SUR LE FRONT des fusions-acquisitions, 2019 a été riche en événements stratégiques sous le coup de boutoir du relèvement de capital minimum (3 milliards de Francs CFA depuis mai 2019 et 5 milliards à partir de 2021) décidé par le gendarme de la zone de la Conférence interafricaine des marchés de l’assurance (CIMA). Dans cette phase de transition caractérisée par le rationnement des capitaux, le groupe Ogar a soldé sa présence en Afrique de l’Ouest où il avait racheté les activités de Fedas. Opération mal calibrée, défaut de due diligence?
Toujours est-il que cinq ans après l’annonce de cette prise de contrôle (intervenue en 2015), le groupe gabonais met un terme à sa présence au Togo, sa toute dernière filiale sur cette partie du continent, fermée à la mi-décembre 2019, à la suite des filiales du Bénin et de la Côte d’Ivoire. Le groupe Ogar qui avait aussi connu une mésaventure au Cameroun dans le rachat de Chanas Assurances (laquelle est toujours confrontée à un vieux conflit entre ses actionnaires) revient sur ses bases gabonaises, le temps de se muscler et de sortir une stratégie d’ensemble.
C’est le sens qu’il faut donner en tout cas à l’ouverture du capital de Ogar à hauteur de 22 % au profit de la compagnie sénégalaise Amsa Assurances, choisie en lieu et place de la marocaine Wafa Assurance. Cette dernière, leader du marché marocain, se console avec la prise de contrôle de 65 % de Pro Assur SA, opérant dans la non-vie au Cameroun, premier marché d’assurance de la zone CEMAC. Wafa Assurance dispose désormais de solides relais dans les trois premiers marchés de la CIMA (Côte d’Ivoire, Cameroun et Sénégal).
Dans le même temps, l’autre leader du marché marocain, la RMA, filiale de BMCE Bank Of Africa, a mis en berne ses ambitions dans la prise de contrôle de Belife Insurance. Au terme de longues fiançailles annoncées depuis 2014, la plus américaine des compagnies d’assurance du Cameroun, dirigée par Eddie-Ford Brown, échappe au groupe marocain pour tomber dans l’escarcelle de la britannique Prudential. Belife Insurance dispose de quatre filiales en Côte d’Ivoire (Belife Insurance), au Cameroun (Beneficial Life Insurance, Beneficial General Insurance) et au Togo (Beneficial Life Insurance) qui répondront désormais au nom de Prudential Belife.
Les multinationales en repli
Le géant anglais Prudential se renforce ainsi sur le continent africain avec une présence étendue désormais à 8 pays. L’optimisme britannique contraste avec la frilosité du groupe allemand, Allianz, qui a revendu (opération bouclée en décembre 2019) cinq filiales au groupe panafricain Sunu. Tous les regards sont désormais rivés sur le groupe français Axa et ses cinq filiales en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Gabon et au Cameroun, qui ne font pas partie des trois filiales jugées stratégiques (Nigeria, Egypte et Maroc).
Pour sa part, le sud-africain Sanlam avance ses pions sur les traces du groupe marocain Saham sans avoir donné de la visibilité sur ses intentions en zone CIMA, montrant par contre de l’appétit en Afrique de l’Est avec l’aboutissement, en 2019, du processus de reprise de la compagnie d’assurance rwandaise Soras Insurance General Ltd qui exercera désormais ses activités sous la marque Sanlam. Sanlam regarde aussi du côté de l’Ethiopie où une acquisition pourrait être annoncée au courant de cette année. Derrière l’effervescence des nouveaux arrivants, les anciens ténors de la zone CIMA jouent la défensive. L’avenir de la multinationale Axa s’écrit en pointillés tant les différents managers qui se sont succédé à la passerelle ces dernières années ont donné l’impression de préparer plutôt le désengagement.
