L’ARRIVÉE d’un nouveau personnage, dans ce nouveau round de négociations qui a débuté à Shanghai, n’est pas forcément pour rassurer sur une issue favorable. À 63 ans, Zhong Shan, le ministre du Commerce chinois, va donc intégrer l’équipe de négociateurs, toujours officiellement menée par Liu He, le vice-1ER Ministre chinois. Diplômé d’Harvard, ce dernier connaît bien les États-Unis mais peine à obtenir des résultats. Trois mois après l’échec des pourparlers, Zhong Shan va donc prendre la main avec un discours plus ferme. « Au cours des dernières semaines, on a vu une fermeté grandissante de la partie chinoise notamment à travers ses organes de presse pour critiquer les États-Unis, en parlant de terrorisme commercial », a expliqué Jean-Yves Colin, expert Asie du Nord chez Asia Centre. « Pékin signale ce durcissement du ton par l’introduction d’un personnage réputé dur et proche de Xi Jinping », a-t-il déclaré. Zhong Shan, qui a rejoint le parti communiste chinois à 18 ans, a dirigé deux entreprises étatiques avant de devenir vice-gouverneur de la province du Zhejiang, en 2003, sous la houlette de l’actuel président Xi. En 2008, il devient vice-ministre au Commerce puis représentant du commerce international à ce même ministère. Enfin, en 2017, il est nommé ministre du Commerce. En une décennie, l’homme s’est taillé une réputation d’habile négociateur tant avec les Américains qu’avec les Européens. S’il se montrait comme un interlocuteur cordial, Zhong Shan semble avoir durci le ton. Dans une récente interview pour Le Quotidien du Peuple, organe de presse officiel du parti communiste chinois, le ministre revendique désormais un « esprit combatif » pour « sauvegarder résolument les intérêts nationaux et populaires, et sauvegarder résolument le système commercial multilatéral ».
Face à face avec Lighthizer
Si Liu He a un profil politique, Zhong Shan a une vraie expérience du bras-de fer commercial. Le Washington Post raconte que l’intéressé a même édité un livre sur la façon dont les entreprises chinoises devaient aborder les accusations anticoncurrentielles américaines en s’appuyant sur une série de cas pratiques… Une expérience qui sera un véritable atout face au redoutable Robert Lighthizer, représentant au Commerce des États-Unis, surnommé « missile man » dans les années 1980, lorsqu’il transforma en avion en papier une offre écrite du gouvernement japonais (avant de leur balancer à la face).
L’arrivée du ministre du Commerce chinois sonne donc comme un véritable avertissement, même si Pékin a tenté de minimiser ce changement spectaculaire de leadership, jugeant simplement « normale » l’arrivée de Zhong Shan dans le jeu. Ce raidissement attendu des discussions reportent un peu plus l’opportunité d’un accord entre les deux superpuissances, pénalisées toutes les deux par la guerre commerciale. Si les États-Unis affichent encore une croissance solide, le déficit commercial américain vis-à-vis de la Chine représente toujours environ 20 milliards de dollars. De son côté, la Chine connaît la période de croissance la plus faible depuis 30 ans. Mi-juillet, le Fonds monétaire international (FMI) avait prévenu que ce conflit représentait un risque majeur pour la croissance mondiale.