En matière de sommet, le Forum économique mondial ou World Economic Forum (WEF) représente, avec pas moins de 3 000 sommités internationales de l’économie, de la politique, des sciences et de la société, le fleuron de Davos. La réunion annuelle du WEF porte « l’esprit de Davos » dans le monde entier, au terme de discussions autour de solutions envisageables et de réseautage dans une ambiance « village », le tout dans des infrastructures citadines sur un imposant décor de montagne. Le WEF est une fondation à but non lucratif, avant tout connue pour sa réunion annuelle qui se déroule dans la ville de Davos.
À l’occasion de cet événement qui prend ses quartiers dans le centre de congrès moderne de Davos, des experts économiques internationalement reconnus, des personnalités politiques, des intellectuels et des acteurs de la vie médiatique se réunissent pour discuter des dernières questions qui touchent notre monde. Le Forum organise en parallèle d’autres réunions au cours de l’année et publie des rapports de recherche.
Cette année (23-26 janvier), Donald Trump, Angela Merkel, Emmanuel Macron, le roi d’Espagne, Netanyahu, les patrons de Renault, Microsoft, Google ou encore l’actrice Cate Blanchett… ont compté parmi les personnalités réunies à Davos la semaine dernière. Les interventions et autres groupes de travail se sont succédé pendant quatre jours dans la petite station de sports d’hiver du canton des Grisons en Suisse. L’objectif de cette réunion format XXL ? « Créer un avenir partagé dans un monde fracturé ».
Mais à quoi sert le forum de Davos ?
Benjamin Coriat est membre des économistes atterrés et professeur à l’université Paris XIII. Pour lui, « pas à grand-chose ». « On est dans une situation dans laquelle il n’y a plus de régulation internationale puisque les différentes institutions qui jouaient ce rôle, Fonds monétaire international (FMI) ou ONU, ne le jouent plus ». D’après lui, c’est devenu « un lieu de concertation informelle entre puissants et entre partisans et artisans de la globalisation ». Au cours de ces échanges, poursuit-il, il peut se décider des choses, des visions, des stratégies. Mais il n’y a rien d’obligatoire ou de contraignant.
Ils se sont certainement congratulés de la reprise mondiale, ils se sont inquiétés du fait que la finance n’est pas entièrement stabilisée, notamment sur les actifs financiers. Ils se sont aussi préoccupés, au moins formellement, des inégalités. La croissance mondiale dans sa forme actuelle a poussé les inégalités à des niveaux extrêmement élevés. Il ne faut pas du tout surestimer l’importance de ce genre de rencontre. Même quand il y a des annonces, ce n’est jamais suivi de faits. En fonction de l’évolution de la conjoncture, les différents égoïsmes nationaux reprennent leur droit. « Davos est un lieu de concertation informelle entre puissants qui essaient de rendre la globalisation acceptable et qui traitent des problèmes de ce point au fur et à mesure ».
En 2016, de nombreux responsables européens présents à Davos s’étaient engagés en faveur des migrants, mais depuis rien du tout. Ça peut même être dangereux dans le sens où ils peuvent se dire que le niveau d’inégalités produit par la globalisation n’est pas si grave que cela, ils peuvent se dire que le fait que les accords climatiques ne soient pas respectés, ce n’est pas si grave que cela. On ne sait pas très bien…
Le climat au cœur des discussions ? Là encore, on ne saura pas vraiment ce qu’il s’est dit mais rien ne peut être décidé. De toute façon, même des rencontres qui sont plus officielles avec des représentants mandatés pour cela comme la Cop21, ce n’est pas suivi des faits. On est supposé s’engager pour limiter la hausse de la température à 2 degrés d’ici 2100, et même si les pays tiennent leurs engagements, on en est à 3,6 pour la fin du siècle. Mais ils ne les tiennent même pas, la France vient d’annoncer qu’elle ne les avait pas tenus.
Les chefs d’État parlent, les patrons écoutent
Les politiques sont accueillis à Davos pour faire des discours. Mais c’est plus le sommet des grandes entreprises, le vrai Davos ne se joue pas sur la scène mais dans les salons où les dirigeants des grandes entreprises discutent entre eux. Ils viennent simplement écouter les chefs d’État pour se faire une idée de ce qu’ils pensent, à partir de là, elles décident de ce qu’elles vont faire. Les entreprises passent leurs accords, puis écoutent les chefs d’État pour les rendre opérationnels.
L’Indien Narendra Modi s’est fait le chantre de la mondialisation. L’euphorie qui a régné au Forum mondial fait redouter aux grands patrons la prochaine crise. En maître de cérémonie consommé, Klaus Schwab a trouvé la martingale pour promouvoir les mérites de la mondialisation. Pour cette 48è édition du Forum économique mondial, la séance inaugurale a été confiée au 1ER Ministre indien, Narendra Modi. Et de même qu’en 2017, le président chinois Xi Jinping s’était fait le défenseur du libre-échange, Modi n’a eu de cesse de pourfendre « les forces du protectionnisme qui relèvent la tête », selon ses propres termes.
Il faut reconnaître que l’Inde est avec la Chine le plus grand bénéficiaire de la libéralisation commerciale et financière. Le 1ER Ministre indien l’a admis d’entrée de jeu.
À Davos, le président américain, Donald Trump, a voulu être « le meilleur vendeur des États-Unis » afin de favoriser la croissance dans son pays. Le président américain a lancé un appel à investir aux États-Unis. Le magnat de l’immobilier a réaffirmé qu’« une Amérique prospère est une bonne chose pour le monde ». Pour lui, le libre-échange n’était une bonne chose que s’il était « juste et réciproque ». « L’Amérique d’abord ne veut pas dire l’Amérique seule », a martelé Gary Cohn, reprenant une formule fréquemment utilisée par la Maison Blanche.
Dès son arrivée au pouvoir, Donald Trump a annoncé le retrait abrupt des États-Unis de l’Accord de libre-échange Asie-Pacifique (TPP) signé en 2015 après d’âpres négociations par 12 pays d’Asie-Pacifique représentant 40 % de l’économie mondiale. Les 11 pays restants ont annoncé leur volonté de poursuivre l’aventure sans Washington. Donald Trump menace par ailleurs régulièrement de quitter l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), en cours de renégociation, qui rassemble États-Unis, Canada et Mexique. Gary Cohn a par ailleurs laissé entendre que les États-Unis travaillaient sur de nouveaux accords d’échange bilatéraux. « Il y a de nouvelles discussions sur lesquelles nous commençons à travailler », a-t-il déclaré, refusant cependant de citer les pays en question.
Pour Emmanuel Macron, «France is back ». “La France est de retour », a lancé Emmanuel Macron aux grands patrons et dirigeants politiques réunis à Davos, où il a assuré le service après-vente de ses réformes. « Il était interdit d’échouer en France et interdit de réussir », a estimé le président français dans son discours au Forum économique mondial, lui qui veut encourager au contraire à « prendre des risques ».