute est à un déficit de communication entre les autorités et les délégations syndicales.
Ce problème de communication a été reconnu, le 4 août, lors de la réunion hebdomadaire de la « Troïka stratégique», par le Vice-gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Jules Bondombe. « Tout est dans la communication. Il était donc important que nous nous assurions que les bénéficiaires de toutes ces mesures étaient bien informés que l’Etat allait progressivement se décharger sur eux », a-t-il déclaré. Contrairement aux fonctionnaires, Jules Bondombe estime que prendre en charge, soi-même, les frais de tenue de compte ne représente pas un manque à gagner significatif, par rapport à la situation ancienne où il y avait « des coulages » entre le salaire qui partait de la banque vers le bénéficiaire. « Aujourd’hui, lorsqu’on demande à quelqu’un qui, en plus, peut bénéficier des avantages qu’offre la banque lorsqu’il entretient un compte, de supporter les frais de 3,6 dollars, il n’y a pas de comparaison à faire », estime-t-il. Avant d’ajouter que « les économies de l’Etat qui servaient à prendre en charge ces frais de tenue de compte aideront le trésor public « à autre chose ». Pour le ministre délégué aux Finances, Patrice Kitebi, « ces retenues entrent dans la rubrique de l’impôt professionnel sur les rémunérations, primes, collations et avantages sociaux des fonctionnaires ».
Grogne totale
Aucun de ces agents et fonctionnaires de l’Etat ne voit un quelconque « avantage » de cette mesure. La grogne est totale. Ceux de la province du Katanga ont été les premiers à hausser le ton, en menaçant d’observer un mouvement de grève, si jamais la décision n’est pas revue. Le rapporteur provincial de l’intersyndical du secteur public du Katanga, Justin Bukasa, critique une décision unilatérale du gouvernement, prise sans concertation avec la délégation syndicale.
Pour sa part, le Syndicat national des enseignants des écoles conventionnées catholiques (Synecat) crie à l’injustice, face à une décision qui exclue les militaires, les policiers et les fonctionnaires touchant moins de 92 000 francs. « Nous nous interrogeons sur le fait que les FARDC ne soient pas concernées par cette mesure, la police, non plus n’est pas concernée. Ce que nous dénonçons, c’est le système de deux poids, deux mesures. Nous nous rendons compte effectivement que l’enseignant n’est pas aimé dans ce pays. Défalquer 4. 000 Francs des frais de tenue de compte n’est pas juste. Le gouvernement doit réparer cette injustice, dès le mois d’août », déclarait le secrétaire général de ce syndicat, Jean-Bosco Puna, lors de l’assemblée générale extraordinaire, le 30 juillet. Pour lui, « c’est un préalable pour une rentrée scolaire apaisée. » Il ne sera donc pas une surprise que les enseignants catholiques ne conditionnent la rentrée scolaire qui s’annonce dans un mois, par la révision de cette décision.
INFO BOX
- Les frais de tenue de compte sont perçus par la banque pour les services rendus à ses clients. Ils regroupent l’ensemble des commissions versées par les clients à un établissement de crédit, afin de rémunérer les services fournis par ce dernier, pour préserver l’existence du compte bancaire et en opérer un suivi permanent.
Retirer le salaire, puis rien…
Jean-Claude Bimwala
Agent à Trust Merchant Bank (TMB), une banque commerciale de la place, Eric Mukoka estime que les fonctionnaires ne profitent pas assez des services et produits proposés par les banques. « Ils ne se servent de leurs comptes que pour percevoir le salaire », constate-t-il. Crédits, découverts, transferts, cartes de débits et de crédits… toute la panoplie de services et produits que proposent des banques ne les intéressent pas. A TMB, seuls, 10 % de fonctionnaires ont demandé une carte visa (d’une valeur de 23 dollars), qui permet d’effectuer un retrait dans n’importe quel distributeur à travers le pays, renseigne-t-il. « Beaucoup de fonctionnaires ignorent, peut-être, qu’ils ont l’un des employés les plus crédibles [l’Etat] de notre banque, pour solliciter un crédit ou un découvert », argumente-t-il. Selon lui, si les fonctionnaires tiennent compte de tous ces avantages, ils arrêteront de trop se plaindre. « Ils considéreraient la banque comme un vrai partenaire qui les accompagne dans leurs projets et non comme une charge leur imposée par l’Etat. Les frais de tenue de compte se présenterait plus comme un devoir citoyen qu’une charge sur le gros fardeau qu’ils portent au quotidien », croit Eric Mukoka.