Le changement de masse du kg n’aura pas d’incidence sur les aliments

La 26è réunion de la Conférence générale des poids et mesures qui s’est tenue du 13 au 16 novembre à Versailles, a avalisé une nouvelle définition du kilogramme formulée à partir de la constante de Planck (h) de la physique quantique. La décision prendra effet à partir de mai 2019.

 LA CONFÉRENCE générale des poids et mesures (CGPM) a défini le vendredi 16 novembre quatre unités de mesure, dont le kilogramme (kg). La CGPM se tient tous les quatre ans. La décision de modifier la référence de l’unité de poids du kilogramme a été prise par les scientifiques de la CGPM et ce changement de référence d’unité de poids prendra effet à partir du 20 mai prochain.

Les métrologues et les scientifiques du monde ont convenu que le kilogramme ne sera plus défini par un cylindre en alliage de platine et iridium comme c’est le cas depuis le XIXe siècle. Mais il sera calculé d’après la constante de Planck, une formule issue de la physique quantique. Toutefois, ont-ils prévenu, ce changement n’aura pas d’impact pour les produits alimentaires. C’est surtout les entreprises du domaine de la haute technologie qui seront concernées comme l’industrie pharmaceutique.

C’est pour la deuxième fois que l’unité de référence du kilogramme change. Le kilogramme a été inventé en 1799, un kilogramme valant un litre d’eau congelée. En 1946, les scientifiques du monde s’étaient rendu compte que l’alliage avait « perdu du poids » et décidèrent de changer de prototype international du kilogramme. Un siècle plus tard après l’invention du kg, les voilà qui cherchaient un équivalent immuable avec l’alliage censé être stable dans le temps. 

En 2005, les membres du Comité international des poids et mesures (CIPM) avait recommandé de redéfinir le kilogramme. Et, en 2011, la CGPM a opté pour le choix de la constante de Planck, mais la décision a été reportée à 2014. Cette année-là, les travaux nécessaires au changement n’étant pas prêts, la décision fut alors reportée à nouveau à 2018 lors de la 26è de la CGPM.

Le débat se corse

À la différence de l’ancienne mesure inventée au moment de la Révolution française, le nouveau kilogramme n’aura plus pour référence son étalon, un objet de platine iridié conservé dans un lieu gardé secret, quelque part dans les locaux du Bureau international des poids et mesures (BIPM), à Saint-Cloud. Désormais, c’est en fonction de la constante de Planck que le kilo sera défini. Grâce à la physique quantique, cette unité de mesure aura désormais pour définition une formule mathématique et non plus un objet matériel, tout comme les six autres unités de base du système international des mesures. C’est complexe, c’est technique, mais qu’est-ce que cela change ?

Ici et là, on tente des explications. Depuis 130 ans, il portait le poids du monde sur ses épaules : surnommé le « grand K », le prototype international du kilogramme (IPK), qui servait d’étalon à toutes les mesures de masse. La masse de ce cylindre en platine iridié, qui mesure 3,9 cm de long et 3,9 cm de diamètre, définit le kilogramme depuis 1889. Peu de personnes ont eu le privilège de l’apercevoir.

L’IPK incarne la référence internationale pour toutes les mesures de masse dans le monde, que ce soit pour doser des médicaments, couper des tranches de jambon, peser un bébé ou de lourds équipements industriels. Les pays possèdent eux-mêmes des étalons, qu’ils comparent périodiquement à des copies historiques du « grand K », qui sont elles-mêmes comparées à l’étalon suprême.

« Le kilogramme est la dernière unité de mesure basée sur un artefact physique », souligne Thomas Grenon, directeur général du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) français. « Le problème c’est qu’il vit sa vie, qu’il peut fluctuer, ce qui n’est pas du tout satisfaisant, vu les niveaux de précision dont nous avons besoin aujourd’hui ».

Le « grand K » cédera officiellement son trône à petit h. Cette constante, découverte en 1900 par le physicien Max Planck, est le produit d’une énergie par un temps. Et l’énergie est reliée à la masse par la célèbre équation E = mc2. Après plusieurs années de travaux scientifiques poussés, la valeur de h a été fixée à 6,62607015 X 10 puissance moins 34 Joule.seconde.

Pourquoi une telle révolution ? Les scientifiques se sont aperçus que la masse du prototype international avait légèrement varié par rapport à celles des six copies-témoins réalisées à la même époque et conservées au BIPM. La masse de l’IPK a divergé de la masse de la moyenne de ces copies d’environ 50 microgrammes (millionièmes de grammes).

Longtemps avant l’invention du pèse-personne et du télémètre laser, Égyptiens, Anglais, Danois ou Suédois devaient déjà construire des maisons et stocker des tonneaux de grains. En 1795, les représentants du peuple français adoptent le mètre, défini quelques années auparavant par les astronomes Delambre et Méchain, et l’imposent sur tout le territoire.

Ampère, kelvin et mole 

Les métrologues et les scientifiques du monde qui ont participé à la conférence de Versailles ont également décidé de modifier trois autres valeurs : l’ampère, le kelvin et la mole. 

Le kilogramme est l’unité de masse, tandis que l’ampère est celui de l’intensité électrique), le kelvin, celle de la température, et la mole, celle de la quantité de matière. En fait, le système international compte sept unités des poids et mesures. Les trois autres sont la seconde et le mètre (déjà révisés respectivement en 1967 et 1983) et la candela (unité d’intensité lumineuse). 

« Cela a commencé il y a des millénaires avec des pots et cela prend fin aujourd’hui avec la physique quantique », a déclaré très solennellement Joachim Ullrich, le vice-président du Comité international des poids et mesures. Il est inutile de se racheter une balance ou des ampoules. 

Mais en profondeur, la mutation est importante. Les unités ne sont plus enracinées sur des étalons matériels, des objets concrets. Toutes sont désormais définies à partir de constantes fondamentales. Plongée à la découverte d’un bouleversement un peu tautologique.

On retiendra utilement que la métrologie est la science des poids et des mesures. En principe, chaque pays possède un laboratoire de métrologie – en RDC, c’est l’Office congolais de contrôle qui assure cette tâche – qui fixe les étalons de référence et s’assure que les mesures scientifiques et commerciales sont justes. 

Une grandeur physique est ce que l’on cherche à mesurer, c’est une propriété. Par exemple, la masse d’un mouton. Une unité de mesure est l’étalon qui permet d’exprimer la grandeur. 

Par exemple, la masse d’un mouton s’exprime en kilogramme ; ce dernier est une unité. La métrologie s’occupe d’établir le système d’unité, de dire ce qu’est un kilo, pas de peser le mouton.