LES EXPERTS du Fonds monétaire international (FMI) sont dans nos murs. Leur mission s’inscrit dans la suite logique des concertations avec les autorités du pays pour parvenir à un programme formel de coopération. Quel est l’état de la situation ? Au conseil des ministres du jeudi 20 février, José Sele Yalaghuli, le ministre des Finances, a attiré l’attention des membres du gouvernement sur « la nécessité de sauver le programme de référence avec le Fonds monétaire international, et sur l’interprétation de certains concepts de trésorerie », a indiqué le porte-parole du gouvernement, David Jolino Diwanpovesa Makelele ma-muzingi, le ministre de la Communication et des Médias.
Les exigences du Fonds
En novembre 2019, le gouvernement et le FMI étaient tombés d’accord pour mettre en place un programme intérimaire des six mois. Ce dernier, assorti d’une facilité de crédit rapide de 368,4 millions de dollars (pour renforcer les réserves internationales de la Banque centrale du Congo), comporte une série d’exigences pour le gouvernement, s’il tient à renouer avec le Fonds.
En rappel, il s’agit pour le gouvernement d’augmenter les réserves internationales ; rembourser la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des miniers et lever la mesure portant suspension de la perception de la TVA des sociétés minières d’ici à mars 2020 ; retenir à la source l’impôt professionnel sur les revenus (IPR) sur la totalité des revenus pour tous les fonctionnaires et agents de l’État, ainsi que pour les membres de toutes les institutions politiques, afin d’augmenter les recettes ; publier un plan de trésorerie pour 2020 en cohérence avec les niveaux réalistes des recettes et des prévisions de financement des dépenses, pour améliorer la qualité de la gestion des finances publiques.
Il s’agit aussi pour le gouvernement de publier les états financiers complets et audités de la BCC pour l’exercice 2018 sur le site de l’institut d’émission, afin de renforcer la transparence et sa gouvernance ; recruter le coordonnateur national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), conformément aux procédures et code de conduite de l’ITIE, afin d’assurer la transparence dans la gouvernance du secteur minier ; assurer le transfert d’une partie des ressources des comptes spéciaux au compte général du Trésor (FPI pour 1 million de dollars par mois, FONER pour 1 million de dollars par mois, RVA pour 100 000 dollars par mois, Fonds pour les générations futures pour 1 million de dollars par mois à affecter aux investissements en capital physique et humain), dans le but d’augmenter l’espace budgétaire de l’État.
Enfin, il s’agit pour le gouvernement d’assurer le reversement de la TVA et de l’impôt sur les revenus collectés par les entreprises publiques en vue d’augmenter le niveau des recettes ; et plafonner les dépenses de fonctionnement des institutions politiques pour rationaliser les dépenses publiques. Tout cela devait être fait à l’échéance de janvier 2020. Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, s’est engagé à « assurer le succès du programme de référence à travers le respect tant de ses repères quantitatifs que structurels », promettant de porter « une attention particulière sur la discipline budgétaire ».
En évaluant la situation, il y a bien risque que les objectifs fixés dans le cadre de ce programme intérimaire n’aient pas été atteints. Tout dépendra donc du rapport de mission que les experts du FMI transmettront au siège à Washington, en vue d’un programme formel (triennal) avec le FMI. Mauricio Villafuerte, le conseiller du département Afrique qui a conduit la mission d’experts à Kinshasa, l’a laissé entendre.
Respect de la parole
Et on comprend bien la préoccupation du ministre des Finances, martelant sur « la nécessité pour le gouvernement de respecter ses engagements en vue de voir s’ouvrir des perspectives financières importantes pour notre pays », selon le porte-parole du gouvernement. Le respect des engagements signifie une gestion saine des finances publiques, entre autres. C’est la bataille de José Sele Yalaghuli. Au conseil des ministres, il a fait part du niveau d’exécution du budget 2020.
Une façon de mettre un terme sur la controverse née autour de la publication du plan de trésorerie (PTR) que son ministère a récemment publié. « Le ministre des Finances a explicité à l’attention du conseil des ministres la différence entre le plan de trésorerie et le plan d’engagement budgétaire. Il a confirmé que le ministre des Finances n’a aucun pouvoir de modifier le contenu de la loi de finances, quelles qu’en soient les circonstances. Cette prérogative relève du seul législateur », a encore déclaré le porte-parole du gouvernement.
C’est quoi un PTR ?
La publication du plan de trésorerie a fait polémique (sur fond de récupération politicienne) à Kinshasa durant toute la semaine passée. À l’heure où les finances publiques de la République démocratique du Congo connaissent un tour de vis, la mobilisation des recettes de l’État devient une priorité nationale majeure. En réalité, cette controverse n’a pas raison d’être car c’est une exigence du FMI pour rassurer les partenaires financiers. Ce document était vivement attendu par ces partenaires, après que Philippe Egoumé, le représentant du FMI en RDC, a jeté un pavé dans la mare, en déclarant, en décembre 2019, que le budget de l’exercice 2020 du gouvernement était « irréaliste ». Autour de 11 milliards de dollars, ce budget est deux fois plus élevé que ce que le gouvernement a pu mobiliser en 2019. Or, soulignent des observateurs, avec la suspension par Glencore des activités à la mine de Mutanda (20 % des exportations de cuivre et de cobalt, et 40 % de l’impôt sur les bénéfices), les recettes minières en 2020 devraient être moins bonnes encore que celles de l’an dernier.
Un rapport du FMI souligne que les autorités congolaises sont d’accord pour baser l’exécution du budget 2020 sur « des prévisions plus réalistes. C’est ce à quoi devrait servir le plan de trésorerie pour avoir une estimation plus juste de ce que l’État va pouvoir dépenser cette année. C’est quoi un plan de trésorerie ? Au ministère des Finances, on explique que le PTR permet d’éviter le dérapage des dépenses publiques. C’est donc un instrument de gestion pour rationaliser les dépenses publiques après les dérapages constatés en 2019. C’est aussi un outil de pilotage de l’exécution du budget de l’État en tenant compte de la conjoncture et des contraintes du moment. Il est donc dynamique, révisable et ajustable sur la base annuelle ou infra-annuelle.
Le plan de trésorerie publié par le ministère des Finances prévoit de dépenser 5,64 milliards de dollars. Autrement dit, le gouvernement est en capacité de ne mobiliser que 5,4 milliards de dollars en termes de recettes. L’écart de quelque 200 millions devrait être comblé par des bons du Trésor émis par la Banque centrale. Dépenser uniquement sur base caisse, c’est l’un des engagements pris avec le FMI.
Selon Vincent Ngonga, le directeur de cabinet du ministre des Finances, le PTR a aidé à « constater que nous avions un financement monétaire (de 94 milliards de CDF) au mois de janvier 2020 alors qu’il devrait être nul pendant le programme ». Maintenant, a-t-il déclaré, des dispositions ont été prises : revoir le PTR pour les mois de février et mars de manière à absorber le financement monétaire. Et à fin mars, être à un financement monétaire nul.