En décidant de reconduire pour un an le mandat de la Monusco en réduisant au strict minimum le nombre des Casques bleus, le Conseil de sécurité n’a fait que profiter des faiblesses de la diplomatie congolaise.
Lorsque le Conseil de sécurité a rendu public, le 26 mars, sa résolution 2211qui proroge d’un an le mandat de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) et ne réduire que de 2 000 les effectifs militaires envoyés sur place en maintenant le contingent à 19 815 unités, le ciel est certainement tombé sur la tête de la délégation congolaise conduite par Raymond Tshibanda, le ministre des Affaires étrangères. En allant au siège de l’ONU, les Congolais, qui étaient en froid avec la Monusco, poursuivaient trois objectifs. D’abord, obtenir la réduction de moitié des effectifs de la mission onusienne ou, pour le moins, dans une fourchette comprise entre 5 000 et 7 000 militaires. Ensuite, montrer à la face du monde que la RDC avait connu des avancées dans plusieurs domaines. Enfin, Kinshasa espérait faire connaître, dans le cadre de la réforme des forces de sécurité, l’existence de trois brigades formées par les Chinois, les Belges et les Sud-Africains. Ces trois brigades constituent le noyau de la future Force d’intervention rapide.
Concrètement, la délégation congolaise a prêché dans le désert. Et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, la mission a été mal préparée ou, plutôt, elle n’a pas été prise au sérieux par ceux qui devaient la conduire. Compte tenu des enjeux, il n’y a pas eu une volonté affirmée de peser sur le cours des événements. « Avant d’aller aux États-Unis, nous n’avons jamais travaillé en commun pour arrêter une quelconque stratégie. C’est sur place que nous avons essayé de nous concerter. Mais ce n’est pas de cette façon qu’on doit défendre notre cause et nos intérêts sur le plan international », explique un membre de la délégation congolaise. Plus étonnant, alors que Martin Kobler, le chef de la Monusco, s’était lancé dans une opération de séduction des diplomates dont les pays sont cette année membres du Conseil de sécurité pour défendre son point de vue, la diplomatie congolaise a brillé par son manque d’initiative. Résultat : elle n’a rien obtenu. « La seule concession faite par le Conseil de sécurité est la réduction du nombre des Casques bleus qui est plus le reflet d’une reconnaissance de leur inutilité actuelle – puisqu’ils ne sont pas engagés dans l’opération anti-FDLR comme le voudrait le Conseil de sécurité – qu’une reconnaissance que la RDC peut assurer sa sécurité et vaincre les groupes armés », estime Thierry Vircoulon, directeur Afrique de l’Organisation non-gouvernernentale International Crisis Group basée à Nairobi, au Kenya.
L’autre raison de l’échec à New York est à rechercher dans les mauvais signaux que le gouvernement a lancés depuis le début de l’année. C’est le cas de la tentative de changer certaines dispositions de la loi électorale pour assujettir la tenue des prochaines élections à un recensement de la population devant durer au moins quatre ans. D’où cette conclusion à laquelle beaucoup sont arrivés : « C’est une tentative de prolonger la présence de l’actuel président à la tête de l’État ». Cette interprétation de la volonté du gouvernement avait conduit, en janvier, à des émeutes dans la capitale et dans quelques villes provinciales, suivies d’une répression brutale et sanglante. En plus de la fermeture d’internet et des réseaux sociaux. À cela est venu s’ajouter un calendrier électoral qui est loin de faire l’unanimité. Pour Thierry Vircoulon, « la grande inquiétude à New York est maintenant les élections qui ont commencé à avoir une résonance déstabilisatrice dès janvier et dont les implications en matière de respect des droits de l’homme sont visibles internationalement avec l’arrestation récente des activistes congolais et étrangers. » L’analyste français en tire une conclusion : « Le potentiel déstabilisateur des élections est bien plus grand aux yeux de la communauté internationale que les groupes armés de l’Est du Congo ». Cette situation, d’après lui, a placé le Conseil de sécurité face à un dilemme : se retirer alors que l’horizon proche s’obscurcit et se faire accuser de ne pas avoir anticipé le prochain grand problème ou rester contre la volonté du gouvernement congolais. Vircoulon constate que « le gouvernement congolais a plusieurs fois demandé la réduction de la force de la Monusco, mais son insistance particulière cette année paraît liée à l’horizon 2016 qui est déjà très problématique ».
Le 25 mars, la veille du vote du Conseil de sécurité, le patron de la Monusco, Martin Kobler, déclarait à Kinshasa, au cours de l’enregistrement d’une émission télévisée : « Nous devons reprendre le dialogue structuré et le partenariat avec le gouvernement. Nous ne pouvons pas quitter le pays trop vite. Nous voulons reprendre la coopération avec les Forces armées de la République démocratique du Congo. Et nous sommes ici pour combattre sous leur leadership. Mais nous tenons au respect des droits de l’homme, à la lutte contre la corruption, à la tenue d’élections transparentes. » Le dialogue entre les deux parties a déjà repris. Est-ce le point de départ d’une nouvelle idylle entre la Monusco et le gouvernement congolais ? Rien n’est moins sûr dans la mesure où, selon des officiels congolais, « le problème c’est Kobler, il est arrogant ! » Arrogant ou pas, le diplomate allemand est quasiment au terme de son mandat : il s’achève en juin. Logiquement, compte tenu de toutes les tensions de ces derniers mois, il devrait partir. Mais est-ce que cela va contribuer à l’amélioration des rapports entre le gouvernement et la Monusco ?
Le problème, à l’heure actuelle, se situe au niveau du mode de communication utilisé par les deux parties. Un fonctionnaire de l’ONU relève que « les critiques adressées à la Monusco par la RDC sont fondés à 90 %. Malheureusement, les réactions du gouvernement sont toujours spectaculaires et polémiques, en faisant croire que la souveraineté du pays est bafouée ». Avant d’ajouter que « Kobler devrait apprendre aussi à se taire, au lieu de faire des déclarations intempestives chaqu e fois qu’il prend la parole ». En attendan t le prochain épisode du feuilleton RDC-Monusco, les deux camps ont intérêt à mettre beaucoup d’eau dans leur vin.