VENDREDI 4 décembre à la clôture, le dollar restait stable face à l’euro (-0,02 % à 1,2142 dollar pour un euro), et montait face au yen de 0,30 %, à 104,15 yens pour un dollar. Depuis l’élection américaine début novembre et la série d’annonces sur des vaccins contre le Covid-19, le dollar, valeur refuge, souffre de l’appétit pour le risque du marché et enfonce ses plus bas de l’année. Par exemple, en cours de séance de vendredi dernier, le dollar a à nouveau sombré à son plus bas depuis avril 2018 face à l’euro, à 1,2178 dollar, et face aux autres grandes monnaies, selon le dollar index. Dernière monnaie en date à atteindre un record en plusieurs années face au billet vert, la livre britannique a grimpé à son plus haut depuis mai 2018, à 1,3539 dollar pour une livre.
Les analystes scrutaient notamment les négociations à Washington sur un plan de relance de l’économie qui ont progressé mercredi 2 décembre. « La perspective d’un plan de relance budgétaire aux États-Unis fait grimper les perspectives d’inflation. Comme la Banque centrale américaine (Fed) a annoncé qu’elle accepterait une inflation plus forte à court terme sans resserrer sa politique monétaire, ces perspectives pèsent sur le dollar», a détaillé You-Na Park-Heger, analyste chez Commerzbank.
L’économie américaine a créé plus de deux fois moins d’emplois en novembre qu’en octobre, signe du ralentissement de la croissance aux États-Unis en raison de la pandémie de Covid-19, a indiqué le département du Travail. « Ce rapport sur l’emploi peu enthousiasmant a pourtant profité aux Bourses, qui y ont vu une raison pour les élus américains d’accepter un plan de relance », a expliqué Neil Wilson, analyste chez Markets.com.
Mais le dollar a effacé une partie de ses pertes en fin de séance européenne. « La livre et l’euro vont peut-être se calmer un peu tant que les gros événements qui arrivent en Europe cette semaine ne seront pas passés », a estimé Edward Moya, analyste chez Oanda. Cette semaine, les négociations continueront aussi bien sur un accord commercial post-Brexit entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni que sur le veto de Varsovie et Budapest au budget européen. La Banque centrale européenne (BCE) se réunira pour la dernière fois de l’année, et devrait annoncer de nouvelles mesures de soutien de l’économie.
La livre au plus haut
Vendredi dernier, la devise britannique grimpait de 0,61 % à 1,3447 dollar pour une livre. Plus tôt à Londres, elle avait atteint 1,3500 dollar pour la première fois depuis décembre 2019. La livre britannique a grimpé jeudi dernier à son plus haut niveau en un an face à un dollar bas, les cambistes misant sur un accord commercial post-Brexit entre Londres et Bruxelles. Face à l’euro, la monnaie britannique gagnait 0,39 %, à 90,28 pence pour un euro. « La montée de la livre est un signe que le marché parie sur un accord commercial de la dernière heure entre le Royaume-Uni et l’UE qui évite des tarifs douaniers pouvant affaiblir l’économie britannique l’année prochaine », a estimé Joe Manimbo de Western Union.
Alors que la période de transition post-Brexit s’achèvera le 1er janvier 2021, les négociations se poursuivent. « Il semblerait que les deux parties rentrent dans une phase intense de négociations », a commenté Neil Wilson, analyste chez Markets.com. Un diplomate européen a souligné que dans certains domaines, les Européens n’étaient plus qu’à « quelques millimètres de leurs lignes rouges », excluant toute nouvelle concession supplémentaire malgré la contrainte de plus en plus pressante du calendrier.
La livre montait par ailleurs en raison de la faiblesse du billet vert qui a atteint un plus bas en plus de deux ans, face à l’euro. Le billet vert perdait 0,26 % à 1,2146 dollar pour un euro, son plus bas depuis avril 2018. Le dollar est affaibli par l’appétit pour le risque du marché et par les mesures d’assouplissement monétaire prises par la Réserve fédérale américaine (Fed) pour soutenir l’économie face à la pandémie de Covid-19. « Avec l’approche des fêtes et de nombreux jours fériés, la prudence pourrait regagner le marché, donc il y a un risque de correction, mais pour l’instant, dès que l’euro baisse un peu, les cambistes se ruent dessus », a résumé Stephen Innes, analyste chez Oanda.
La BCE va avoir une situation délicate à gérer lors de sa réunion de politique monétaire le 10 décembre, commente Jane Foley, analyste chez Rabobank. Une monnaie trop forte pèse sur l’inflation, et pourrait pousser la BCE à plus d’action pour soutenir l’économie face à la pandémie de Covid-19. L’euro stable face au dollar, le marché reprend son souffle.
Le marché attend donc la réaction de la BCE à cette vigueur de la monnaie, qui pourrait avoir un effet déflationiste. Le marché des changes suit également les négociations entre Londres et Bruxelles sur un accord commercial post-Brexit.
Le pessimisme du négociateur européen Michel Barnier avait fait plonger la livre, qui se ressaisissait jeudi dernier (+0,37 % face au dollar à 1,3414 dollar pour une livre, +0,39 % face à l’euro à 90,30 pence face à l’euro). « La livre se ressaisit un peu, mais il y a un risque élevé : des informations de presse indiquent que la France menace d’opposer son veto à un accord si elle estime que l’UE fait trop de concessions », a souligné Connor Campbell, analyste chez Spreadex.
Les négociations sur l’accord commercial de l’après-Brexit « étant considérées comme proches d’une fin décisive, la livre pourrait être exposée à un risque accru de volatilité au cours des heures et des jours à venir », a-t-il prévenu. Michel Barnier, le négociateur européen, a averti que les prochaines discussions seraient en effet décisives sans garantir de résultat positif à un mois de la fin de période de transition post-Brexit. « Nous approchons rapidement du moment où ça passe ou ça casse », a affirmé un diplomate européen à l’issue d’une visioconférence entre le Français et les ambassadeurs de l’UE sur l’état des pourparlers.
« Les négociations s’éternisent », a résumé Neil Wilson, analyste chez Markets.com, qui rappelle que les cambistes continuent de tabler sur un accord. « Le couple dollar-livre sera extrêmement réactif à l’annonce officielle », d’un côté comme de l’autre, a-t-il prévenu. « L’euro est désormais au-dessus de 1,20 dollar, ce qui risque d’être une cause de maux de tête pour la Banque centrale européenne, étant donné que l’inflation est presque nulle en zone euro » et que l’euro a gagné plus de 7,5 % face au dollar en 2020, a souligné Michael Hewson, analyste chez CMC Markets.