Selon la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD), le ministère des Infrastructures, des Travaux publics et de la Reconstruction a enregistré un taux de réalisation de 7 630,99 % en 2016 sur la taxe de transformation d’immeuble à étage. Le rapport de la DGRAD reste cependant muet sur ce que ce taux si colossal signifie en termes de nombre des maisons ou d’immeubles modifiés. Et même si en numéraires cela ne représente pas grand-chose, un peu plus de 20 186 520 francs réalisés contre des prévisions de 264 533, des experts font cependant remarquer une certaine passivité de l’État face au phénomène « maison à étages ». On va en hauteur même dans les zones marécageuses (Debonhomme) ou sablonneuses (Ngiri-Ngiri, Ngomba Kinkusa…) en foulant au pied les normes urbanistiques.
Un pis-aller
Il y a encore quelques mois, un immeuble s’est effondré dans la commune de Kasa-Vubu (centre de Kinshasa) suite à un redimensionnement sans considération technique. Une famille s’est retrouvée complètement décimée alors que l’enquête qui devrait établir la responsabilité du propriétaire de l’immeuble aurait été classée sans suite, après que la famille éplorée eût été indemnisée dans la cadre d’un arrangement à l’amiable. Quelques années plus tôt, un immeuble de trois niveaux s’est affalé dans la commune de Barumbu, entraînant mort d’homme et un autre à Bandalungwa.
Mi-juin, des architectes-urbanistes, des ingénieurs ainsi que des experts internationaux ont cogité à l’Institut national du bâtiment et des travaux publics (INBTP) sur le boom des constructions, notamment dans la capitale, sur le thème : « Agir sur la ville par une architecture durable ». Ce colloque qui s’inscrivait dans le cadre du projet de l’Académie de recherche et de l’enseignement supérieur (ARES) mis sur pied par le partenariat entre les facultés d’architecture de l’Université libre de Bruxelles (ULB) et de l’Université de Liège (ULG), de l’Institut supérieur d’architecture et d’urbanisme (ISAU), de l’INBTP, de l’Université Kongo (UK) et la Société des architectes du Congo (SAC) s’est appesanti non seulement sur la question de l’aménagement et de l’urbanisation en République démocratique du Congo, mais surtout sur la conception et la construction des habitats durables, antiérosifs dans l’optique de croître les compétences locales.
Et la population de Kinshasa croît chaque année à environ 4,2 %, soit plus d’un demi-million d’habitants additionnels par an, a fait comprendre l’ambassadeur de l’Union européenne(UE), Bart Ouvry, au cours de ce colloque. Cette croissance démographique n’est donc pas sans conséquence sur les logements. Selon certaines estimations, Kinshasa accuserait un déficit de 2.5 millions de logements. Voilà qui justifierait cette tendance des maisons à étages, un pis-aller. En 2015, alors que l’État n’avait rien prévu comme recettes sur la taxe de transformation d’immeuble à étages, elle a cependant rapporté plus de 7.4 millions de francs, selon la DGRAD.
Durant les trois mois de gestion de l’ancien 1ER Ministre, Samy Badibanga Ntita, les recettes relevant de la transformation de maisons basses en maisons à étages ont été réalisées à plus de 172 %, soit plus de 11,3 millions de francs perçus sur des prévisions de 6,6 millions. Dans le budget 2017, les prévisions des recettes dues à la taxe de transformation d’immeuble à étages sont de 36,7 millions de francs. Preuve que même l’État peut tirer profit du phénomène.
Par ailleurs, la taxe sur l’autorisation de bâtir des immeubles à usage non résidentiel et ceux résidentiels de plus de deux étages a généré en 2016 près de 1.5 milliard de francs alors que les prévisions n’étaient que d’environ 136 millions de francs. Ce qui représente un taux de réalisation de 1 075,23 %. Au cours du premier trimestre 2017, le taux était de 172,36 %, soit des recettes de l’ordre de 58,6 milliards contre des assignations de 34 milliards de francs. L’État espère collecter plus de 2.6 milliards à fin décembre avec la taxe d’autorisation de bâtir, appelé désormais permis de construire d’un immeuble de plus de deux étages.
Le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat avait dépassé ses assignations en 2016 avec un taux de réalisation de 188,5 %. Sur des prévisions de plus de 1,2 milliard de francs, ce service d’assiette a glané plus de 2 milliards. Au premier trimestre 2017, ses assignations ont été de 320.8 millions de francs, et les réalisations de 553 millions, soit un taux de perception de 172,4 %. Les prévisions pour le reste de l’année sont de 4.4 milliards de francs. Le gouvernement a prévu d’engager 15 milliards de francs dans le secteur de l’urbanisme et de l’habitat pour cette année. Mais 9.3 milliards de ces prévisions devraient provenir de la Banque mondiale qui s’est engagée à financer un projet d’urbanisation en RDC.
Il est vrai que le gouvernement a aussi prévu une intervention financière dans le cadre du tout nouveau portefeuille appelé ministère de l’Aménagement du territoire et de la Rénovation de la ville. Hélas, ce n’est que de l’argent de poche. Le budget total du nouveau ministère est de 3.5 milliards de francs. Mais environ 60 % des crédits alloués, soit plus de 2 milliards de francs, à l’aménagement du territoire et à la rénovation de la ville sont consacrés au fonctionnement du cabinet du ministre, Félix Kabange Numbi. Et le reste, soit 1.5 milliard, devrait servir aux interventions du nouveau ministère dont les attributions et missions ne sont pas clairement définies. Il s’agit notamment de la campagne de sensibilisation sur l’assainissement du milieu et l’amorce des actions de la rénovation de la ville avec un budget juste de 500 millions de francs. La RDC compte une trentaine de villes, quasiment toutes croulent avec la défectuosité de la voirie, la carence en logements, le sous-équipement et le dysfonctionnement des services publics, dont la Régie de distribution d’eau (REGIDESO) et la Société nationale d’électricité (SNEL).
À Kinshasa, l’Institut supérieur d’aménagement et d’urbanisme (ISAU) et l’IBTP ont créé un centre de recherche en aménagement du territoire et urbanisme (CRATU), dans le but d’assister l’État sur les questions liées à l’architecture et à l’urbanisation des grandes agglomérations en vue du développement durable. L’État dispose pourtant d’une structure du genre, le Bureau d’études d’aménagement et d’urbanisme (BEAU) dont les recommandations ne sont jamais prises en considération par le gouvernement.