Le Fonds national d’entretien routier (FONER) connaît des difficultés de tous genres qui entravent sa bonne marche. C’est un constat de la Commission économique, financière et de contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale. Alors qu’il passe dans l’opinion comme une structure d’« enrichissement facile et incapable d’assurer ses missions régaliennes », le FONER est plutôt victime des décisions contradictoires du gouvernement, particulièrement dans la collecte des fonds, conformément à ses statuts. En tout cas, dans son rapport relatif à l’examen du projet de loi de finances pour l’exercice 2018, la Commission ECOFIN de l’Assemblée nationale accable le gouvernement dans « le dysfonctionnement » du FONER.
La redevance sur les produits pétroliers terrestres rapporte plus de 95 % des ressources financières au Fonds national d’entretien routier. Mais voilà que l’État a unilatéralement décidé du « rallongement du délai de paiement des sociétés pétrolières qui est passé de 8 jours après la décade à 60 jours », déplore la Commission dirigée par le député MP Jean-Luc Mutokambali.
L’ombre de Luzolo Bambi est partout
La dérogation passe à 180 jours exceptionnellement pour COBIL SA, renchérit la Commission Ecofin de la Chambre basse du Parlement. Le FONER est, en effet, l’arbre qui cache mal la forêt de dols et du coulage des recettes dans le secteur des entreprises commerciales pétrolières en RDC. L’on se rappelle, il y a peu, à la faveur d’une question orale avec débat lui posée par le député UDPS Serge Mayamba, le ministre des Infrastructures, des Travaux publics et de la Reconstruction (ITPR), Thomas Luhaka Lossendjola, avait relevé une déplorable disparité entre les statistiques de la Société congolaise des industries de raffinage (SOCIR) et celles de la Direction générale des douanes et accises (DGDA, ex-OFIDA) chargée de collecter les ressources pour le compte du FONER au point d’entrée des produits pétroliers, notamment à Kinlau à Muanda, dans la province du Kongo-Central.
Le conseiller spécial du chef de l’État en charge de la lutte contre la fraude, la corruption et le blanchiment, Emmanuel Luzolo Bambi, a également dans son viseur l’industrie pétrolière en République démocratique du Congo. Il reprocherait aux sociétés pétrolières Cobil, Total et Engen d’avoir transféré furtivement près de 105 millions de dollars, en complicité avec les banques RawBank, BCDC, ECOBANK, Standard Bank qui auraient livré à ces sociétés pétrolières des licences d’importation des fonds. Il sied par ailleurs de noter que les trois entreprises pétrolières précitées n’ont pas versé leurs dividendes de 2016 au Trésor public (293 394 495 FC pour Cobil, 835 618 956 FC pour Total-RDC et 1 460 635 156FC pour Engen).
Des pratiques répréhensibles mais couvertes par le gouvernement. Qui entretiendrait « un flou total » sur la gestion de Cobil. D’après cet ancien membre du conseil d’administration de la COHYDRO actuellement SONAHYDROC, le professeur José Bafala, « COBIL est placée sous une gestion non encore bien définie… ». À sa connaissance, la République démocratique du Congo reste le seul pays au monde avec « deux entreprises nationales et concurrentes en plus ».
Dans son dernier livre sur l’industrie pétrolière en RDC, José Bafala parle, en effet, des intérêts « occultes croisés » qui s’enchevêtrent ou se neutralisent, s’il le faut. Est-ce une confusion savamment entretenue par l’État lui-même ? Si la loi n°15/012 du 1er août 2015 régissant le secteur fait de la SONAHYDROC, ex-COHYDRO, l’unique société nationale par laquelle l’État participe aux activités dans le domaine, tout demeure confus sur l’autre entreprise publique, voilà pratiquement 15 ans. COBIL est, en effet, né des cendres de MOBIL, une compagnie privée américaine venue s’installer en 1955 en RDC alors Congo Belge. Conséquence de la zaïrianisation décidée par le Conseil exécutif – l’équivalent du gouvernement central – en 1973, les actifs de la société ont été, en effet, repris par l’entreprise publique dénommée Pétro Zaïre, future COHYDRO.
Mais le régime de Mobutu rétropédale, près de 4 ans après. L’État décide de la rétrocession des actifs de MOBIL en 1977. Une nouvelle entreprise en verra le jour avec un tout autre statut : Zaïre Mobil Oil, l’État y participe comme actionnaire minoritaire. Le 1er septembre 2003, la société pétrolière change de dénomination pour s’appeler Cobil Sarl. La fourniture du carburant et des lubrifiants à la société de transport public routier TRANSCO constitue l’un de ses plus gros marchés. Les factures de COBIL inhérentes à ses livraisons à TRANSCO sont prises en charge directement par le gouvernement. Elles sont pratiquement passées du simple au double entre 2014 et 2015, de près de 7 millions à environ 13 millions de dollars.
Dans le dernier rapport de TRANSCO portant sur l’exercice clos de 2015, force est de constater que COBIL ne donne pas le volume d’huile fournie à TRANSCO mais uniquement les montants à payer. Par exemple, 27 828 656 FC repris sur la facture n°15-003733 ou encore 36 635 800 FC sur la facture 15-003480. Les recettes des participations COBIL SA sont quasiment nulles dans le budget de l’État depuis quelques années.
Sans le soutien de l’État dans le recouvrement
Et pourtant, la créance du FONER sur l’État avoisine les 30 millions de dollars. Le gouvernement n’a même pas prévu l’amorce d’un paiement, même à long terme dans son Cadre budgétaire à moyen terme 2018-2020. Bien au contraire, l’établissement public ne bénéficie même pas du soutien du gouvernement pour recouvrer l’argent que ses redevables versent à la Caisse d’épargne du Congo (CADECO). Aux dernières estimations, la CADECO garde par devers elle quelque 4 millions de dollars du FONER. Le DG du FONER, Fulgence Bamaros Lobota, n’a guère reçu l’appui de l’État pour récupérer environ 10 millions de dollars qui se sont retrouvés bloqués dans deux banques en liquidation à savoir la Banque Congolaise (6 millions de dollars) et la BIAC (plus de 3 500 000 dollars). Les prévisions des recettes 2018 du FONER sont de 264.378.0007.255,55 FC.