Investissements massifs: l’Arabie saoudite, un bon filon à exploiter pour la RDC.

L’heure du réveil semble avoir sonné pour la monarchie pétrolière. Tout le monde en parle… Le royaume wahhabite du Golfe veut acheter le monde, son prince héritier de 38 ans rêve de faire de son pays un géant diplomatique et économique. Faut-il s’inquiéter de cette vision politique ? Ou faut-il voir de bon œil son influence financière grandissante dans le monde ? Que cache réellement cette stratégie de montée en puissance tous azimuts ?

l'Arabie saoudite qui possède des centaines de milliards de dollars d'excédents budgétaires, veut diversifier son économie et ses revenus en investissant massivement dans divers secteurs dont les mines.

RONALDO, Benzema, Neymar, Sadio Mané… Le football mondial bascule peu à peu dans les mains des Saoudiens. Ils ont réussi à convaincre les meilleurs joueurs du monde évoluant dans les championnats européens à rejoindre le leur. Si la Saudi Pro League offre des contrats lucratifs, cette stratégie pose également des questions cruciales pour l’avenir du football européen. 

Montée en puissance

L’Arabie saoudite fait peur. La polémique enfle. Pour les uns, les investissements massifs de l’Arabie saoudite, notamment dans le football, ont pour objectif de remettre inévitablement en cause la domination de l’Europe et de rivaliser avec elle en termes de prestige et d’attraction pour les joueurs et les spectateurs.  

Selon les informations révélées par le média allemand Bild, tant du côté de l’Union européenne de football association/UEFA que du côté de l’Association européenne des clubs, on se mobilise pour contrer cette montée en puissance de l’Arabie saoudite dans le paysage du football mondial. « C’est un coup de com de Riyad qui masque mal son échec à diversifier son économie », entend-on dire.  

Pour les autres, ce qui se fait avec le football n’est que le reflet de la mise en œuvre d’une vision politique tous azimuts, dénommée « Vision 2030 », sous la houlette d’un jeune prince héritier, Mohammed Ben Salmane, surnommé « MBS », qui rêve de faire de son pays une grande puissance, tout court.

Cette stratégie de puissance suscite des interrogations cruciales pour la marche du monde et son avenir. Comment se présentera le monde dans les trente-cinquante ans à venir ? « L’argent est dans les pétromonarchies du Golfe persique, particulièrement en Arabie Saoudite », laisse entendre un banquier d’affaires. Pas étonnant que beaucoup de dirigeants politiques et d’hommes d’affaires commencent à en prendre conscience. Ils se rendent à Riyad, la capitale du royaume saoudien, pour rencontrer le prince héritier MBS en personne, qui se réserve habituellement pour les chefs d’État, ainsi que les différents ministres.

Tous y vont pour jouer les VRP (représentants de commerce) de luxe, martelant que leurs pays sont les meilleures places ou destinations pour investir. Comme on peut l’observer, il y a actuellement une forte attractivité des investissements saoudiens dans le monde.

Nouveaux découpages

En effet, l’ordre mondial est en train de changer de réalité, sans pouvoir central pour les Occidentaux (Europe et États-Unis). On le voit déjà, la politique devient très largement locale, tandis que le marché, lui, devient de plus en plus mondial. Dans les trente ans à venir, les entreprises ne se reconnaîtront plus d’aucune nationalité, parient des analystes avisés. 

La société mondiale, devenue une forme marchande unique et toute-puissante, sera extrêmement instable et deviendra un ensemble de processus sans sujets. Et des pays émergents pourront, à coup sûr, constituer un futur cœur du monde de demain. Selon des spécialistes de la région du Moyen-Orient, la lucidité de la stratégie de puissance de l’Arabie saoudite commande déjà de diversifier les partenariats diplomatiques, économiques, culturels, sociaux, etc.

Les mêmes analystes entrevoient, entre autres, un cœur du monde (centre d’impulsion) au Moyen-Orient, de l’Éthiopie à l’Iran, autour d’Israël et de l’Arabie saoudite. Et ce n’est pas anodin quand le chef de la diplomatie américaine, le secrétaire d’État Antony Blinken, déclare dans une interview avec la chaîne ABC : « Réussir un rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël aurait un effet puissant sur la stabilisation de la région, sur l’intégration de la région, sur le fait de rassembler les peuples ». En tout cas, avec une population estimée à 500 millions d’habitants et des ressources importantes, le Moyen-Orient va devenir certainement une superpuissance, avec en tête l’Arabie saoudite.

Aujourd’hui, le monde se fragmente davantage, chaque État devient acteur plus ou moins autonome de la politique internationale, agit en fonction de ce qui est considéré comme les intérêts de l’État, d’abord dans son environnement immédiat, régional, mais aussi dans des secteurs plus vastes. Le monde est dans le chaos, menacé par plusieurs défis qui commandent de replacer le système des relations internationales dans un cadre théorique aussi vaste que possible, dans le temps, dans la géographie et dans l’Histoire. Et pour y parvenir, commencer par se poser la question : comment doit-on se préparer pour l’avenir ?

Cette nouvelle réalité implacable est particulièrement vraie pour un pays comme l’Arabie saoudite, qui s’est projeté, depuis 2016, sous les feux de l’actualité à travers sa « Vision 2030 » pilotée des mains de maître par le prince héritier, féru de modernité. Certes, depuis plusieurs années, on connaissait le rôle du royaume saoudien dans le domaine du pétrole, mais, aujourd’hui, on lui reconnaît une stratégie économique de plus en plus agressive à travers des investissements massifs à l’intérieur comme à l’extérieur. Du moins, on observe que l’Arabie saoudite se mobilise clairement à travers une diplomatie économique mondiale d’une puissance et d’une agressivité inédites.