Les majors panafricains en transition
Au contraire du pionnier Claude Bébéar qui avait donné au groupe une identité et une certaine chaleur, les nouveaux dirigeants d’Axa travaillent par algorithme, power points et objectifs de rentabilité à lesquels les filiales subsahariennes ne souscrivent pas entièrement. Le DG d’Axa Africa Holdings et directeur du développement stratégique pour l’Afrique, Hassan el-Shabrawishi, n’arrive pas encore à faire oublier ses illustres prédécesseurs.
Le repli des multinationales occidentales s’est fait au détriment des compagnies africaines. Cas de Sunu, leader de l’assurance-vie en zone CIMA, inscrite ces dernières années dans une diversification perceptible vers la branche IARDT et la banque (acquisition au Togo). Une stratégie similaire à celle de NSIA qui a quitté ses vertes prairies de l’assurance il y a plus de cinq ans pour la banque avec des hauts et des bas. L’alliance avec la Banque Nationale du Canada (BNC) et le fonds Amethis, conclue en 2015 pour une participation dans NSIA Participations, montrerait des fissures même si le groupe ivoirien a démenti tout départ des partenaires canadiens.
Les précisions du groupe ivoirien, apportées en octobre 2019, par un communiqué diffusé sur le site financialafrik.com, se veulent pour le moins claires. « À ce stade, il est utile de rappeler que BNC a pris part à l’augmentation de capital de NSIA Participations, décidée par l’Assemblée Générale Extraordinaire du 8 avril 2019 ». Au terme de cette opération, la participation de BNC au capital de NSIA Participations est passée de 21,67 % à 22,06 %. Cette augmentation de capital, qui a porté sur un montant de trente milliards, traduit l’engagement des actionnaires à poursuivre la consolidation des acquis du Groupe NSIA en vue de favoriser sa croissance rentable sur le long terme, conformément à son ambition de devenir à l’horizon 2023, le groupe financier africain de référence, leader dans chacun de ses métiers dans chaque pays.
Pour rappel, la Banque Nationale du Canada (BNC) avait, peu auparavant, émis le souhait de vendre ses investissements dans NSIA Bank et dans AfrAsia Bank à court ou à moyen terme. L’établissement entend céder 20,9 % de ses parts dans NSIA Banque via la holding NSIA Participations. En attendant, Jean-Kacou Diagou qui avait racheté Diamond Bank (présent en Côte d’Ivoire, Bénin, Togo et Sénégal) en 2017 pour 61 millions d’euros via sa structure Manzi Finance SA, en partenariat avec Swiss Ré (recalé lors de la vente du bloc NSIA Banque au profit de la BNC) doit trouver le moyen de concilier tous ses partenaires et, partant, de rester majoritaire. Ce n’est pas gagné au vu des difficultés conjoncturelles que traverserait le groupe revigoré par une récente injection de 30 milliards de Francs CFA apportée par le fondateur.
RDC, marché majeur
Plus prudent, dans les alliances, un autre groupe africain poursuit son ascension. Avec la SFI et Proparco dans son tour de table depuis septembre 2016, Activa a démarré ses activités en RDC, marché majeur de 60 millions d’habitants, et en Côte d’Ivoire, leader de la zone CIMA, sous la direction de Diarassouba Baba, et a obtenu un agrément en Ouganda. L’année 2019 aurait pris une autre tournure pour la compagnie de Richard Lowé si elle était assureur de la Sonara, raffinerie camerounaise, qui a pris feu, le 31 mai, soit un jour et quelques heures après la fin de la validité de la police d’assurance non renouvelée la liant à Activa.
Les dégâts du sinistre s’élevaient à 287 milliards de dollars, ce qui aurait mis toute compagnie à genoux. Activa l’a échappé belle sous réserve des enquêtes, expertises et contre-expertise en cours auprès du réassureur Swiss Ré. En tout cas, la raffinerie camerounaise, non assurée lors de l’incendie, compte depuis octobre 2019, trois assureurs au terme d’un appel d’offres qui a écarté Activa.