Les gouvernements du monde entier, depuis la conférence de Rio de Janeiro, au Brésil, en 1992, se sont engagés à protéger l’environnement pour un développement durable. Les modes de production qui prévalaient jusque-là étaient basés sur une exploitation irresponsable des ressources naturelles. Des millions d’hectares de forêts ont ainsi été dévastés de par le monde, surtout dans les pays industrialisés, pour satisfaire les besoins de l’industrie. Les énergies fossiles ont continué à se développer pour soutenir les efforts de développement. Par conséquent, il y a eu une hausse généralisée de la température. Aujourd’hui nous en ressentons encore les manifestations et les conséquences. Le monde, assagi, s’est engagé sur la voie du développement durable, pour une exploitation responsable des ressources renouvelables. Et surtout en faveur d’un développement sain parce que l’industrie pollue. Notre mode de vie favorise une pollution grave de l’environnement.
La vie sur terre est en danger
Il y en a qui pensent que la planète est menacée. Au fond, ce n’est pas la planète qui l’est, c’est plutôt la vie humaine en tant que telle. Car même si on brûlait tout, notre planète sera toujours là, mais sans aucune vie. L’homme doit prendre conscience des enjeux et des défis à relever pour assurer une vie durable sur terre. Sinon, il en paiera le prix. Nos forêts et notre faune en Afrique centrale sont au cœur d’un programme commun de la sous-région. Nous avons convenu de les exploiter durablement, en faisant en sorte que l’accès à la ressource soit bien réglementé, que les prélèvements permettent le renouvellement de la ressource naturelle. En ce qui concerne les forêts, l’aménagement reste l’outil essentiel pour une gestion durable. C’est un outil de planification qui nous permet de connaître le potentiel de la forêt et la meilleure façon de l’exploiter au service du développement, tout en respectant l’équilibre écologique.
Engagés sur cette voie, nous avons été surpris par la rapidité des résultats obtenus. En très peu de temps, une partie des forêts d’Afrique centrale est certifiée. Au Congo, par exemple, nous avons opté pour le certificat, le standard le plus rigoureux sur le plan international. C’est le FEC. Aujourd’hui nous avons à peu près 5 millions d’hectares de forêts certifiés dans le bassin du Congo, dont 2 millions et demi en République du Congo. Au niveau mondial, la superficie certifiée représente 32,5 % des forêts qui sont dans ce cas. C’est pour dire que nous avons accompli des progrès considérables en matière de gestion durable des forêts. Mais nous n’allons pas nous arrêter là. Nous allons, au contraire, poursuivre cet exercice pour que toutes les forêts destinées à l’exploitation puissent être aménagées dans le cadre d’un plan précis d’ici la fin de l’année 2016. Le terme est très court, mais des dispositions ont été prises en conséquence. Nous allons tout entreprendre pour que, à moyen terme, toutes ces forêts soient certifiées. C’est un engagement que nous avons pris vis-à-vis de nous-mêmes. Si, maintenant, il y a un écho international, nous pensons que c’est tout à fait normal.
La voie directe de l’économie verte
Nous devons bien gérer nos forêts d’autant plus que, aujourd’hui, les superficies forestières attribuables sont épuisées. Il n’y en a plus et il n’y en aura plus de nouvelles. Il nous faut donc gérer rationnellement celles qui existent. C’est pour cela que nous faisons la guerre aux usines peu productives, c’est-à-dire dont le rendement est très faible, au profit de l’utilisation de nouvelles technologies qui permettent de valoriser le matériau et qui nous conduisent à utiliser ce qu’on appelle les « déchets » pour fabriquer de la matière première et créer de la valeur ajoutée. Cela a pour finalité la création de plus d’emplois. Nous sommes là dans la voie directe de l’économie verte : réduire les déchets, les supprimer, consommer moins d’énergie ou produire de l’énergie propre, assurer des meilleures conditions de travail pour les employés des sociétés forestières et des meilleures conditions de vie à la population.
Si nous ne gérons pas bien nos forêts, nous allons les perdre. Certains pays avaient de grandes étendues de forêt qu’ils ont mal exploitées. Ils se retrouvent aujourd’hui avec un espace forestier très réduit. La contribution du secteur forestier à leurs économies a considérablement baissé. C’est un recul et c’est tout sauf du développement durable. Nous ne voulons pas revivre les mauvaises expériences du passé. Nous devons, par conséquent, bien gérer la forêt pour les besoins de l’économie, pour les besoins des populations, pour l’équilibre écologique mondial.
Nous devons également gérer rationnellement notre faune, qui est abondante et diversifiée. Elle doit servir de ressort au développement de l’écotourisme en Afrique centrale, où il n’est pas du tout développé. Pourtant, nos atouts sont énormes : beaux paysages, faune extraordinaire. Quand certaines espèces emblématiques sont menacées, braconnées, les touristes fuient et préfèrent ne pas venir dans ces zones car il y a danger. Comme le braconnage des espèces emblématiques et d’autres espèces tend à s’intensifier, il faut le combattre. Les espèces qui ne sont pas menacées aujourd’hui le seront demain ni nous ne prenons pas de dispositions pour que cette ressource naturelle soit gérée de manière responsable.
