Le budget et l’équation fiscale

L’épicentre de la crise financière actuelle se situe au cœur de l’équation fiscale. Une faible mobilisation des recettes est un risque majeur pour le financement des politiques publiques. La mise en œuvre des réformes fiscales envisagées est un impératif, tant des inquiétudes demeurent.

 

Dans le cadre budgétaire à moyen terme, il apparaît que le gouvernement se préoccupe de la maximisation des recettes pour le financement de son programme. Pour y arriver, il est prévu notamment le recours aux emprunts  intérieur et extérieur ainsi qu’au partenariat public-privé. Le gouvernement entend focaliser ses efforts sur la réforme fiscale, en visant l’élargissement de l’assiette, l’assouplissement de la législation fiscale pour la rendre plus attractive et la redynamisation de l’administration fiscale. Le gouvernement entend aussi faire l’évaluation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), augmenter le capital minimum des banques commerciales, créer un fonds de garantie des dépôts et des crédits ainsi qu’un fonds de garantie des assurances, restructurer la Société nationale d’assurances (SONAS)…

Pour pouvoir bénéficier des emprunts extérieurs, le gouvernement envisage de renforcer la coopération financière avec ses partenaires traditionnels et non traditionnels. Particulièrement, il tient à conclure rapidement un programme formel avec le Fonds monétaire international (FMI). D’ailleurs, une mission d’experts du Fonds est attendue à Kinshasa pour des consultations avec les officiels congolais aux fins de l’octroi de la lettre de confort.

Entre-temps, le gouvernement veut s’imposer une discipline budgétaire pour maintenir l’équilibre budgétaire et éviter ainsi le recours au financement monétaire. Pour cela, il s’est doté d’un plan d’engagement budgétaire en conformité avec le plan de trésorerie. Bref, la gestion sur base caisse reste la règle d’or.

Par ailleurs, pour maximiser les finances publiques, le gouvernement entend mettre en œuvre les réformes dans l’administration publique, notamment sur la maîtrise des effectifs, et appliquer les règles de passation des marchés publics et de procédures d’exécution de la dépense publique et de la rationalisation des structures administratives. Il s’engage également à mettre en œuvre les politiques prioritaires (santé, éducation et énergie) dans le cadre de la planification nationale de développement ainsi que des secteurs porteurs de croissance. En 2017, la priorité est accordée aux actions, mesures et projets relatifs à l’organisation des élections, la maîtrise de la situation économique, l’amélioration des conditions de vie de la population et la restauration de la sécurité des personnes et de leurs biens sur l’ensemble du territoire national.

Toutefois, le gouvernement n’a pas exclu l’hypothèse des facteurs déstabilisateurs du cadre budgétaire à moyen terme 2017-2019. Ce sont des facteurs exogènes ou endogènes. Notamment, une faible mobilisation des recettes locales, une baisse des cours des matières premières et l’absence d’apports budgétaires des institutions financières internationales dont le FMI.

La viabilité financière en question

Dans son discours d’investiture, Bruno Tshibala a pris l’engagement de stabiliser la situation économique. D’après lui, c’est la chute libre du taux de croissance qui est à la base de la dégradation de la situation économique dans le pays. Pour cela, son gouvernement va entreprendre des réformes et mener des actions pour « le maintien de la discipline budgétaire actuelle » qui a permis jusque-là d’éviter le déficit de trésorerie.

Ce déficit est, selon lui, source de financement monétaire, et surtout facteur accélérant la dépréciation monétaire et l’inflation. Il a aussi promis de poursuivre la politique d’ajustement budgétaire mené depuis janvier, de consacrer la grande partie des dépenses publiques aux élections, rémunérations, service de la dette extérieure, sans oublier les dépenses qui concourent à l’amélioration des conditions de vie générales de la population. Les analystes économiques ne sont pas impressionnés par ses déclarations d’intention. « C’est du déjà entendu ».

Depuis plusieurs années, le budget de l’État est à l’épreuve des règles budgétaires et de la viabilité financière. Les spécialistes définissent une règle budgétaire comme « une contrainte légale (permanente ou temporaire) imposée à la politique budgétaire pour empêcher un déséquilibre permanent entre les recettes et les dépenses du gouvernement. » Alors, les règles budgétaires visent à éviter un déséquilibre structurel des finances de l’État, ce qui limite la nature pro-cyclique des politiques publiques et empêche une croissance insoutenable de la dette publique.

