L’ÉLÉMENT principal dans l’exploitation minière, c’est la confiance des investisseurs vis-à-vis de l’État mais aussi des communautés locales où se développe l’activité. L’objectif principal de la révision du code minier de 2002 en 2018 était de revoir au mieux les intérêts de l’État et des entreprises, le régime fiscal, douanier et de change ; accroître le niveau de contrôle de la gestion des titres miniers et du domaine minier ; repréciser les éléments relatifs à la responsabilité sociétale des entreprises minières vis-à-vis des communautés locales affectées par les projets miniers ; assurer l’émergence et le développement durable du pays, à partir de la valorisation des ressources du sol et du sous-sol.
Exercice d’exorcisme
Est-ce que l’objectif est atteint ? Les assises (4è édition) de l’Alternative Mining Indaba RDC (AMI) ont réuni pendant deux jours (18 et 19 novembre) à Lubumbashi opérateurs miniers, autorités du pays et organisations de la société civile de plusieurs pays de l’Afrique australe dont la Zambie et l’Afrique du Sud pour faire le point de la redevance minière. La 4è édition l’AMI a été placée sous le thème « Gestion et impact de la redevance minière sur le développement des ETD et impact du Covid-19 sur le secteur minier congolais ».
Le forum de Lubumbashi a ressemblé fort à un exercice d’exorcisme. Par exemple, Jean-Claude Kamfwa, le vice-gouverneur du Haut-Katanga, a déploré que les communautés impactées par les projets miniers ne bénéficient pas encore effectivement de la redevance minière. Pour sa part, l’abbé Claude Kalaba, représentant de l’archevêque de Lubumbashi à ces assises, a stigmatisé l’impunité et le manque de contrôle. Ce qui laisse libre cours au détournement facile des fonds. Willy Kitobo Samsoni, le ministre des Mines, s’est voulu plutôt rassurant : le gouvernement va annoncer prochainement une décision de régulation de la gestion de la redevance minière.
Organisé conjointement par South African Ressources Watch (SARW), la coopération allemande (GIZ) et l’ONG Vision mondiale, ce forum vise justement la confiance entre les investisseurs miniers, l’État et les communautés locales. En RDC, le secteur minier représente 80 % des exportations nationales et se positionne ainsi comme le poumon de l’économie nationale. Selon les organisateurs de ce forum, les assises de Lubumbashi ont permis de présenter quelques projets réalisés dans le cadre de la redevance minière.
Par exemple, les bourgmestres des communes de Fungurume, Dilala pour le Lualaba et Kampemba pour le Haut-Katanga ont présenté quelques projets. Parmi lesquels la construction et la réhabilitation des écoles, des routes et autres infrastructures sanitaires et le forage des puits d’eau dans les quartiers non desservis par la REGIDESO. « Les ETD reçoivent la redevance minière depuis 2018. Il y a eu des problèmes au début de l’affectation de cette redevance minière parce qu’il y en a qui pensaient que c’était de l’argent qu’ils pouvaient utiliser de n’importe quelle manière », a laissé entendre Freddy Kitoko (société civile). Qui ajoute : « Heureusement que des ONG ont fait l’accompagnement des ETD, maintenant on voit quand même l’impact bien que minime encore. »
Énormes problèmes
Selon la société civile, la gestion de ces fonds destinés aux projets de développement communautaire pose d’énormes problèmes. Entre juillet 2018 et décembre 2019, les compagnies minières sont censées avoir versé aux collectivités locales congolaises près de 114 millions de dollars. Des fonds destinés à des projets communautaires comme l’accès à l’eau, à l’électricité ou la construction d’infrastructures. À Lubumbashi, les bénéficiaires de ces projets communautaires ont pris la parole et on constate que les avis sont partagés. Pour les uns, l’impact de cette redevance minière est perceptible et cela redonne de l’espoir. Pour les autres, il faudra d’abord qu’on leur dise combien perçoivent ces entités avant d’émettre des critiques objectives sur la qualité des projets réalisés.
Par exemple, Dominique Munongo, élue de Lubudi dans le Lualaba, a indiqué que la chefferie de Bayeke bénéficiaire aussi de cette manne financière enregistre certaines actions encourageantes mais beaucoup reste à faire. Pour Jean-Pierre Muteba (société civile), les autorités des collectivités ont cependant affecté ces fonds à d’autres utilisations. « Nous avons vu des jeeps, nous avons vu des salaires faramineux pour certains de leurs conseillers, ils ont créé des cabinets… ». Et Jean-Pierre Muteba s’indigne : « (on nous dit 🙂 j’ai réhabilité le bâtiment de la commune à 500 mille dollars ! (mais) avec 500 mille dollars, on peut construire 8 écoles de six classes ! » Selon la société civile, les gouverneurs des provinces et les divisions provinciales des Mines exigent eux aussi une quote-part de la redevance minière dues aux collectivités, ce qui accentue la dispersion des fonds.