Prendre conscience des enjeux de la gestion durable du patrimoine vert
Nous pensons que la symbiose entre les espèces de faune, les espèces de flore sont la base de l’enrichissement de l’écosystème. Lorsque la faune est menacée, la flore l’est également de façon directe. Si nous éliminons la faune, certaines espèces disparaîtront car elles ne peuvent se reproduire qu’en passant par l’estomac d’autres animaux et si les graines sont transportées d’un lieu à un autre. S’il n’y a plus ces fonctions, il est évident que notre système va s’appauvrir. En s’appauvrissant, il sera plus vulnérable face au réchauffement de la planète, à l’effet de serre donc. Il perdra ses qualités et, au fur et à mesure, nous risquons de « savaniser » les espaces forestiers. Il appartient à notre génération de prendre conscience des enjeux de la gestion durable des ressources naturelles, notamment du patrimoine vert, et d’en faire un réel instrument de développement. Les gouvernements devraient investir dans ce domaine parce que, nous le répétons, la faune et la flore assurent la diversification économique. Elles permettent aussi de résister aux chocs pétroliers récurrents.
L’exploitation criminelle de la faune et de la flore est le fait d’entreprises ou d’individus qui ne respectent pas les règles d’accès à la ressource ou n’obtiennent pas les autorisations exigées, préférant utiliser des moyens frauduleux. Ils abattent des animaux dans des aires protégées ; coupent les arbres sans prendre en considération les normes établies. C’est également le cas des ressources maritimes et halieutiques. Elles sont exploitées en grande partie illégalement par des armateurs étrangers qui fuient le continent pour alimenter le commerce illicite dans leurs pays d’origine. Les plantes récoltées chez nous, toujours dans l’illégalité, sont destinées aux industries pharmaceutiques et cosmétiques. À cette liste s’ajoutent les plantes ornementales. C’est contre tout cela que nous devons lutter. Bien sûr, pour établir l’illégalité, il faut qu’il existe des législations en la matière. Elle n’est constatée que lorsque les textes ne sont pas respectés dans le cadre des activités des entreprises et du commerce qui s’ensuit.
La conservation de la nature, parent pauvre des budgets nationaux
La conférence qui vient de se tenir à Brazzaville est cruciale parce que nous avons rassemblé en une seule réunion toutes celles qui sont prévues ou se sont déjà tenues sur le sujet et dans lesquelles il a été question d’éléphants, de rhinocéros, de grands singes, de bois… Toutes ces initiatives doivent être fédérées pour que nous engagions une dynamique nouvelle et globale en vue de préserver l’ensemble de la biodiversité. Il s’agit maintenant d’avoir de nouvelles attitudes, d’élaborer de nouvelles lois destinées à la préservation de notre environnement. Ces lois doivent être nationales. Mais il faut, par là-même, améliorer certaines dispositions au niveau des accords multilatéraux sur l’environnement et que les législations nationales évoluent. Cela pour garantir une meilleure prise en compte de la question des ressources biologiques. Chaque État doit mettre en place une stratégie nationale et se doter de moyens appropriés. Il s’agit d’abord, tout compte fait, d’une ressource nationale gérée par l’État. Il doit mettre à la disposition du secteur concerné les moyens techniques et humains nécessaires. La communauté internationale ne peut que venir à notre secours. Mais nous avons constaté que les États du continent ne prennent pas souvent leurs responsabilités. La conservation de la nature reste toujours le parent pauvre quand sont élaborés les budgets nationaux. Cela est paradoxal. À moins que l’on ne pense que ce secteur ne sert à rien. Investissons dans la nature et tout le monde verra la diversification de nos économies. Tout le monde verra une dynamique nouvelle, une nouvelle croissance…
Nos partenaires étrangers ne cessent de nous dire qu’ils dépensent beaucoup pour nous soutenir sans voir l’apport des États africains. Ils en arrivent à déplorer de notre part une double volonté : celle de faire et de ne rien faire en même temps. Et ils restent persuadés que la volonté de ne rien faire l’emporte sur tout le reste. Notre position est difficile à tenir. Ces affirmations reflètent une certaine réalité ici et là. Ce que nous devons faire désormais c’est prendre en main la gestion de nos ressources naturelles. J’ai l’habitude de dire que lorsque vous confiez votre fils à un tuteur qui s’en occupe dès le bas âge jusqu’à l’âge adulte, il est difficile pour le père biologique d’avoir plus de contrôle sur l’enfant que le père nourricier. Cela vaut pour la coopération. S’il manque à notre démarche la volonté de nous impliquer, la mise en marche de nos propres politiques, c’est inutile de chercher le soutien des autres.