Les principes de base

Les analystes économiques sont à peu près d’accord sur la nature des règles qu’ils classifient en quatre catégories. Premièrement, les règles sur les dépenses. Elles imposent une limite stricte et permanente sur les dépenses publiques totales, les dépenses primaires, ou les dépenses de fonctionnement, soit en termes absolus, soit en termes de taux de croissance, soit en termes de pourcentage du Produit intérieur brut (PIB). Selon des experts de la Banque mondiale, ces règles ne sont pas directement liées à un objectif de stabilité des finances publiques du gouvernement, car elles ne tiennent pas compte de l’évolution des revenus de l’État.

Toutefois, elles peuvent contribuer à cet objectif dans la mesure où elles sont complétées par des objectifs de soutenabilité des déficits budgétaires et de la dette publique quand un déséquilibre budgétaire risque de résulter d’une augmentation incontrôlée des dépenses plutôt que d’une baisse des recettes.

D’autre part, dans un pays en développement exposé à de grandes variations des prix des produits de base, elles aident les autorités à éviter la pro-cyclicité des dépenses publiques. Cependant, cet avantage peut aussi devenir une contrainte pendant la récession économique, étant donné que dans cette circonstance, les règles de dépenses limitent la capacité du gouvernement à mettre en œuvre une politique contra-cyclique. Certaines dépenses qui sont très sensibles au cycle économique, telle que l’assurance chômage, peuvent être exclues de la règle.

Deuxièmement, les règles sur les recettes. Elles imposent des plafonds ou des planchers sur les recettes publiques et visent à augmenter les recettes fiscales et/ou éviter une pression fiscale excessive. Ces règles ne tiennent pas compte de l’évolution des dépenses publiques et, par conséquent, n’ont pas nécessairement un impact direct sur la stabilité des finances publiques. Dans certains cas, expliquent des experts, les règles de recettes publiques ont été introduites pour protéger certaines dépenses prioritaires en affectant certaines taxes à des secteurs spécifiques. Exprimées en termes absolus, ces règles peuvent être difficiles à mettre en œuvre car les revenus fluctuent de manière significative avec le cycle économique. Cependant, dans un pays en développement, elles peuvent être particulièrement utiles pour gérer les recettes exceptionnelles associées à l’évolution des prix des matières premières, notamment lorsqu’elles imposent qu’une partie des recettes du gouvernement soit épargnée ou affectée à un fonds de stabilisation.

Troisièmement, les règles sur l’équilibre budgétaire. En général, soulignent les mêmes experts, ces règles précisent un équilibre du solde budgétaire global, du solde primaire et du solde structurel ajusté au cycle économique, afin de veiller à ce que le ratio de la dette publique au PIB converge vers une valeur stationnaire. Ces règles comprennent également la « règle d’or » qui se réfère au solde budgétaire net des dépenses d’investissement. Toutefois, la règle de l’équilibre budgétaire n’est pas directement liée à la question de la viabilité de la dette ni à l’augmentation de l’assiette fiscale et des revenus futurs.

Quatrièmement, les règles sur la dette. En général, elles prennent la forme d’une limite explicite sur le ratio de la dette publique au PIB. Par définition, ce sont les règles les plus efficaces pour garantir que ce ratio ne dépasse pas une valeur ciblée.

La convergence vers ce ratio est le critère approprié pour assurer la solvabilité budgétaire car elle garantit que la contrainte inter-temporelle du gouvernement est maintenue au cas où le taux d’intérêt sur la dette publique dépasse le taux de croissance de l’économie. Dans le même temps, ces règles n’imposent pas de contraintes sur la politique budgétaire lorsque le ratio est inférieur à sa valeur cible.

En outre, l’évolution des ratios d’endettement ne dépend pas seulement des décisions sur les recettes et les dépenses publiques, mais aussi de plusieurs autres facteurs qui échappent au contrôle du gouvernement tels que les taux d’intérêt, les taux de change et les opportunités existantes pour financer les déficits du gouvernement.