Les experts s’inquiètent de la menace de disparition qui pèserait sur l’identité nationale avec la fin de l’analogique. Le salut viendrait de la création de bouquets propres au pays. Mais, et c’est le hic, il faut des moyens.
La migration vers la télévision numérique terrestre (TNT) va-t-elle emporter la « culture congolaise » ? Avec l’obligation d’investir dans le matériel et dans la production qu’impose la numérisation, le manque de fonds pourrait faire disparaître, d’ici décembre, plusieurs chaînes locales qui ne seront pas en mesure de s’adapter. La « culture étrangère » viendrait alors prendre la place des émissions culturelles, dont celles consacrées à la musique et au théâtre auxquelles la population est habituée.
Jean-Jacques Otshudiema, coordonnateur du Comité national de la migration vers la télévision numérique terrestre, s’inquiète car, en l’en croire, le vide laissé par les médias congolais sera occupé par des télévisions à contenu international. Devant ce défi, pour avoir l’« effet miroir », quelques chaînes locales doivent s’imposer. Le gouvernement compte aussi créer d’autres chaînes de télévision publique thématiques. Mais les privés n’ont d’autre choix que d’adhérer à l’idée de création d’un bouquet congolais. Il y a un préalable : pour survivre à la mutation vers la TNT, conseille Otshudiema, les chaînes de télévision congolaises diffusant jusque-là en analogique doivent se constituer en mutuelle parce que l’équipement permettant la production numérique et celui du passage au numérique ont un coût élevé. Pour des raisons connues d’eux-mêmes, les responsables de la commission de migration refusent de livrer le montant global que peut payer un responsable de média audiovisuel pour passer à la TNT. Pour Toussaint Tunavuvu, membre de cette structure, ce n’est pas encore le moment de livrer ces chiffres au public.
L’épreuve du contenu
Parmi les exigences de la TNT, il y a celle du contenu adapté. La difficulté qu’ont les chaînes de télévision congolaises c’est de proposer des programmes avec un contenu international pouvant concurrencer les chaînes étrangères. Celles-ci proposent des séries, des championnats sportifs ainsi que des dessins animés pour jeunes. Déjà, Canal + crée des bouquets adaptés aux cultures africaines. France 24 et TV5 conçoivent aussi des émissions cent pour cent Afrique. Selon Julie Vinay de Canal +, par exemple, pour un mois d’activité, 80 % de la grille de production de la chaîne A+ a été coproduite en Afrique. Pour Marc Saikali, directeur de France 24, de plus en plus leur média, entant que chaîne de télévision publique française, est tournée vers le continent avec des journaux destinés à l’Afrique. Pour résister, Toussaint Tunavuvu recommande aux propriétaires des médias congolais de se constituer en un groupe en créant des chaînes thématiques et en cherchant une régie publicitaire qui puisse les financer. « Si on va à la TNT dans le contexte actuel, c’est la culture congolaise qui va disparaître », prévient-il. Jean-Jacques Otshudiema déplore l’incompréhension qui règne entre les responsables de ces médias, qui ne veulent pas s’unir pour créer des structures communes. Cet expert du gouvernement demande à celui qui a la caméra répondant aux normes de se joindre à celui qui a un studio adapté à la TNT, etc. Pour les experts, le gouvernement est incapable de financer les entreprises de presse. En décembre, les fréquences utilisées actuellement en analogique devront être libérées pour permettre à l’État de les utiliser avec l’internet 4G, ce qui pourra lui apporter plus de cent millions de dollars.
L’accompagnement de quelques chaînes de télévision
France 24 et TV5 acceptent de collaborer avec les chaînes congolaises publiques et privées pour la production audiovisuelle. Marc Saikali affirme que France 24 propose des formations gratuites aux réalisateurs. Pour Yves Bigot, directeur général de TV5 Monde, dans le cadre de la Francophonie, leur chaîne a une rubrique conçue pour appuyer les réalisateurs, notamment ceux d’Afrique. Il explique que TV5 Monde est un opérateur de l’Organisation internationale de la Francophonie qui va accompagner la RDC, pays du monde où la chaîne est beaucoup regardée. Quant à Julie Vinay de Canal+, elle affirme que leur entreprise va accompagner la RDC dans la transition vers la TNT. Jean-Jacques Otshudiema confirme pour sa part que Canal+ et TV5 ont déposé leurs dossiers pour la TNT au ministère concerné.