Le bras financier

En ce sens, le Fonds Public d’Investissement d’Arabie saoudite (Public Investment Fund/PIF) en est le fer de lance. Pesant plus de 750 milliards de dollars d’actifs, le PIF constitue, de facto, le véritable bras financier de la pétromonarchie et sert souvent à piloter cette stratégie économique dans le monde. Le fonds assure une visibilité à l’extérieur par des opérations en capitaux de montants élevés et de forts impacts, au moyen de prêts, de prise de participation et de garanties dans des industries aussi variées que le sport, l’aérospatiale, les énergies renouvelables et plus récemment les ressources naturelles.

Dans le cadre de la diversification de son économie ultra dépendante du pétrole, l’Arabie saoudite promeut les partenariats stratégiques et les investissements économiques. Mais ceux-ci sont encore moins apparents notamment en Afrique, par manque d’informations à la source. Pourtant, l’Afrique qui doit affronter les grands défis de développement, notamment la création de richesse, a besoin d’investissements massifs…

Pour rappel, le continent africain et la péninsule arabique sont liés par un long passé commun. Compte tenu de sa situation géographique limitrophe de l’Afrique, et de leurs liens historiques, les relations principales du royaume saoudien ont toujours été tournées vers l’Afrique. Depuis les années 1970, l’Arabie saoudite renforce ses relations politiques et économiques avec les pays africains, et avec une trentaine d’ambassades, sa diplomatie couvre la plus grande part du continent africain.

Les fonds et les organismes saoudiens de développement sont tous présents dans presque tous les pays africains, avec beaucoup d’activités dans les domaines des financements et investissements. Aussi, le dynamisme actuel de la diplomatie saoudienne préfigure-t-il un accroissement de l’action économique de la pétromonarchie en Afrique, en phase avec la « Vision 2030 », référence de la stratégie de modernisation et de diversification de l’économie du pays.

Opportunité pour la RDC

Au vu de cette réalité, il n’est pas normal qu’un pays comme la République démocratique du Congo, possédant d’immenses ressources naturelles, ne pense pas à se tourner vers l’Arabie saoudite pour les mettre en valeur, au lieu de demeurer, comme c’est souvent le cas, sous le diktat du Fonds monétaire international/FMI et de la Banque mondiale, ainsi que d’autres institutions financières internationales.

Depuis des décennies, les institutions internationales de financement n’ont résolu aucune crise, qu’elle qu’en soit économique, sociale, financière, sanitaire ou écologique, ni développé un pays. Jacques Attali souligne : « On n’a fait qu’augmenter la charge des dépenses nécessaires pour maintenir les pays pauvres en état de marche, en roulant devant eux une boule de dettes de plus en plus grosse. Les conséquences en sont depuis très longtemps prévisibles : des dettes, publiques comme privées, de plus en plus énormes, devant supporter des charges d’intérêts de plus en plus élevées, jusqu’à rendre insolvables les États, les entreprises, les ménages les plus endettées. »

Le nouvel ordre mondial qui se met en place, est la conséquence du nouveau découpage de la planète en plusieurs blocs rivaux et en tout cas opposés en tout : économie, culture, démographie, idéologie, géostratégie. Elle enterre le concept de « communauté internationale » au nom duquel l’Europe de l’Ouest et son appendice nord-américain ont régenté le monde au cours des deux siècles précédents.

Depuis longtemps, les principales puissances économiques de la planète se réunissent pour échanger librement sur les affaires du vaste monde. Ces réunions du G7 puis G20 font figure de boussole pour un Occident de plus en plus désemparé par un monde en voie de lui échapper.

Dans un monde qui devient de plus en plus multipolaire, les partenariats avec les pays arabes, en particuliers avec l’Arabie saoudite, représentent un des axes à optimiser. Sauf que, et de l’avis de nombreux spécialistes du monde arabe, certaines puissances mondiales font en sorte de fragiliser l’appel à la coopération avec ces pays. On comprend qu’elles craignent une perte d’influence dans le monde.

Dans un monde de plus en plus régi par les fronts et les nouvelles coalitions, un monde où l’Asie de l’Est, l’Asie du Sud, l’Amérique latine exercent de nouvelles influences géopolitiques et économiques, les pays africains doivent, eux aussi, trouver leur propre voie vers le développement économique. Ils doivent garantir la sécurité énergétique et alimentaire, en ayant dans le viseur les pays qui peuvent leur apporter des investissements massifs.

Ils ont intérêt à renforcer leurs relations économiques avec l’Arabie saoudite. La nouvelle diplomatie opportuniste de MBS a pris un virage vers l’Asie. Par exemple, le Vietnam apprécie les relations de coopération avec l’Arabie saoudite dans tous les domaines, allant de la diplomatie à l’économie, le commerce et l’investissement, en passant par les échanges entre les peuples, pour la paix, la stabilité, la coopération et le développement dans les deux régions et dans le monde.

Les puissances les plus ambitieuses du Moyen-Orient, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, aspirent à devenir des acteurs importants sur la scène économique mondiale. Sans la sécurité, ces pays ne peuvent développer le secteur des services, attirer des investissements et devenir un pôle économique régional. Cette vision s’impose d’autant plus que le Moyen-Orient a repoussé ses frontières économiques au-delà du cadre de la sécurité, plus limité dans l’esprit de nombreux observateurs occidentaux. Les liens économiques et culturels relient l’Asie centrale et le Caucase, la Corne de l’Afrique et l’Asie du Sud à ce qui était traditionnellement considéré comme la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. L’Inde est aujourd’hui le premier partenaire commercial des Émirats arabes unis. La Chine et l’Asie de l’Est jouent un rôle important dans la concrétisation de cette vision économique ascendante.