D’ANNÉE en année, de nouveaux diplômés du supérieur viennent grossir les rangs des demandeurs d’emploi, rejoignant les plus touchés, ceux qui ont quitté l’école trop tôt et les désabusés de l’enseignement supérieur. « Un diplôme n’est pas synonyme d’un travail ». Cette boutade lancée à la figure d’un jeune diplômé à la recherche d’un boulot par le responsable des ressources humaines dans une société de la place, est révélatrice de la situation en République démocratique du Congo.
Les jeunes y sont les premières victimes du chômage. Pourtant, de plus en plus de jeunes poursuivent des études, et le nombre de nouveaux diplômés ne cesse d’augmenter, venant grossir les rangs de plus de 80 % des demandeurs d’emploi diplômés du supérieur.
En outre, quand ces derniers trouvent du travail, il s’agit souvent de postes subalternes, mal rémunérés…
Les idées reçues
Ce constat se vérifie d’ailleurs dans la plupart des pays, où la quête d’une meilleure adéquation entre l’offre de formation et les besoins du marché du travail est au cœur des préoccupations. Des questions majeures se posent donc sur la formation, le chômage et l’emploi. À cet égard, le diagnostic de l’éducation, la formation et l’emploi permettrait de mieux identifier les caractéristiques, les faiblesses et les besoins du secteur. Certes, l’éducation est la voie royale qui mène à l’emploi, et les Congolais, comme beaucoup d’autres Africains, continuent à croire qu’un diplôme universitaire garantit l’accès au travail.
Au vu de la situation actuelle, les jeunes sont de plus en plus incertains sur leur avenir. Une situation, à en juger par les chiffres qui sont publiés par ci et par là, interpelle la conscience collective. Et dans pareille situation, les revendications doivent être prises au sérieux. Des politiques devraient être formulées et des moyens mis en œuvre par les pouvoirs publics dans le cadre d’une bonne gouvernance généralisée.
Tout dépendra alors de la volonté politique des autorités, de leur capacité à travailler davantage et à répondre à la forte demande sociale en matière d’emploi. Sans réponse de leur part, les risques d’explosion sociale, déjà évidents, seraient accrus. En RDC, le taux d’activité des jeunes de moins de 25 ans est en moyenne de 23,9 % en milieu urbain et de 40,4 % en milieu rural. Tout présage que la situation pourrait être pire d’ici 2025. La corrélation diplôme-travail fut réel dans les années 1960-1970, puis les chemins respectifs du système éducatif et du marché de l’emploi ont commencé à se séparer. À moyen terme, cela impose aux dirigeants politiques, voire aux responsables économiques, de prendre en compte tous ces jeunes qui arrivent de plus en plus nombreux, souvent sans qualifications, sur le marché de l’emploi. C’est encore loin d’être le cas. Il s’agit dès lors de configurer la jeunesse pour gagner ce défi. Comment ?
D’aucuns pensent qu’il incombe aux pouvoirs publics d’encadrer et accompagner financièrement les projets d’entrepreneuriat, de création d’entreprises et de formation des jeunes pour leur épanouissement intégral. Il s’agit de stimuler l’esprit d’entrepreneuriat en nos enfants pour qu’à leur tour, ils participent à la création de la richesse nationale.
Ne pas s’arrêter au diplôme
Dans le cadre des activités de la 2è édition de ses Journées Portes Ouvertes (9-11 mai), l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI) a organisé une conférence-débat sur le thème « L’ANAPI face à l’entrepreneuriat des jeunes » à son siège de Kinshasa, le 9 mai dernier. Des élèves (Les Loupiots, collège John Mabuidi, CS Banza, etc.) ainsi que des étudiants venus des universités et instituts supérieurs (UCC, ISPL, UNIKIN, etc.) de la capitale ont pris part à cette conférence.
Cette dernière a été co-animée Pierre Kanika, le directeur de planification stratégique, et Adan Tumba, le directeur des ressources humaines. À tour de rôle, le premier s’est adressé aux écoliers tandis que le second aux étudiants, en insistant sur sept points essentiels. Après une brève présentation des notions générales, ils leur ont expliqué le concept d’entrepreneuriat et fait une brève présentation de l’ANAPI.
