SELON la Fédération des entreprises du Congo (FEC), l’État congolais devait en 2017 plus d’un demi-milliard de dollars aux opérateurs économiques, principalement les miniers, dans le cadre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) remboursable. Mais le gouvernement, lui, avait prévu de décaisser quelque 135 millions de dollars. Dans le document du cadre budgétaire à moyen terme 2017-2019, le gouvernement prévoyait de poursuivre le paiement de la TVA remboursable pour un montant de 1 130 456 974 544 FC (635 millions de dollars) en 2018 et pour un montant 1 345 865 617 712 FC (745 millions de dollars) en 2019.
Depuis que la TVA a été instituée en République démocratique du Congo en 2012, les opérateurs économiques ne semblent pas avoir confiance en les engagements de l’État sur la TVA remboursable. Dans les années passées, Albert Yuma Mulimbi, le président de la FEC, ne manquait pas dans son speech sur la marche des affaires en RDC, à l’occasion de l’échange de vœux de nouvel an, de tirer à boulets rouges sur le gouvernement à ce propos.
En 2016, les prévisions de la TVA remboursable étaient de 383 742 199 709 FC, mais 106 782 017 178 FC ont été réellement versés aux opérateurs économiques, soit un taux de décaissement de 27,8 %. Entre janvier et mars 2017, 95 935 549 927 FC ont été prévus, mais rien n’a été payé. Les recettes fiscales collectées à fin 2016 étaient de 1 683,3 milliards de FC, soit 96,9 % de taux de réalisation par rapport aux prévisions de 1 737,5 milliards de FC, dans un contexte difficile marqué par la chute des cours mondiaux des matières premières. La RDC qui est exportatrice de cuivre, cobalt et pétrole, en a d’ailleurs fait les frais en matière de TVA : suspension de la TVA sur les marchés publics financés par l’État, sur les produits de première nécessité pendant le premier trimestre de 2016 ; octroi d’exonérations dérogatoires, reversement partiel de la TVA nette collectée par les entreprises du portefeuille de l’État… Les opérateurs économiques fustigent surtout la confusion entretenue dans la collecte même de la TVA, ce qui ne rend pas aisé le calcul de la TVA remboursable.
Pour 2017, la TVA remboursable était évaluée à 905 636 369 750 FC, soit 478,2 milliards de FC par la Direction générale des impôts (DGI) et 427.3 milliards de FC par la Direction générale des douanes et accises (DGDA). Faute de respecter ses engagements sur la TVA remboursable, le gouvernement avait demandé à la DGDA d’en suspendre la perception sur l’importation des produits miniers d’août 2016 à août 2017.
Selon la Douane, la suspension de la TVA sur les importations des miniers devait entraîner un manque à gagner de 30 milliards de FC par mois, soit plus de 25 millions de dollars. Projeté sur la durée de la suspension, le manque à gagner représenterait 360 milliards de FC, soit quelque 300 millions de dollars. La TVA représentait plus de 44.1 % des recettes attendues de la douane en 2017, soit 1 082 763 247 324 FC sur 2 497,3 milliards de FC.
Le paiement de la TVA remboursable a toujours posé problème, font remarquer des opérateurs économiques. En 2014, la DGDA avait réalisé 825 867 000 000 FC sur des prévisions de 1 174 933 503 406 FC, soit un taux d’encaissement de 70,3 %. L’année suivante, le taux de réalisation des recettes TVA était de 879 548 969 129 FC (80,2 %), contre 563 255 000 000 FC sur des prévisions de 784 738 675 701 FC (71,8 %) en 2016.
Tandis que la Direction générale des impôts (DGI) a réalisé 537 268 743 730 FC sur des assignations de 788 176 652 840 FC (68,17 %) en 2014. Et 564 805 000 000 FC sur des prévisions de 628 274 872 672 FC (89,9 %) en 2015. L’année d’après, 144 474 000 000 FC sur les prévisions de 157 068 718 168 FC (91,98 %). En 2017, les assignations de la TVA pour la DGI étaient de 955 766 443 420 FC (39,4 % des assignations de la DGI).
En 2018, le paiement de la TVA remboursable se chiffrait à 103 052 990 488 FC, alors que les opérateurs économiques espéraient 188 394 995 015 FC à fin septembre 2018. Le taux d’exécution de la TVA remboursable était alors de 54,7 %. Et sur l’ensemble de l’année, le gouvernement devait décaisser quelque 251 193 326 687 FC, selon les chiffres du ministère des Finances.
Toujours en 2018, la FEC a obtenu du gouvernement, en faveur des sociétés minières, un compromis sur le remboursement de la TVA. Il s’agit d’un mécanisme de compensation avec d’autres paiements dus à l’État. Les régies financières se sont opposées à cette pratique de compensation, car ce que l’État doit au titre de TVA remboursable est nettement plus élevé que ce que lui doivent les opérateurs économiques.
La DGI a avisé que les entreprises minières qui n’appliqueront pas la directive de la retenue à la source de la TVA entrée en vigueur le 15 mars 2018, s’exposeront aux pénalités prévues par la loi en la matière. Selon la loi rectifiée (ordonnance-loi n°10/001 du 20 août 2010) sur la TVA, les entreprises minières y sont assujetties pour le compte des établissements et entreprises publics dans lesquels l’État est actionnaire unique. Ces innovations portent, par exemple, sur l’exonération de la TVA (article 15) des opérations de livraison des biens et d’importation par les entreprises nouvelles, des biens d’équipements destinés aux investissements de création, dans les conditions déterminées par voie réglementaire. Pour ce faire, une nouvelle section a été ajoutée dans le chapitre II de l’ordonnance-loi n°10/001 du 20 août 2010 sur les achats en franchise de TVA. Les exportateurs, les entreprises réalisant des investissements lourds, les entreprises minières et pétrolières en phase de recherche ou de développement et de construction du projet minier ou pétrolier et celles en cessation d’activité ainsi que les établissements publics et les entreprises publiques dans lesquels l’État détient la totalité du capital social et dont la TVA facturée a fait l’objet de retenue à la source peuvent, sur demande expresse adressée à l’administration des impôts, obtenir le remboursement de leurs crédits d’impôt sur la TVA résultant de l’acquisition des biens meubles et des services.
Par ailleurs, les entreprises minières exportatrices, les entreprises pétrolières de production et les entreprises ayant réalisé des investissements lourds qui sont dans la phase d’implantation sont autorisées, s’agissant de leurs acquisitions locales, à se faire livrer, en franchise de TVA, les biens et services qu’elles destinent à leurs besoins d’exploitation et d’investissement (article 23 bis).
Pour bénéficier des avantages de la loi rectifiée, les entreprises minières exportatrices, les entreprises pétrolières de production et les entreprises ayant réalisé des investissements lourds doivent présenter à leurs fournisseurs une attestation – visée par le service de l’administration des impôts dont elles relèvent – certifiant que les biens et services achetés en franchise de TVA sont destinés, en l’état ou après transformation, à leurs besoins d’exploitation et d’investissement.
Cette attestation doit comporter l’engagement de s’acquitter de la TVA au cas où les biens et les services ne recevraient pas la destination qui a motivé la franchise. Un arrêté du ministre des Finances établit les modalités d’application de la procédure d’achat en franchise de TVA. En 2019, la DGI a entrepris d’améliorer le système de perception et de remboursement de la TVA, en se dotant de dispositifs électroniques fiscaux (Electronic Fiscal Device/EFD) pour la collecte des données de la TVA.