L’Association des Compagnies Aériennes Africaines (AFRAA) a qualifié d’inacceptable la détention d’une exploitation de 20 % seulement des liaisons intercontinentales au départ de l’Afrique ainsi que le manque de transparence dans l’élaboration de la liste noire de l’Union européenne qui préjudicie ses membres transporteurs. C’était au cours de la cinquante-troisième assemblée générale de cette association tenue du lundi 25 au mardi 26 novembre dernier dans la ville portuaire de Mombasa au Kenya.
Au cours de cette rencontre, le secrétaire général de l’AFRAA, le zimbabwéen Elijah Chingosho n’a pas mâché ses mots pour s’insurger contre ce qui ressemble ni plus ni moins à la menace de grandes compagnies européennes et moyen-orientales. « Nous ne représentons que 3% du trafic mondial et 20% des liaisons intercontinentales partant d’Afrique, ce n’est pas acceptable. Et la situation est encore pire dans les pays francophones, dans lesquels Air France garde une position dominante », a déclaré à l’endroit des participants. Par rapport à la liste noire des compagnies aériennes africaines confectionnée chaque année par l’Union Européenne, la réaction d’Elijah Chingosho a été presque identique au point de vue du britannique Tony Tyler, secrétaire général de l’Association Internationale des Transporteurs Aériens (IATA).
« La manière dont est élaborée la liste noire de l’Union européenne n’est pas transparente. Elle jette l’anathème sur l’ensemble des compagnies africaines, y compris celles qui font des efforts. Elle ne les aide pas à progresser en matière de sécurité », a-t-il tranché le secrétaire général de l’AFRAA à Mombasa. Pour rappel, la réaction de M. Elijah rejoint totalement celle de son prédécesseur Christian Folly-Kossy lors de son discours d’ouverture de la 2ème Conférence des Ministres en charge du Transport aérien à Libreville le 15 mai 2006 au sujet de la liste noire de l’UE. L’ancien secrétaire général de l’AFRAA avait, à l’époque, déclaré: « les compagnies listées n’opèrent pas sur l’Europe. La plupart d’entre elles n’existent pas en dehors des papiers administratifs.
Quand elles existent, elles volent à l’intérieur des frontières de leurs Etats ou dans le voisinage avec les fameux Antonov et Iliouchine, sans vocation d’aller en Europe. Dans ces conditions la démarche prend toutes les formes d’une concurrence déloyale, d’une attaque indirecte contre les concurrents africains sur le marché Europe/Afrique. L’Union Européenne est un partenaire en développement proéminent et fidèle du Continent, elle se doit de faire attention à ces effets induits malencontreux ».
Les assises de Mombasa ont regroupé plus de 370 membres des compagnies aériennes africaines. Ceux-ci ont, en effet, fait le déplacement de la deuxième ville kenyane pour réfléchir sur les moyens de reprendre l’offensive sur le marché africain face à la concurrence démesurée des compagnies aériennes d’Europe et du Moyen-Orient. En plus de la présence du secrétaire général de l’AFRAA, cette rencontre a connu la participation de trois figures de proue de l’aéronautique civile africaine, notamment M. Titus Naikuni, patron de Kenya Airways depuis 12 ans et hôte de la manifestation, M. Monwabisi Kalawe, Président Délégué Général de South African Airways depuis avril 2013 et M. Tewolde Gebremariam, président d’Ethiopian Airlines, l’homme dont la compagnie détient aujourd’hui 49 % des parts dans Malawi Airlines, compagnie aérienne malawite, dans le but de poursuivre son développement en Afrique australe.
Les assises de Mombasa ont été motivées par la situation financière préoccupante de plusieurs compagnies aériennes du continent, alourdie davantage par le prix élevé du jet, lequel représente 40 à 50 % des coûts d’opération des avions africains contre 30% partout ailleurs dans le monde. Face à cette situation et pour contourner la difficulté dans le but de faire progresser leurs volumes de passagers qui sont en hausse de 5,3 % en Afrique et, partant d’améliorer leurs performances financières et techniques, quelques exploitants aériens du continent ont adopté certaines stratégies.
En effet, quatorze d’entre eux ont décidé de rejoindre le groupe d’achat conjoint de kérosène, ce qui leur permet d’améliorer leur pouvoir de négociation face aux pétroliers. Par ailleurs, les transporteurs africains ont également étudié les moyens de pousser leurs gouvernements respectifs à diminuer les taxes de plus en plus nombreuses qui empoisonnent le climat des affaires dans leur secteur. Ainsi, la Côte d’Ivoire, le Ghana et l’Angola ont accepté au cours de cette année de les revoir à la baisse. Ce qui constitue un premier pas en attendant que d’autres Etats se mettent au pas. L’autre front ouvert par les compagnies aériennes africaines est celui de l’équité dans le traitement. A ce sujet, le vice-président d’Ethiopian Airlines en charge de l’international Enok Teferra a été direct lors des assises de Mombasa. « Nous voulons aussi pousser les États à une égalité de traitement entre opérateurs africains et étrangers, ce qui n’est pas le cas actuellement. Certains pays favorisent les compagnies européennes et du Golfe qui leur promettent des touristes ou des appuis techniques », a-t-il indiqué.
Sécurité dans le ciel africain
La sempiternelle question de la sécurité aérienne en Afrique ne pouvait être escamontée. En effet, le secrétaire général de l’AFRAA, Elijah Chingosho a rappelé à mantes reprises la nécessité pour les compagnies africaines de respecter les standards internationaux et la possibilité d’être aidé par les plus grandes compagnies aériennes du continent pour améliorer le niveau de sécurité. D’où, il a prévenu qu’il ne devrait pas y avoir, d’ici 2015, une compagnie membre de l’AFRA qui ne soit pas conforme aux standards internationaux IOSA (Iata Operational and Safety Audit), c’est-à-dire la première norme mondiale pour la vérification de la sécurité des procédures d’exploitation des transporteurs aériens. D’autres sujets ont été abordés, tels que ceux relatifs à la sûreté aéroportuaire, notamment la mise en place des nouvelles technologies aussi bien pour la distribution des billets que pour les différentes étapes franchies par un passager, de son enregistrement jusqu’à sa sortie de l’aéroport d’arrivée. Il a été également question de la petite taille des transporteurs aériens opérant sur le continent, laquelle constitue un handicap pour résister efficacement à des concurrents étrangers de grande taille. Il a en effet été constaté qu’en dehors de Kenya Airways, Royal Air Maroc, South African Airways et Egyptair, peu de transporteurs du continent africain sont à même de réaliser des économies d’échelle, d’adhérer à des alliances internationales comme Star Alliance et Sky Team et rivaliser avec des compagnies comme Air France, Brussels Airlines.