L’objectif de la communication, ont-ils dit, c’est d’« éveiller l’esprit ou l’instinct d’entrepreneuriat des jeunes ou chez les jeunes ». Comment ? Pierre Kanika et Adan Tumba ont indiqué aux jeunes qu’à chaque pensée correspond une vision. Pour ce faire, ils ont paraphrasé Paul Biya, le président camerounais, qui a dit : « Pas s’arrêter au diplôme pour réclamer ou exiger un emploi, mais se servir du diplôme pour créer des emplois. »
D’après eux, un diplôme n’est que « la somme des connaissances acquises durant un cursus (cycle scolaire ou universitaire) ». En d’autres termes, le contenu réel d’un diplôme, c’est la somme des connaissances théoriques et pratiques. En fait, ont-ils voulu démontrer, c’est la base de la création, car pour créer, il faut avoir la connaissance. Il s’opère donc une transmission des connaissances vers la création.
Pour cela, il faut identifier les facultés dont dispose l’enfant (aptitude, capacités physique, morale et intellectuelle), accompagner et encadrer ces aptitudes par l’apprentissage, puis les expérimenter et les confirmer. Enfin, exploiter ou créer en développant ou en mettant en valeur les connaissances acquises. Bref, ont-ils rappelé, la démarche consiste à « cultiver (ou éveiller) et accompagner l’esprit de création
À la question de savoir si un jeune peut être un entrepreneur, Pierre Kanika et Adan Tumba ont répondu par l’affirmative, du moment où il est doté des « aptitudes ou capacités pour transformer ses connaissances en une valeur réelle : un produit, une richesse… ». Selon eux, la valorisation des connaissances signifie donner ou ajouter une valeur à la connaissance théorique.
Comment entreprendre ?
S’inspirant de la définition Yvon Grasse qui entend par entrepreneuriat « un processus d’appropriation et de gestion des ressources humaines et matérielles dans le but de créer, de développer et d’implanter des solutions permettant de répondre aux besoins des individus ou des groupes » ou encore « un ensemble des activités qui concourent à la formation et à la croissance d’une entreprise dont la conséquence première est la création de valeur », les deux conférenciers ont dégagé deux mots-clés : l’appropriation (l’apprentissage) et la formation (transmission des connaissances et création d’entreprise).
Et de s’interroger avec les élèves et les étudiants : « Est-ce que nos écoles orientent nos enseignements vers la valorisation des connaissances pour que demain nous devenions des entrepreneurs ? Les enseignements qu’on nous dispense sont-ils théoriques simplement théoriques pour que nous ayons seulement des diplômes ? »
Pour l’ANAPI, il est de bon aloi que la démarche pédagogique soit désormais orientée vers l’apprentissage des jeunes à l’entrepreneuriat.
Cela devrait être « l’objectif même de la formation à donner aux jeunes », ont souligné Pierre Kanika et Adan Tumba. Cette démarche consiste d’abord à « apprendre à l’enfant à mieux se connaître (découvrir ses facultés) pour bien s’orienter dans ses études et dans sa vie professionnelles (ce qu’il est capable de faire, où il se sent apte). Ensuite, à lui faire découvrir les métiers (un savoir-faire pratique et concret) et à l’initier à la démarche d’entreprendre, réaliser, mettre en pratique ce savoir-faire à travers un projet.
À tout moment, ont-ils fait remarquer, il faut viser les compétences, en amenant l’enfant à être en mesure d’inscrire ses activités et tâches dans un carnet de bord, savoir exploiter ses modèles théoriques qu’il construit et transposer les résultats sur des situations concrètes (combinaisons possibles-montages). Bref, amener l’enfant (comment as-tu fait ? comment es-tu arrivé ?) à construire et fixer les images dans une perspective d’évolution professionnelle et d’un accroissement des compétences par un approfondissement.
Formation et recherche
Le concept d’entrepreneuriat n’aura tout sens que dans le contenu des formations. Celles-ci doivent viser « les compétences professionnelles (orientation vers le professionnalisme, la productivité et le concret), les types de métiers, l’emploi (action d’employer une chose), l’activité professionnelle (création, fabrication, production des œuvres et quelles œuvres). Tandis que la recherche devra être axée sur le développement des initiatives concrètes (prototypes concrets).
Quant aux modalités de mise en œuvre, l’écolier ou l’étudiant devra être mis dans des situations d’expérimentation et de construction par lui-même de sa propre connaissance. Ce qui conduit souvent à des innovations. Il faudra aussi organiser des séances de restitution en groupe pour enrichir les connaissances et les confronter; réaliser des entretiens individuels ou collectifs, des enquêtes, des exposés, etc.; organiser des manifestations et/ou concours pour enfants autour des exercices/apprentissages. Il faudra également identifier les différents exercices qui mènent à la fabrication d’un produit et faire le suivi des contacts avec les entreprises intéressées.