L’année 2020, à l’heure des bilans

Les compagnies aériennes sont drastiquement touchées par l’arrêt des échanges généré par les restrictions sanitaires liées à la crise du Covid-19. Mais l’impact aurait-il pu être moindre ?

LE SRAS, le volcan islandais, le 11 septembre, Ebola, la crise de 2008… Tous ces événements cités dans le désordre ont prouvé que les compagnies aériennes étaient des colosses aux pieds d’argile. De toute évidence, des leçons auraient dû être tirées, mais il est toujours plus facile de commenter, constater que de prévoir… Le mal est donc fait, il va durer et surtout, il va induire un changement majeur de stratégie de la part des transporteurs et de toute l’industrie aéronautique en général. 2021, 2025, 2030, même IATA parle de 2050 avec un trafic inférieur de 16 % aux prévisions établies avant crise. Bref, personne n’en sait rien et il serait hasardeux de faire des prévisions et d’affirmer que ces dernières sont fiables à 100 %.

Les piliers de l’industrie du transport aérien sont frappés par plusieurs révolutions synchrones. Le sanitaire, la technologie, le comportement humain et l’environnement qui tenaient le marché et qui vacillent sous les coups de boutoir des crises et changements de paradigme pousse l’industrie dans l’inconnu.

Ça va redémarrer fort !

Concernant les vols de confort (tourisme, visites familiales, évènements festifs…) et nonobstant les discours écolo ou la CSP concernée par le déplacement, il y aura rapidement une reprise. Une majorité de personnes voudront voyager et le feront en basant leurs choix et leurs décisions sur deux objectifs pivots : le prix et le coût du voyage. Le récent déconfinement l’a d’ailleurs montré. 

Le prix, car il reste l’objectif numéro un des consommateurs. Le Black Friday en est la preuve tout comme les bonnes intentions du consommer local qui au final s’envolent quand une plateforme Internet propose un produit ou un service identique à un prix inférieur. Le coût car le consommateur veut maîtriser son budget. Il est donc plus enclin à calculer le coût complet et à rechercher un forfait plutôt qu’un empilement de services.

Alors oui, entre la location d’une maison en Charente Maritime à plus de 1 000 euros la semaine sans tout ce qui va autour (repas, visites, péages, carburants…) ou bien un forfait tout compris à l’étranger à moins de 750 euros, le consommateur fera vite le choix et oubliera à coup sûr son impact sociétal et environnemental. Par contre, pour les déplacements professionnels…, il est illusoire de penser que toutes les sociétés vont mettre leurs voyageurs dans les classes avant et dans des hôtels 5 étoiles. Le coût du voyage restera un élément majeur, mais au-delà de tout, c’est la raison même de voyager qui dominera dans le choix des collaborateurs d’entreprise.

Dans un déplacement, la phase la plus pénible est le voyage et toutes les contraintes qui vont autour (demande de visa, pré/post acheminement, mobilité sur place, efficience, efficacité…). Le voyageur a appris à mieux évaluer le retour sur investissement d’un voyage. Mieux, les outils collaboratifs ont montré que la phase préparatoire d’une affaire peut très bien être faite à distance. Même les pays en voie de développement l’ont compris. Quant aux DAF, ils ont maintenant la preuve qu’il est possible de réduire les dépenses de voyage de 30 % sans pour autant affecter drastiquement les résultats de l’entreprise.

Le voyage en classe éco existera donc toujours, mais il est fort à parier que les collaborateurs réfléchiront à deux fois avant de déclencher un déplacement qui de toute façon sera encore plus pénible que dans la période d’avant crise à cause des protocoles sanitaires imposés, de la lourdeur desdits protocoles et de risques auxquels ils pensent s’exposer. Et les compagnies ? Quoi qu’il en soit, seules les compagnies ayant investi dans une flotte plus vertueuse et harmonisée s’en sortiront. Sur ce plan, la France est excellemment bien placée (et ce, sur tous les segments et avec toutes les compagnies). Le confort et le service devra être harmonisé et surtout standardisé (les compagnies asiatiques et du golfe Persique l’ont bien compris). 

