Kinshasa et les autres grandes villes de la RDC sont envahies par de grandes constructions. Des bâtiments en hauteur surtout dans la capitale qui poussent dans tous les coins de la ville. On parle tout de suite du boom immobilier. Mais comment ces Immeubles ou ces édifices sont construits, selon quelles normes et sont-ils (appartements) accessibles aux classes moyennes ? Autant des questions que Business et Finances a posées à un expert, l’architecte Christophe Tshimanga, également Directeur Général de la société Immobilière Kinoise, IMMOKIN Sprl. D’emblée, l’architecte affirme que dans ce domaine comme dans d’autres, « nous n’allons pas réinventer la roue ».
Car souligne-t-il, « les mécanismes et processus qui conduisent à un développement du tissu urbain de façon équilibrée et harmonieuse sont bien établis et élaborés dans des canevas ayant valeur internationale ». Pour l’architecte Christophe Tshimanga, le non respect de ces processus conduit inévitablement à des désarticulations donnant une image d’une ville monstrueuse au lieu d’une ville ravissante et attractive. C’est le cas, dit-il de Kinshasa où l’on constate une croissance du tissu urbain fortement déséquilibré et non intégré.
Alors pour l’architecte, cela donne l’impression d’improvisation, de non respect des textes légaux et règlementaires en matière d’urbanisme. Ce déséquilibre et ce non respect des textes se caractérisent par des constructions faites au mépris des règles sur le recul par rapport au front de rue ou d’avenue, surtout sur les axes principaux, le non respect des reculs par rapport à l’axe de mitoyenneté entre voisin, le non respect du gabarit en hauteur,
l’occupation des trottoirs ( rues, avenues et autres espaces publics au mépris de la loi qui dispose que l’espace et la voie publiques sont inviolables quelles que soient les circonstances), l’ignorance quasi totale de l’incompatibilité d’activité par la non prise en compte des enquêtes commodo et incommodo.
Il y a aussi l’implantation d’activité bruyante diffusant des décibels troublant la jouissance de tous les habitants sur des rayons considérables et l’implantations des kiosques, briqueteries, garages, commerces, etc…. sur les bernes , ronds-points, etc……
Alors question, où se trouvent les autorités politico-administratives celles là mêmes qui disposent du pouvoir et des moyens de coercition pour lutter et éradiquer ce que l’architecte appelle « les maladies urbaines qui ont transformé la ville en un désordre chaotique ».
Christophe Tshimanga est d’avis que « le manque d’harmonie et l’anarchie qui caractérisent notre ville sont la cause de beaucoup de maladies et de phénomènes urbains d’agressivité, d’insécurité, en général de mal vivre ».
Boom immobilier ou illusion ?
Au regard du tableau peint par l’architecte, il va sans dire que le boom immobilier qui s’observe dans la ville est une illusion de développement, note-t-il. Il s’agit pour cet expert, dans certains cas, de grands investissements qui n’ont aucune capacité d’avoir un effet d’entrainement dans leur environnement immédiat car n’étant pas insérés dans un plan d’ensemble de développement. « Ils apparaissent comme une excroissance sur un organisme qui est un étranger dans un ensemble avec lequel il n’y a aucune interaction.
Ces ouvrages qui sont parfois de grande beauté architecturale n’ont malheureusement en terme de développement intégré aucun impact positif dans le milieu où ils sont implantés », fait remarquer l’architecte Christophe Tshimanga. Il évoque des normes édictées par le Fonds monétaire internationale, FMI et la Banque Mondiale, BM qui recommandent en terme de développement urbain « que les villes se développent sur la base d’études menées par des équipes pluridisciplinaires en vue de prendre en compte tous les besoins des populations et proposer dans des perspectives à court, moyen et long terme des actions qui soient bien intégrées et qui puissent s’inscrire dans le temps de façon harmonieuse et se compléter afin d’arriver à un résultat final qui soit équilibré et qui contienne des facteurs favorables à l’émancipation des population et la relance de l’économie par une bonne intégration des énergies ».
