L’automédication pour échapper au coût élevé des examens médicaux

Cette pratique est monnaie courante en RDC. Pourtant, des médecins affirment que les risques encourus sont énormes. Bon nombre de congolais ne se font pas consulter à l’hôpital par insuffisance des moyens financiers. 

 

La prise incontrôlée des antibiotiques rend certains microbes résistants. (Photo DR)
La prise incontrôlée des antibiotiques rend certains microbes résistants. (Photo DR)

L’accès aux soins en République démocratique du Congo, est une préoccupation pour les populations. Longtemps appréhendé sous le prisme de la distance géographique, l’échec visible des politiques sanitaires, qui visent à favoriser la réduction des distances entre les structures et la population, a mis, en évidence, la multiplicité des causes d’une faible fréquentation des hôpitaux, dont l’obstacle majeur reste le coût des soins et des médicaments prescrits. Bon nombre de congolais lambda recourent à l’automédication, pour échapper au coût des examens médicaux. Certains affirment que les frais de consultation médicale nécessitent souvent des dépenses énormes qu’ils n’arrivent pas à honorer.

« J’ai tendance à acheter des produits selon que les symptômes qui se présentent. Quand je n’ai pas d’argent pour me faire examiner, je demande conseil à ceux qui peuvent m’aider à identifier la maladie par l’explication de ses symptômes », déclare un jeune homme à Bandalungwa. Pour Lydie Kaseya, une jeune dame croisée à la pharmacie et qui avoue ne pas aller à l’hôpital quand elle a des douleurs « surmontables », son remède est simple : « une aspirine pour les céphalées et un paracétamol pour toutes sortes de migraines ». Une pratique dangereuse, d’après les spécialistes en pharmacie. Selon le pharmacien Mputu Malolo, chef des travaux à la faculté de Pharmacie à l’Université de Kinshasa (UNIKIN), il y a quatre facteurs qui favorisent l’automédication au pays : la pauvreté caractérisée de la population, qui ne trouve pas d’argent pour se faire consulter par un médecin, le développement de la publicité, souvent mal contrôlée et qui crée une surinformation, la recherche effrénée du plaisir et, enfin, la culture du beau et du gras qui pousse des hommes et des femmes à prendre des médicaments pour brunir la peau ou pour grossir. Certains jeunes congolais, dit-il, recourent aussi à l’application des médicaments psychotropes qu’ils se procurent sans ordonnance dans les pharmacies.

Pour lui, beaucoup de ces « pharmacies » sont tenues à Kinshasa par des personnes non qualifiées. « Il suffit seulement de savoir lire et écrire «, pour en tenir une, a-t-il indiqué. Ce manque de qualification est aussi un élément, qui ne facilite pas la tâche aux malades.

Se soigner sans avis médical peut entraîner des graves complications de la santé chez le patient, quand les médicaments ne sont pas adaptés à sa maladie, rajoute Rosy M’vumbi, médecin stagiaire à l’hôpital général de référence de Kinshasa. C’est simplement « dépenser de l’argent pour des médicaments dont on n’est pas sûr qu’ils vont guérir le malade », a-t-il ajouté. Le docteur Baabo, qui explique que l’automédication n’est pas complètement une mauvaise chose, note ceci : « si, pour combattre la fièvre, la prise sans ordonnance d’une aspirine peut être tolérée, c’est plus dangereux, quand il s’agit d’une pathologie qui requiert un examen, par un médecin qualifié, qui peut décider du traitement le plus approprié ».

Des inconvénients 

Chez certains patients, rencontrer un médecin n’est pas toujours synonyme d’arriver au bout du traitement. Les frais exigés ne vont guère le permettre. Le prix fixé à chaque échéance du traitement pousse le malade à arrêter les soins. Tout commence par l’établissement de la fiche dont le coût avoisine 20.000 francs, si pas plus.

Si, pour combattre la fièvre, la prise sans ordonnance d’une aspirine peut être tolérée, c’est plus dangereux, quand il s’agit d’une pathologie, qui requiert un examen, par un médecin qualifié, qui décide du traitement le plus approprié.

Docteur Baabo

Les frais prévus pour la consultation médicale varient d’un médecin à un autre ou d’un centre hospitalier à un autre. A l’hôpital général de référence de Kinshasa, ils sont fixés à 17.000 francs. L’hôpital du Cinquantenaire inauguré il y a quelques mois, demande aux malades de débourser entre 20.000 et 25.000 francs pour la consultation médicale. Aux cliniques universitaires de Kinshasa, ces frais s’élèvent à 15.000 francs. Viennent ensuite des examens au laboratoire qui ne sont pas gratuits. Leur coût caracole autour de 10.000 francs, selon les cas.

L’ultime phase de traitement de la maladie implique aussi l’achat des produits pharmaceutiques dont les prix sont souvent élevés. Le contrôle ou le suivi, par le médecin traitant qui exige toujours de payer les frais de consultation avant de le rencontrer, n’allège pas la tâche aux malades. Toutes ces étapes, difficiles à franchir, amènent certains patients à rompre le “contrat’’ avec leur médecin traitant afin de poursuivre les soins médicaux ailleurs, généralement chez les tradipraticiens. Si tel n’est pas le cas, ils appliquent des médicaments, sans un avis du médecin ou du pharmacien.

L’automédication, qui s’explique comme étant la prise de médicament sans avis du médecin, se fait sous l’initiative du consommateur, à l’exclusion de la médication officinale, qui est une proposition du pharmacien. Cette pratique ne fait pas toujours l’unanimité chez les corps médicaux. Elle ne prend pas en compte, d’une part, certaines allergies connues, et, de l’autre, au cours d’une consultation médicale, le fait d’oublier de mentionner au médecin qu’on a déjà pris certains médicaments, peut provoquer un diagnostic erroné. Cela peut, en effet, retarder certains symptômes et, surtout, fausser l’interprétation des résultats biologiques. Des inconvénients sont légions. La prise incontrôlée des antibiotiques peut rendre certains microbes résistants aux produits.