Le CA en baisse de 60 %

« Une crise dévastatrice et implacable », c’est ainsi que Alexandre de Juniac, le directeur général de l’Association internationale des transports aériens (IATA), qualifie la crise du coronavirus. L’IATA, qui regroupe près de 300 compagnies aériennes, a refait ses comptes. En 2020, le chiffre d’affaires du secteur est en baisse de 60 %. Les compagnies aériennes ont beau avoir réduit leurs coûts d’1 milliard de dollars par jour en moyenne, cette année, explique l’IATA, cela ne suffit pas à compenser les pertes liées au Covid-19. L’organisation prévoit, sur l’année, près de 120 milliards de dollars de pertes nettes dans le secteur. Bien au-dessus des 85 milliards estimés en juin. 

Mais 2020 ne sera pas la seule année sinistrée pour les compagnies aériennes. L’an prochain, elles devraient encore accuser plus de 38 milliards de pertes nettes. Elles demandent donc une deuxième tranche d’aide pour résister à la crise. Par ailleurs, l’IATA place beaucoup d’espoir dans l’arrivée des vaccins. La compagnie australienne Qantas a même prévenu qu’elle exigerait que les passagers de ses vols internationaux soient vaccinés lorsque cela sera possible. L’IATA plaide aussi pour une généralisation des tests de dépistage avant tous les vols internationaux. Selon une étude qu’elle a réalisée, le risque de voir un passager contaminé à bord d’un avion serait alors de 0,06 %. Pour faciliter ces pratiques, l’IATA est en train de développer une application pour un passeport santé numérique. Il garantirait notamment l’authenticité du test de dépistage ou du certificat de vaccination.

Ouverture des frontières

L’IATA revoit encore ses estimations à la baisse. Preuve, une nouvelle fois, que la crise sans précédent qui touche le secteur est loin d’être dernière nous. Selon les dernières prévisions de l’IATA, l’industrie devrait accumuler 118,5 milliards de dollars de pertes nettes cette année (contre 84,3 milliards jusqu’ici) puis 38,7 milliards en 2021 (contre 15,8 milliards). Du côté du trafic, le nombre de passagers devrait chuter en 2020 à 1,8 milliard, contre 4,5 milliards l’année dernière, avant un rebond limité à 2,8 milliards l’année prochaine. Ce plongeon de l’activité se traduirait par des revenus de seulement 328 milliards de dollars cette année, contre 838 milliards en 2019.

Dans l’hypothèse d’une certaine ouverture des frontières d’ici la mi-2021 (soit grâce aux tests, soit grâce à la disponibilité croissante d’un vaccin), les recettes globales devraient atteindre 459 milliards de dollars en 2021 (soit 131 milliards de dollars de mieux qu’en 2020, mais encore 45 % de moins qu’en 2019). En comparaison, les coûts ne devraient augmenter que de 61 milliards de dollars, ce qui représenterait une amélioration globale des performances financières. Les compagnies aériennes perdront cependant encore 13,78 dollars par passager transporté. D’ici à la fin de 2021, des recettes plus importantes amélioreront la situation, mais le premier semestre de l’année prochaine s’annonce encore extrêmement difficile.

« Cette crise est dévastatrice et implacable. Les compagnies aériennes ont réduit leurs coûts de 45,8 %, mais les recettes ont diminué de 60,9 %. Le résultat est que les compagnies aériennes perdront 66 dollars pour chaque passager transporté cette année, soit une perte nette totale de 118,5 milliards de dollars. Cette perte sera fortement réduite de 80 milliards de dollars en 2021. Mais la perspective de perdre 38,7 milliards de dollars l’année prochaine n’a rien de réjouissant. Nous devons rouvrir les frontières en toute sécurité et sans quarantaine pour que les gens puissent à nouveau prendre l’avion. Et comme les compagnies aériennes devraient perdre de l’argent au moins jusqu’au quatrième trimestre 2021, il n’y a pas de temps à perdre », a déclaré Alexandre de Juniac, PDG de l’IATA.