Après la décision du gouvernement interdisant les perceptions des taxes illégales dans cette voie de communication, les responsables des baleinières et bateaux tenanciers de ports fluviaux ou lacustres et opérateurs économiques doivent désormais faire face aux percepteurs réfractaires. Une vraie bataille de dénonciation et de résistance reste à mener.
« Le gouvernement a fait sa part en prenant cette mesure salutaire qui augure un bon départ. Son exécution, c’est nous. Nous devons nous prendre en charge en résistant contre tout percepteur de taxes illégales. C’est à nous de faire valoir nos droits face une situation qui a longtemps duré à cause de notre faiblesse », a indiqué Mutshipayi Phatshi, conseiller à l’Union congolaise des armateurs des baleinières (UCAB), profitant d’une réunion entre les armateurs et les membres d’une Ong Britannique au port de Baramoto vendredi 11 juillet, pour appeler ses confrères à la vigilance.
Le 19 juin 2014, un arrêté interministériel a supprimé 38 taxes illégales dans le secteur du transport fluvial et lacustre en RDC. Désormais, le plus dur reste la mise en application de cette décision signée par neuf ministres ayant en charge le budget, la défense nationale, le plan, l’intérieur, l’économie et commerce, les transports et voies de communication, l’environnement, conservation de la nature et tourisme, la jeunesse, sport, culture et arts et les finances.
Un mois après, sur le terrain, la mesure traîne à être respectée. « Je suis au courant de la mesure et j’ai d’ailleurs une copie de l’arrêté. Depuis, je ne paie plus toutes ces taxes supprimées », indique un responsable de la baleinière HB la Référence, de retour depuis une semaine d’un voyage dans le territoire de Kiri, district de Mai-Ndombe, dans la province de Bandundu. Il parle d’un changement relatif de la situation, mais indique que certains armateurs continuent de payer ces taxes supprimées, par ignorance ou par naïveté.
Stratégies CPCAI
Le Comité de pilotage pour l’amélioration du climat des affaires et des investissements (CPCAI) qui assure le suivi permanent de la mise en œuvre effective de cette décision entend organiser des « enquêtes d’impacts », pour mesurer non seulement le niveau de l’application de cette mesure, mais également l’atteinte des objectifs visés. A savoir, l’élimination des tracasseries, la réduction des coûts d’exploitation et la baisse des prix des biens de consommation et le niveau de satisfaction des opérateurs économiques, principaux bénéficiaires de la mesure.
Au préalable, une communication sur la mesure a été engagée. Le 8 juillet, le CPCAI a organisé, au Grand Hôtel Kinshasa, un atelier de vulgarisation de l’arrêté. Le but de ces assises était d’informer, de la manière la plus large possible, les personnes concernées : responsables des services publics à la base des perceptions interdites, propriétaires des bateaux et des baleinières, tenanciers de ports fluviaux ou lacustres, opérateurs économiques qui recourent à cette voie de communication et consommateurs.
Le Délégué principal du CPCAI, Alexis Bangala, reste conscient de l’énorme défi à relever pour faire appliquer cette décision. « Il est indispensable de faire une communication intense, de mener des actions de suivi-évaluation et de sanctionner les services et personnes réfractaires à la décision prise car le principal défi auquel le CPCAI sera confronté est la tentation bien connue de nos administrations à récréer, sous d’autres dénominations, les perceptions illégales ainsi supprimées par le gouvernement. A tous, nous exhortons à y veiller », a-t-il déclaré. Vigilance, c’est aussi le mot d’ordre lancé par Alexandre Luba Ntambo, ministre de la Défense nationale et Anciens combattants, à toutes les parties concernées.
Gain économique
« Sur les 59 prélèvements de taxes qui existaient dans ce secteur, 46 sont à supprimer », a insisté Justin Kalumba, ministre des Transports et Voies de communication. Il a promis une prochaine étape qui va concerner la suppression des huit taxes restant qui font, dit-il, double emploi. Il s’agit, entre autres, des taxes d’immatriculation de bateaux, d’assainissement des ports pourtant privés, d’embarquement et débarquement des produits. Didier Mukoma, Président national des armateurs, attend impatiemment leur suppression.
Décharger les armateurs de leur lourd fardeau donnerait lieu à une baisse des prix des biens et produits transitant par la voie navigable. Le ministre de l’Economie et Commerce, Jean-Paul Nemoyato, ne s’en doute pas. « A Bandundu, le sac d’une cossette de manioc coûte 20 000 francs. Arrivé à Kinshasa, le même sac revient à 65 000 francs parce que les circuits de distribution sont envahis par des taxes illicites. Ce sac pourrait être vendu à 40 000 francs dans la capitale si ces mesures sont appliquées », estime-t-il.
Avec ses 16 000 km de voies navigables et 62 ports de Kinshasa à Kisangani, le transport fluvial et lacustre renferme des réels avantages économiques pour le pays.