Le body positive accusé de légitimer l’obésité et la malbouff

Minces ou rondes, grandes ou petites, une centaine de femmes mannequins, âgées de 18 à 65 ans, ont défilé aux côtés des mannequins du sexe opposé, dimanche 15 septembre à Paris, près du centre Pompidou pour promouvoir leur mouvement.

INSPIRÉE par les militantes américaines, Georgia Stein se bat pour ces nombreuses femmes qui « font de grosses dépressions et sont malheureuses pendant toute leur vie, parce qu’elles pensent qu’elles ne sont pas normales ». Devant la fontaine Stravinsky, des robes noires identiques ont défilé, symbolisant l’uniformisation imposée par l’industrie de la mode, jusqu’au moment où les mannequins les ont laissé tomber révélant des corps vêtus de lingeries sexy. Elles ont été acclamées et applaudies par plusieurs centaines de badauds, touristes ou proches venus les soutenir. Des hommes en sous-vêtements, loin, eux aussi, des canons habituels, ont clos le défilé.

Dénoncer le culte de la minceur. « Tout le monde a besoin de ce mouvement! », a déclaré à l’AFP Georgia Stein, le mannequin « grande taille » de 33 ans, initiatrice des défilés « body positive » à Paris. 

Refuser de maigrir

C’était le troisième organisé depuis 2018 pour dénoncer le culte de la minceur qui, selon cette hôtesse de l’air franco-allemande, fait souffrir énormément des femmes qui ne se trouvent pas « normales » dans une France plutôt mince réticente aux rondeurs. Des mannequins de toutes les couleurs de peau et toutes les morphologies, mesurant de 1,45 mètre à 1,85 mètre, ont défilé. La plus âgée avait 65 ans. « Nous avons une diversité de dingue », a déclaré le mannequin. 

Georgia Stein, passée de la taille 36 à la taille 44, reconnaît qu’elle « aurait pu maigrir en faisant du sport » mais refuse de le faire. Elle se dit en « parfaite santé » et « très à l’aise dans son corps » qui l’a amenée au mannequinat. « Au début, c’était compliqué d’assumer un nouveau corps, le ventre, les cuisses, les fesses, la poitrine. J’ai dû changer mon style vestimentaire et, en quelque sorte, mon identité. Mais je suis une personne assez forte, exubérante, je m’y suis faite très vite », raconte-t-elle.

Et de souligner : « En France, étant donné que la population est plus mince qu’aux États-Unis, la mentalité et la tolérance face au surpoids sont totalement différentes. Aux États-Unis, il est courant de voir une femme de taille 50 porter une robe moulante avec des talons, un décolleté. Ici vous ne verrez jamais cela. » Par conséquent, il y a peu de mannequins professionnels de grande taille en France et les rares marques françaises qui collaborent avec les rondes font appel aux étrangères, souligne Georgia Stein. Cependant les lignes commencent à bouger: des femmes à courbes avec des imperfections vous sourient en France dans les publicités de lingerie. « Il y a plusieurs marques qui ont changé leur stratégie marketing et ont plus de diversité (…) 

Certaines ont fait de la récupération par rapport à ce mouvement, qui est tendance en ce moment (…), elles disent vouloir habiller toutes les femmes, mais en fait leur lingerie s’arrête » à une taille relativement petite, souligne Georgia Stein. « Néanmoins, je trouve cela important, il y a une évolution. Tout ne peut se faire du jour au lendemain, il faut attendre, c’est comme dans tous les combats qui ont été menés », ajoute-t-elle. 

Si au début le « body positive » était « pour les gens en surpoids », de plus en plus de personnes s’y retrouvent, assure Georgia Stein. « Dans les réseaux sociaux, on nous critique, on dit qu’on motive l’obésité, entraîne la fainéantise, la malbouffe… 

Toutes ont de la valeur

Ces gens-là restent concentrés sur un cas de figure parmi mille : il y a aussi des maladies, des hormones, des grossesses, des dépressions, des traitements qui peuvent agir sur le poids », souligne-t-elle. 

Pour les hôtesses de l’air, « les standards, c’est fini », se félicite Georgia Stein mais ceux-ci pèsent dans d’autres domaines. « Une comédienne taille 44 me disait qu’elle a beaucoup moins de chance d’avoir des rôles. Chez les hommes, il y a toutes les morphologies, des calvities, des ventres, des barbes, alors que les femmes sont toutes identiques et minces. Même dans les films américains, il n’y a pas beaucoup d’actrices en surpoids », déplore Georgia Stein. « Cette définition de la beauté a été cultivée pendant des générations entières, cela a fait énormément de mal, on le ressent, surtout chez les adolescentes. Il est important d’en parler. C’est comme les féminicides – cela existe depuis toujours mais on en parle maintenant, parce que cela suffit », conclut-elle.

Le concept body positive (corps positif) vient des réseaux sociaux. L’essence même du mouvement ? « Toutes les physionomies ont de la valeur. Il n’existe pas de bonne ou de mauvaise morphologie ». Il ne s’agit pas de décrier les femmes minces au profit des femmes grosses : le principe n’est pas de changer son idée de la perfection mais plutôt de comprendre que la perfection… peut prendre toutes les formes ! L’envie des femmes qui suivent le mouvement body-posi, c’est de faire entendre la voix des personnes qui n’ont pas un corps dans la norme représentée par notre société actuelle. Elles ont raison : plus la diversité est affichée… plus elle sera célébrée. L’idée ? Partager des photos de soi sans chercher à masquer ses petits défauts mais – bien au contraire- vouloir les sublimer.