Concrètement, les institutions internationales recommandent d’élaborer au préalable des schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) ainsi que des plans particuliers d’aménagment (PPA) qui présentent l’avantage d’un cadrage en amont pour éviter des déperditions énergétiques et garantissent en amont des ensembles viables.
Pour lui « ces plans ne doivent pas simplement décorer les bureaux des autorités, ils doivent avoir force contraignante. Ils doivent être opposables à tous. » Ces mêmes institutions, poursuit-il, accordent une place prépondérante dans le cadre des lotissements ou de création des villes à la VIABILISATION des sites qui doit être le préalable obligatoire avant de se lancer dans les constructions. « La viabilisation est la mise conformité des sites par le tracé et l’exécution des infrastructures, à savoir les voiries réseaux et divers ( VRD ).
Etant donné notre climatologie faite de huit mois de saison pluvieuse et quatre mois de saison sèche , il faut gérer les eaux de pluies qui sont le plus grand ennemi des constructions », renseigne l’architecte avant d’indiquer qu’il faut donc les caniveaux, les routes voies d’accès , les drainages, l’amenée de l’énergie (eau et électricité) et des communications ainsi que des édifices communautaires de base ( écoles, foyers sociaux, lieux de culte, marchés, commerces, centres de santé, lieux de sport et loisirs, etc.) Ainsi donc, souligne Christophe Tshimanga, « c’est le respect de ces exigences qui vont favoriser un boom immobilier rentable et utile à la population. La population qui est constituée de plusieurs catégories sociales qui toutes doivent être prises en compte et trouver leur compte dans l’immobilier qui se développe.
L’Etat pouvoir public a donc un rôle régulateur important à jouer afin de sécuriser toutes les catégories sociales dans la problématique du logement qui est actuellement trop sélective ». Et à en croire l’architecte Tshimanga, « le boom actuel est ségrégationniste, car il ne concerne qu’une petite frange de la population qui s’investit dans l’auto-construction anarchique et non contrôlée.
Les catégories qui sont en mesure de se construire un logement actuellement sont celles qui œuvrent dans les secteurs qui influencent l’économie actuelle et dans lesquels plusieurs dénonciations ont été enregistrées, à savoir le secteur des mines , celui de la téléphonie ». Au ministère en charge de l’Urbanisme et Habitat, un fonctionnaire qui a requis l’anonymat, affirme que tous les textes existent, mais personne ne les respecte. Avant de lâcher que « nous avons à faire à des gens très forts »
L’Etat doit prendre ses responsabilités
L’Etat est appelé à prendre ses responsabilités par le contrôle et la régulation pour permettre que le boom immobilier soit utile et rentable pour le pays en contribuant à son essor. Car « actuellement le Boom laisse une impression de simulacre qui n’augure pas de lendemain meilleurs pour les filles et fils de ce pays ».
En plus, souligne l’architecte « il y a lieu de craindre aussi le blanchiment d’argent. Car comment expliquer des investissements immobiliers se font au jour le jour et que les caisse de l’état continuent de rester vides sans pouvoir générer des ressources suffisantes permettant l’amélioration du vécu quotidien des populations? » Autres interrogations « comment expliquer qu’il faille démolir des construction érigées sur le boulevard du 30 juin et qui sont avancées jusqu’à 3 ou 4 étages ?
Comment expliquer le phénomène des immeubles qui s’effondrent après leur mise en service ou avant la fin des travaux?
Comment expliquer que beaucoup d’immeubles appartement se construisent et que les taux des loyers restent très élevés et inaccessibles aux couches travailleuses? » Chacun peut répondre à toutes ces questions mais pour l’architecte Christophe Tshimanga « l’examen de toutes ces questions permet de constater que le boom est de façade et pas rentable pour le pays ».