Parmi les problèmes cruciaux du continent, le déficit en infrastructures occupe une bonne place. C’est un défi majeur pour la Banque africaine de développement qui évalue les besoins à 50 milliards de dollars par an.
Rabat, capitale du Maroc, a accueilli le premier congrès africain des transports et logistiques. Ces assises ont réuni des opérateurs économiques privés africains et des acteurs des transports et de la logistique. Jean-Pierre Nyengele Mbanza, consultant en transports et en logistique, y a pris part. Il indique que les participants à ces assises ont insisté sur la nécessité de profiter des ressources du Fonds Africa 50. Initié par la Banque africaine de développement (BAD), il a été lancé en juillet dernier à Casablanca (Maroc) par 20 pays africains. Ce fonds a été doté de 800 millions de dollars en vue de dynamiser le financement des projets d’infrastructures et de diminuer significativement le déficit en financements des infrastructures estimé à 50 milliards de dollars.
Secteur privé, moteur de la croissance
Pour la directrice de la Confédération générale des entreprises marocaines (CGEM), Miriem Bensalah Chaqroun, il faudrait optimiser les flux commerciaux entre les pays africains. « C’est un atout de taille pour renforcer les relations économiques interafricaines, estime-t-elle. Jean-Pierre Nyengele souligne que le marché africain, qui compte plus d’un milliard de consommateurs, devrait pouvoir contribuer à booster la croissance sur le continent. Il pourrait également, selon lui, apporter de la solidité dans les échanges entre États africains et devenir un lit favorable pour l’investissement direct étranger.
Le développement du secteur privé est largement reconnu comme le moteur d’une croissance économique durable et inclusive. Première institution financière de développement du continent, la BAD fait du développement du secteur privé l’une des priorités de ses objectifs fondamentaux pour réduire la pauvreté et soutenir la croissance durable en Afrique. La vision de la BAD fait converger plusieurs optiques : l’amélioration de l’environnement des affaires, le soutien aux entreprises privées, le renforcement des institutions et systèmes financiers, la promotion de l’intégration régionale et du commerce, et l’attraction des ressources d’autres bailleurs de fonds. En 2014, la Banque a approuvé 48 nouvelles opérations du secteur privé, d’une valeur totale de 1,59 milliard d’unités de compte. Ces approbations ont marqué une hausse sensible de 51,4 % par rapport à celles de 2013.
La BAD et le Congo
La BAD s’est engagée avec le Congo dans six accords majeurs. Elle finance notamment deux projets de construction d’infrastructures de transports. Le projet le plus important est le pont route-rail sur le fleuve Congo pour relier Kinshasa et Brazzaville. Selon les experts de la BAD, cet ouvrage devrait permettre, à long terme, de faire la jonction entre le chemin de fer Ilebo-Kinshasa et le chemin de fer Congo-Océan qui relie Brazzaville au port de Pointe-Noire. Or, certains responsables politiques du Kongo-Central, la construction du pont sur le fleuve Congo asphyxierait le trafic aux ports de Matadi et Boma. Jean-Pierre Nyengele pense qu’il s’agit de craintes injustifiées. « Au moment où les autorités du Congo-Brazzaville ont décidé de moderniser leurs infrastructures portuaires, le gouvernement devrait en faire autant dans le cadre de l’intégration régionale », explique-t-il. Sur la rive droite du fleuve Congo, la firme chinoise Sinohydro s’apprête à doter Brazzaville, début 2016, d’un linéaire de quais de plus de 1 km et d’un terminal à containeurs à Maloukou, juste à l’endroit où sera jeté le pont route-rail en face de Maluku, à Kinshasa, et où la route et le chemin de fer reliant Brazzaville à Pointe-Noire font jonction. D’après cet expert, le fait que près de 60% des importations de la RDC transitent actuellement par le port de Pointe-Noire ne doit pas offusquer outre mesure la population du Kongo-Central. « C’est la conséquence du faible tirant d’eau sur le bief maritime et de la mauvaise gestion des ports dits internationaux de Matadi et Boma, qui doivent être modernisés », souligne Jean-Pierre Nyengele.
Outre le projet du pont sur le fleuve Congo, la BAD a approuvé, en octobre 2014, un don de 82,4 millions de dollars. Cette dotation du Fonds africain de développement (FAD) était destinée à remédier au déficit de financement du projet d’aménagement de la route Batshamba-Tshikapa (56 km). Ce projet incluait la construction d’un nouveau pont sur la rivière Kasaï qui traverse la ville de Tshikapa. L’objectif du projet était de contribuer au désenclavement des provinces qui constituaient le Bandundu et le Kasaï-Occidental. Mais aussi d’améliorer le niveau de service de la chaîne logistique de transport sur l’axe routier Kinshasa-Tshikapa, ainsi que les conditions de vie des populations dans la zone d’influence.
Intégration régionale
Les avantages économiques attendus de la réalisation du projet seront des bénéfices directs sur l’activité des transports (réduction des coûts d’exploitation des véhicules et du temps de parcours) et bénéfices indirects sur les différentes activités socio-économiques (création d’emplois, accroissement de la production agricole, développement d’activités de commerce, meilleur accès de la population aux services de base).
Le projet constituera notamment un frein à l’exode massif des jeunes vers l’exploitation minière dans des conditions d’insécurité permanente, en favorisant leur maintien sur leur terroir, autour d’activités agricoles rentables. Il les aidera ainsi à assurer leur autonomie et contribuera à réduire la pauvreté, à atténuer la vulnérabilité aux chocs (maladies, hausse des prix des produits de première nécessité, changement climatique et instabilité des saisons…) et à une croissance inclusive dans la région.
Le développement du commerce dans la région d’Afrique de l’Est et des Grands Lacs est subordonné à l’état des infrastructures de transport, à la qualité des services de transport et de la chaîne d’approvisionnement. À cet effet, la BAD, en partenariat avec la Banque mondiale, les États membres de la Communauté économique de l’Afrique de l’Est et l’Autorité de coordination du transport de transit du Corridor Nord (ACTT-CN), ont élaboré un projet de facilitation du commerce et du transport dans cette partie du continent.
L’objectif de ce projet dont l’appui institutionnel a été accordé à l’ACTT-CN, est d’améliorer l’environnement commercial à travers la mise en œuvre efficiente du protocole sur l’Union douanière de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Il s’agit aussi de renforcer l’efficacité des services de transport et logistique le long des corridors en réduisant les obstacles et l’incertitude qui caractérisent la durée du transit.