L’accord sur la réduction des gaz à effet de serre ne sauvera pas l’Afrique

Les États-Unis et la Chine se sont mis d’accord pour limiter les émissions de carbone, mais la mesure n’est peut-être suffisante que pour sauver les pays développés, au Nord. Les discussions ont duré deux ans, mais finalement les deux plus grands pollueurs au monde ont manifesté leur intention de réduire leurs émissions des gaz à effet de serre. Pourtant, la réduction des émissions ne suffit pas pour sauver l’Afrique – et une foule de pays en développement – de l’impact d’un grave changement climatique.

Selon les termes de l’accord, les États-Unis réduiront leurs émissions de gaz en 2025. La Chine atteindra le maximum de ses émissions en 2030, les plafonnera et les diminuera ensuite. Pour les négociations mondiales sur le changement climatique, ceci constitue la première avancée capitale depuis le Sommet sur la terre à Rio, en 1992. Les deux pays responsables de 45 % de toutes les émissions de carbone, ne pouvaient pas éviter de signer un accord qui les oblige à réduire leurs émissions de gaz. À la cérémonie de signature, le président Barack Obama a déclaré : « En tant que plus grandes économies du monde et plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, nous avons une responsabilité spéciale pour conduire l’effort mondial contre le changement climatique. »

Ce leadership devrait être acquis pour les efforts destinés à obtenir un sérieux accord global sur le changement climatique. Inspiré de la 17e Conférence sur le climat à Durban (Afrique du Sud), en 2011, cet accord sera signé à la 20e Conférence, à Paris, en 2015. Dans sa version la plus contraignante, il devrait forcer les pays à réduire leurs émissions de gaz avec une série de pénalités légales pour non-conformité. Ceci devrait garantir le maintien des émissions de carbone en-dessous de 450 parties par million. La moyenne générale de la hausse des températures devrait alors se situer en-dessous de 2° Celsius.

En effet, l’organisme de recherche des Nations unies pour le changement climatique, le Panel intergouvernemental sur le changement climatique, a fixé à 2° Celsius au maximum la hausse de température supportable par l’être humain. Au-delà, ce serait incontrôlable.

Le rapport Impact, adaptation et vulnérabilité 2014 du Panel sur le changement climatique publié au début de cette année révélait que, sans réduction d’émissions de gaz carbonique, les effets du changement climatique seront « graves, omniprésentes et irréversibles ». Il prévient que, sans une « action urgente » pour réduire ces émissions, les températures moyennes en Afrique pourraient augmenter de 6° Celsius. Pour les garder en-dessous de 2° Celsius, seulement 1,2 trillion de tonnes de gaz à effet de serre peuvent être tolérées au cours de ce siècle. Mais, l’année dernière, 36 milliards de tonnes de gaz ont été émises et 40 milliards pourraient l’être cette année. Si les émissions continuent à suivre ce schéma, cela voudra dire qu’en trente ans le maximum total pour le siècle aura été atteint.

Le professeur Bob Scholes, un analyste écologiste au Conseil sud-africain pour la recherche scientifique et industrielle, a déclaré qu’il était probable qu’on n’en fasse pas assez pour maintenir les émissions sous la barre des 2° Celsius. « Nous allons très vite dépasser ce chiffre. Mais on devrait s’efforcer de ne pas atteindre les 4° Celsius. Il y a assez de volonté pour ralentir les émissions. Par conséquent, je suis optimiste. »

Le problème, c’est que le progrès en cette matière est d’une lenteur frustrante. Cette année – et les quatre derniers mois –  ont été les plus chauds jamais enregistrés et les concentrations de carbone dans l’atmosphère sont allées au-delà de 400 parties par million. L’action des États-Unis et de la Chine a été saluée par les autres gouvernements comme un moment très attendu dans les négociations mondiales sur le climat. Christina Figueres, la chef du secteur climat à l’ONU, y voit « une croissante détermination positive envers le défi du changement climatique ». L’Union européenne (UE) a fait la même déclaration en octobre. Ses États membres se sont mis d’accord sur des émissions de carbone de l’ordre de 40 % en 2030.

Ferrial Adam, dirigeant de l’organisation non-gouvernementale 350 Africa, a estimé que les annonces étaient « symboliques » mais « pas suffisantes ». L’Agence internationale de l’énergie a indiqué que 80 % de l’énergie fossile mondiale, principalement le charbon, doit rester sous terre pour que les hausses de température soient en-dessous de 2°Celsius. Selon Adam, cette situation devrait conduire à investir dans les énergies renouvelables.

À la conférence de Copenhague sur le climat, en 2009, l’Afrique du Sud avait promis de réduire ses émissions de gaz de 42 % jusqu’en 2025. Judy Beaumont, directrice générale chargée du changement climatique au ministère de l’Environnement, a déclaré que la position africaine était de s’assurer que les hausses de température restent en-dessous de 1,5° Celsius. « Sinon nous verrons les températures en Afrique du Sud galoper au-delà de 6 degrés. »

Lorsque l’Afrique du Sud prendra la tête du Groupe des 77 l’année prochaine, elle fera pression pour ce « juste » objectif aux négociations sur le changement climatique, selon Beaumont. Le groupe des États insulaires poursuit le même objectif. Ce bloc est confronté à une effroyable perspective de voir les pays disparaître sous la montée croissante du niveau de la mer si la moyenne des températures générales dépasse les 2° Celsius. L’État de Kiribati, dans l’océan Pacifique, a déjà eu à acheter des terres dans le Fidji voisin pour que le gouvernement puisse commencer à évacuer la population à cause de la montée du niveau de la mer.

L’organisme onusien pour le changement climatique défend l’objectif de 1,5° Celsius, sinon la hausse des températures en Afrique entraînera des pénuries d’eau et la faillite de l’agriculture, ce qui profitera aux seigneurs de guerre. Dans son rapport de cette année, cet organisme indique que ceci arrive déjà. Le changement climatique s’est ajouté au stress et l’on s’entretue déjà pour l’accès aux ressources hydriques en baisse en Afrique du Nord. Mais l’objectif officiel des négociations de la 21e Conférence est de limiter les augmentations de température à 2° Celsius. Les États-Unis, la Chine et l’Union européenne ont tous pris l’engagement d’atteindre cet objectif.

Le Fonds du climat vert, conçu comme cadre pour les pays de collecter des fonds afin de financer ceux qui sont le plus affectés par le changement climatique pour s’adapter à la nouvelle réalité, est encore largement désargenté. Il est censé avoir 100 milliards de dollars chaque année, jusqu’en 2020. Ceci permettrait aux pays qui ne sont pas responsables du changement climatique induit par le gaz carbonique – essentiellement dans les pays sous-développés – de protéger leurs économies et leurs sociétés contre les aléas du changement climatique.

Si un accord est signé l’année prochaine, il y aura réduction des émissions de gaz à un niveau tel que les pays développés du Nord survivront à un climat changeant sans catastrophe. Mais, pour l’Afrique, l’ambition est trop petite. Un continent qui a 6° Celsius de chaleur en plus sera incapable de nourrir son milliard d’habitants. Si l’objectif n’est pas atteint lors des discussions, cela pourra mener à un désastre.