Courtisés par d’étranges importateurs de véhicules neufs, les chauffeurs succombent à l’opium nommé « crédit-automobile », qui leur promet l’autonomie financière.
L’Association des chauffeurs du Congo (Acco) vient de signer un protocole d’accord de partenariat avec la société Lifan. Aux termes de cette entente, l’entreprise chinoise s’engage à livrer à crédit des voitures et des minibus de marque Lifan aux membres de l’Acco. L’arrivage d’un premier lot de vingt-cinq véhicules est annoncé. Bien que leur coût unitaire ne soit pas encore révélé, le remboursement du crédit va s’effectuer durant cinq ans, indique un membre du staff de l’association. « Aucune action de cette envergure n’a été menée par notre association depuis sa création en 1970 », commente, admiratif, un ancien membre d’Acco.
Le but visé par l’Acco au travers de ce projet est d’améliorer les conditions de travail de ses membres. Cette amélioration passe, renchérit notre interlocuteur, par l’assurance d’une retraite honorable au bénéfice du chauffeur-propriétaire ou sa prise en charge pour raison de santé.
Une expérience qui suscite des émules
Autre innovation : l’Acco se propose de fournir à ses membres des lubrifiants « SAE Apollo », à bas prix. L’approvisionnement sera effectif dès que sera signé le contrat de partenariat avec la société Beltexco. L’intention avouée est, d’une part, de diminuer les charges d’exploitation et, de l’autre, de rallonger la durée de vie des véhicules. « Les chauffeurs auront ainsi l’opportunité d’acheter des lubrifiants de bonne qualité à prix réduit », a confié une source proche de l’association. D’ores et déjà, des réunions de sensibilisations sont régulièrement organisées à l’intention des chauffeurs aux fins de susciter un maximum d’adhésions au projet.
L’entreprise chinoise Lifan n’est pas la première à se lancer dans le crédit-automobile. C’est plutôt l’Association des propriétaires des véhicules affectés au transport en commun (APVCO) qui a ouvert le bal. C’est son expérience qui suscite des émules aujourd’hui. En août 2014, elle avait signé un contrat de partenariat avec le gouvernement de la République démocratique du Congo. Par ce biais, certains propriétaires en règle des cotisations vis-à-vis de leur structure ont pu bénéficier d’un crédit-automobile dès septembre 2014. Des bus de marque Hyundai leur avaient été concédés à crédit au prix de 57 000 dollars/pièce. Chaque acquéreur a versé un acompte de 15 % équivalant à 8 550 dollars. Il doit, par la suite, rembourser mensuellement à hauteur de 1 200 dollars et cela pendant les quatre ans que dure le projet.
Le gouvernement a ainsi déboursé 14 millions de dollars pour l’acquisition d’un premier lot de 250 minibus, baptisés « Esprit de vie » à Kinshasa. Sept mois après le lancement de l’initiative, l’expérience est jugée satisfaisante. À l’issue d’une séance d’évaluation, Justin Kalumba, ministre des Transports et des Voies de communication, a publiquement reconnu que le gouvernement a déjà recouvré plus de 2,5 millions de dollars en termes de remboursements. Il a estimé, en outre, que si cet élan continuait, le pays pourrait se permettre de commander une soixantaine de nouveaux minibus supplémentaires, afin de renforcer et renouveler progressivement le parc automobile des transports en commun à Kinshasa.
D’autres initiatives surgissent
Des initiatives surgissent. Une autre société automobile chinoise dénommée JVL SÀRL, installée à Kinshasa, s’est depuis peu lancée dans le créneau. Elle recrute des chauffeurs selon un critérium strict, à savoir : posséder une expérience de plus d’un an dans la profession, être âgé de 30 ans ou plus, avoir une résidence fixe, être responsable.
La JVL, indique-t-on, signe un contrat de partenariat d’une durée de deux ans avec le chauffeur qui reçoit, en retour, un véhicule à crédit. Selon la convenance du chauffeur, il peut s’agir d’une voiture ou d’un minibus de marque chinoise. Le chauffeur-propriétaire s’engage à verser quotidiennement 70 000 francs pour la voiture ou 130 000 pour le minibus. Au bout de deux ans, si toutes les clauses sont respectées, le véhicule devient sa propriété. Plusieurs chauffeurs kinois rêvant de devenir patrons ont déjà mordu à l’hameçon. Les voitures et minibus JVL sont identifiables par leurs couleurs jaune ou rouge bordeaux.
En dépit de ces avancées, les besoins sont encore énormes pour assurer une mobilité maximale à Kinshasa, ville peuplée de dix millions d’âmes. Une étude de l’Agence japonaise pour la coopération internationale (Jica) a estimé, en 2005, qu’une mobilité aisée dans la capitale congolaise exigerait 5 015 unités de transport pour un investissement de 315 millions de dollars. Kinshasa enregistre 4 770 000 déplacements par jour, dont 2 457 000 effectués par bus. À cet égard, les initiatives prises aussi bien par le gouvernement que par les privés n’apparaissent, pour l’instant, que comme une goutte d’eau dans la mer.
Il y a peu, Kinshasa comptait à peine 5 % d’automobiles neuves affectées au transport en commun, le reste étant constitué de véhicules de seconde main, parfois surannés. La tendance est au rajeunissement du charroi. En effet, des taxis, bus et minibus neufs sont de plus en plus visibles sur les principales artères de la capitale. C’est la conséquence de l’introduction de la formule « crédit-automobile », que le gouvernement se doit d’encourager en accordant des facilités fiscales.